Nina K. Blackmont & Thaddeus Wakefield... mots ▬ dialogue en ...

Elle avait ri. Ce son à la fois si doux et amère avait franchi la barrière de ses lèvres à la minute même ou sa tante lui avait annoncé que ses parents comptait offrir à leur chère enfant une visite de courtoisie dans les plus brefs délais. Quelques fois, Nina avait l'impression que l'on la prenait pour une petite sotte, et cette fois en était la parfaite illustration. Sa mère, Madame De Blackmont, ne quittait jamais sa demeure en Autriche où elle organisait chaque soir que Dieu fit des réceptions à n'en plus finir, au détriment parfois de sa propre fille qui vivait à l'autre bout du monde. Mais bon, Nina avait l'habitude de cette vie et préférait de loin savoir sa mère concentrée sur autre chose que sur son idée stupide de mariage.

Jusqu'à présent, la brunette avait réussi à éloigner la majeure partie des prétendants potentiels et même à éviter que sa mère ne vienne elle-même à Londres pour trouver la "perle rare" comme elle le disait. Aussi, la jeune femme tenta une nouvelle fois de faire changer d'idée à sa mère. Si Nina avait mis au point mille et un stratagèmes pour congédier les époux que sa mère lui avait envoyé, elle savait que les choses se compliqueraient si la matrone avait le malheur d'assister elle-même au rendez-vous qu'elle prévoyait pour sa fille. Chose étonnante, la Ladie était parvenue à ses fins avec plus de facilité qu'elle ne l'aurait cru et c'était ainsi légèrement reposée sur ses lauriers. Grossière erreur.

Elle apprit ainsi que Madame De Blackmont lui avait trouvé un potentiel fiancé parmi les fils de la famille Wakefield, une lignée de la bourgeoisie connue principalement pour son attachement à la littérature et aux sciences. Il était plutôt étonnant d'ailleurs de constater que Madame De Blackmont avait retenu l'amour des livres de sa fille, bien qu'elle comptait s'en servir pour mettre cette dernière dans sa poche et ainsi assurer des fiançailles dignes de ce nom. Jolie tentative mais bien que Nina soit une jeune femme appréciant les lettres, elle n'en demeurait pas moins d'une redoutable intelligence et s'il y avait bien une chose qu'elle ne souhaitait pas, c'est qu'un mariage ai lieu. Plutôt fuguer que de se retrouver enchainée à un mari pour lequel elle n'aurait de surcroit aucun sentiment. Ignoble.

Si Nina tenta de résoudre sa mère à abandonner son beau projet et cru y parvenir, elle tomba lourdement des nues en apprenant que ses parents se trouvaient en chemin pour Londres mais qu'en plus un rendez-vous était organisé le jour-même avec la famille Wakefield afin de discuter plus en détail sur les modalités de cette union. La damoiselle fut ainsi portée au comble de l'agacement. Non seulement elle ne pouvait rien faire pour empêcher ce ridicule entretien mais en plus elle se vit forcée de faire bonne figure, suivant toute la troupe lors de la visite du manoir. Elle demeura cependant silencieuse, cachant son irritabilité sous un masque calme et neutre, se tenant de plus à l'écart de celui que sa mère présentait déjà comme un futur mari.

Madame De Blackmont assurait d'ailleurs qu'il était temps que sa fille adorée trouve un homme afin de me la tenir, qu'elle était parfois un peu trop avide de liberté et qu'elle se devait de se comporter comme une héritière et non comme une aventurière ridicule. Si elle ne présenta pas exactement cela comme ça, ce fut néanmoins ce que la Ladie entendit et autant dire que cela eu le mérite de porter son seuil d'agacement à son paroxysme. Si elle en avait eu la possibilité, elle serait partie en claquant la porte mais le protocole voulait qu'elle se montre courtoise. Et elle devait malheureusement beaucoup à ses parents, qu'elle ne parvenait pas à détester malgré l'enfer qu'ils mettaient en œuvre à ses yeux. Les Wakefield auraient beau être les personnes les plus parfaites du monde, rien que leur nom l'horripilait. Elle refusait cette union.

