Jolie petite histoire...
Je suis un jour de novembre 1868, dans une ruelle sombre de Londres, à Whitechapel. Je ne possédais alors qu'un nom : Anne. Anne Lacey. Le même nom de famille que ma mère, celui que l'orphelinat lui avait appropriée à son arrivée, car nul ne savait exactement d'où elle venait. Je ne sais pas grand chose d'elle, mis à part son exercice en tant que fille de joie. C'est ainsi qu'elle connu mon père, John Elliot. Un homme tout à fait respectable, mais qui n'aimait pas autant son épouse que le plaisir de la chair. Il n'y a jamais eu de réelle affection entre eux, à peine quelques entrevus. Et pourtant, cela suffit à me mettre au monde. Comment être sûr que John était mon père ? Personne ne peut en être vraiment certain, mais pourtant c'est bien à lui que m'amenant ma génitrice, quelques semaines après ma naissance et quelques heures avant sa propre mort. On aura pu m'abandonner dans la rue en me considérant comme morte, ou me déposer devant un orphelinat. Le couple Elliot ne fit rien de tel et me prit sous leur toit, de mal gré pour madame, de bon gré pour monsieur, car il était certainement difficile d'admettre chez elle le produit de l'adultère de son époux. Ils me donnèrent néanmoins un second prénom : Margaret, celui de ma belle-mère. Un nom que je refuse de porter aujourd'hui, cette dernière n'ayant eu pour moi que de la rancoeur. Mais pouvait-on seulement la narguer ?

Cela ne m'a pas pour autant jamais empêcher de vivre une enfance tout à fait convenable. Étant la seule enfant du couple, mon père était le plus intentionné du monde envers moi. J'aimais tout particulièrement traîner dans sa boulangerie, sentir l'odeur du pain tout frais et l'aider dans ses confections. Déjà à cette époque, mon rêve était de pouvoir reprendre la boutique une fois que j'en aurai l'âge, pour pouvoir préparer toutes ces délicieuses choses à mon tour. Margaret n'a jamais voulu : je me devais d'être mariée pour espérer vivre dignement. Il fallait sans cesse qu'elle me rappelle que je n'étais rien d'autre qu'une enfant illégitime, et qu'une fois qu'ils ne seront plus de ce monde, je n'hériterais de rien. Mais l'idée même de devoir me marier par raison me fais encore frissonner aujourd'hui, car je n'ai de cesse de me comparer à cette pauvre femme, devant subir les nombreuses tromperies de son mari. Il était hors de question que je vive ainsi. Je passais donc la majorité de mon adolescence à lire des livres le long de la tamise, seul endroit paisible me faisant office de refuge.

Magaret trouva la mort, emportée par une pneumonie. Je ne ressenti rien de particulier à sa mort, simplement de la peine pour mon père. Bien qu'il n'ait eu pour elle aucune affection particulière, elle restait quelqu'un d'important dans sa vie. Désormais, il n'y avait plus que lui et moi.
Après l'enterrement de ma belle-mère, les choses devinrent plus compliquées pour nous. Suite à coupure profonde dans la jambe et une infection, mon père fut obligé d'arrêter son travail, ne pouvant plus tenir debout sans béquilles. Du jour au lendemain, nous nous retrouvions sans revenus, la boulangerie vendue, et avec à peine de quoi manger, l'argent restant nous servant à payer les anti-douleurs de mon père.
Je réussi à trouver à un travail au sein d'une blanchisserie. La patronne était aussi aimable qu'une porte de prison et la tâche épuisante, mais je n'avais pas d'autre choix si je voulais avoir un toit au-dessus de ma tête. Le salaire que je gagnais nous permettait de payer le loyer et quoi nous nourrir aisément, mais les médicaments et le médecin restaient très coûteux. Au bout de quelques mois, plus aucun médecin ne franchis le seuil de la porte, faute de moyens. Malgré tout, la douleur de mon père à la jambe était toujours présente.

J'avais dix-sept ans quand je me mis à voler les clients de la blanchisserie pour la première fois. Avant de laver les vêtements, il est d'usage de fouiller les poches pour enlever les petits objets oubliés et de les rendre, cela va de soit. Ces objets, que sont les montres ou les bagues, avaient assez de valeur pour me permettre d'acheter de la drogue illégalement, et donc de soulager John de ses douleurs. Je ne voulais pas voler, me mettre en danger ou faire quelque chose d'illégal, mais je ne supportais plus de le voir souffrir. Alors j'ai commencé à revendre les objets que je trouvais au premier brigands que je trouvais, parfois pour des sommes plus petites que ce que valaient réellement les objets. C'est toutefois la seule manière que j'ai trouvée jusqu'à maintenant pour ne pas me faire prendre par les autorités, ou par ma patronne.

Personne n’aurait pu prédire que ma vie serait aujourd’hui celle qu’elle est. La femme que je suis aujourd’hui est bien différente de la petite fille que j’étais, insouciante face à la dure réalité de la vie et espérant pouvoir voir mondes et merveilles. J’ignore encore ce qui a pu me conduire jusqu’à ce chemin dangereux que je redoute, mais que j’apprécie à la fois. Peut-être qu’un jour, le temps de la sagesse approchant, je comprendrais enfin le pourquoi du comment.

Dans la vraie vie, je suis...
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<t>Imogen Poots</t> → <y>Anne M. Lacey</y>