Ce fut sur cette idée fort sympathique que Nina remarqua que la pièce se vidait. Alors qu'elle s'apprêtait à relâcher un peu la pression, elle nota la présence de celui que Madame De Blackmont voyait comme un futur gendre dans la pièce. Posant son regard noisette sur cet individu, la jeune femme ne s'attarda pas bien longtemps sur son visage. Le physique lui importait peu après tout, et elle cherchait juste à voir une faille, un petit indice qui lui permettrait de voir que son interlocuteur était contre cette ridicule union. Ainsi elle pourrait aisément le congédier, de bonne entente bien sûr, et tout rentrerait dans l'ordre.

Mais elle n'eut pas bien le temps de s'attarder sur cela qu'il lui proposa un verre, s'offrant ainsi un visage neutre de la belle.

" Je vous remercie pour votre proposition mais je me vois dans le regret de la décliner malheureusement. Mais je vous en prie, asseyez-vous donc vous serez plus à l'aise. "

Gracieuse, aimable, courtoise. Quoi qu'un tantinet froide peut-être mais que voulez-vous, nul n'est parfait et si Nina se montrait ainsi, c'était pour se retenir de hurler.

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Madame De Blackmont avait su éduquer sa fille aux mœurs de la haute-société. Le protocole, la tenue, la façon de parler. Tant et si bien que si la jeune Ladie savait pertinemment comment se tenir, elle avait déjà plusieurs fois fait exactement le contraire de ce que l'on attendait d'elle dans le seul but de contrarier celle qui se présentait comme sa mère. Si cette fois la damoiselle ne se permettait pas ce genre de débordement, c'était pour la simple et bonne raison que l'homme qui se trouvait dans cette pièce ne méritait aucunement qu'elle se montre odieuse envers lui. D'autres avant lui avaient eu droit à toutes les foudres de la jolie brune et s'en étaient allés la queue entre les jambes. C'est qu'elle avait du mordant cette petite, et elle ne se privait pas de le faire savoir.

Enfin bref, ne nous égarons point. Ainsi, Monsieur Wakefield avait-il pris place dans l'un des canapés du boudoir et si Nina se montra quelque peu réticente à l'idée de prendre place à son tour, l'idée de demeurer debout ne semblait pas plus pertinente. Alors qu'elle s'installait dans le fauteuil placé face à celui de son interlocuteur afin de demeurer à une certaine distance sans pour autant montrer son hostilité, elle eut un léger sourire à son compliment. Les hommes avaient pour beaucoup cette tendance à la flatterie et si cette dernière était devenue coutumière aux yeux de la damoiselle, elle accepta le compliment avec courtoisie. Il n'était jamais désagréable de se voir complimenter par un homme et Nina était de celles qui considéraient que faire un compliment était un effort de la part de l'interlocuteur. Effort qu'elle appréciait, bien évidemment.

Quant au second compliment concernant le domaine, elle penserait à le transmettre à sa tante à l'occasion. Pas que cela ne la touche pas, simplement ... le domaine ne s'entretenait pas en fonction d'elle et bien qu'elle le trouve tout à fait à son goût, ce qu'en pensait le reste du monde lui importait bien peu.

" Je vous remercie pour ce délicat compliment. Ma Tante tient particulièrement à l'entretien de son manoir en effet, et il est bon de constater que le travail de notre jardinier soit apprécié. "

Elle ne s'impliquait pas réellement dans la conversation mais répondait toutefois à ce que l'on exigeait d'elle. Des réponses, elle était bien capable d'en donner même si l'idée de mener une conversation plus approfondie l'irritait. Et pourtant ! Nina était sans doute la femme qui conversait le plus dans les salons mondains où elle se rendait, même avec des hommes. Le problème, c'était cette idée ridicule de mariage qui l'empêchait de s'impliquer plus en détails.
Malheureusement, ses effort pour rester en retrait furent vains puisque la question que posa ensuite son interlocuteur alluma une légère étincelle dans son regard. Ainsi, cet homme s'était renseigné, ou avait été renseigné. Plutôt intéressant ...

" En effet, je monte depuis plusieurs années maintenant bien que beaucoup diront que cela n'est pas une activité de femmes. Nous possédons notre propre écurie et j'y dresse la majeure partie des pensionnaires qui s'y trouvent. Elle fit une courte pause. On m'a dit que vous aimiez les livres, quels sont vos préférés ? "

Pourquoi ne pas jouer un peu le jeu après tout.

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S'il y avait bien une chose que la Ladie se devait de reconnaitre à l'intention de son interlocuteur, c'était qu'il avait l'air de parler aux femmes, et sans doute à toute personne qui croiserait son chemin d'ailleurs. Et l'une des qualités que la damoiselle appréciait le plus chez un homme se trouvait être le talent d'orateur que Monsieur Wakefield avait sans conteste. Sa mère était une vieille fourbe, mais une très bonne fourbe si bien que Nina en rit intérieurement. La manipulation chez Madame De Blackmont était un art, qu'elle avait par ailleurs transmis à sa progéniture, d'une rare ingéniosité et si sa seule héritière désirait ne pas épouser un homme, alors la bonne femme allait trouver les hommes qui correspondait le plus à sa fille pour lui donner le moins d'opportunité de refuser. Madame De Blackmont était une femme déterminée, on ne pouvait dire le contraire.

Cette détermination égalait le côté têtu de la jeune Ladie, d'où de nombreuses disputes extrêmement courtoises à ce sujet pendant quelques diners. Monsieur De Blackmont s'amusait d'ailleurs discrètement de la relation qui unissait mère/fille, trouvait que les deux femmes qui partageaient sa vie avaient un caractère similaire, à quelques différences prêtes. Nina était plus calme que sa mère mais plus franche aussi et elle parvenait à obtenir ce qu'elle voulait ou à dire ce qui lui plaisait par de multiples stratagèmes fort complexes. Quoi qu'il en fut, la petite famille se heurtait sur le plan "mariage" et cela était loin d'être fini. Le repas du soir-même risquait notamment d'être très mouvementé et autant dire que les débats sur la famille Wakefield irait bon train. Palpitante soirée en perspective donc.

" J'entends de nombreuses choses Monsieur Wakefield, et j'en dis également. Les soirées mondaines sont un très bon exemple de ce que l'on peut entendre de plus intelligent autant que de plus idiot. Vous y rendez-vous quelques fois ? Ma mère ne m'a pas entretenu à ce sujet, je me permets donc cette indiscrétion. "

Le sujet des livres sembla intéresser son interlocuteur, ce qui en soit n'était pas bien étonnant. Néanmoins, sa réponse ayant un certain intérêt, Nina l'écouta calmement et attentivement. Les goûts de Monsieur Wakefield étaient plutôt commun, jusqu'à ce qu'il parle des Penny Dreadful, captant de cette façon son attention. La damoiselle n'avait jamais eu l'occasion de pouvoir lire ce type d'ouvrage, sa mère ayant recommandé à sa tante de surveiller attentivement ses lectures bien que cette dernière s'y connaisse assez peu. Ainsi Nina se débrouillait pour lire ce qui lui plaisait, à l'exception de quelques œuvres dont la réputation était si mauvaise pour la haute que sa tante elle-même en avait eu vent. Il fallait se contenter de ce que l'on pouvait obtenir, et la Ladie suivait ce principe bien qu'il ai la fâcheuse manie de la contrarier de temps à autre.

Lorsque Monsieur Wakefield lui retourna la question qu'elle venait tout juste de lui poser, la damoiselle eu un très léger rire, très doux et fugace. Ce qu'elle préférait lire ... La question lui semblait à présent improbable au vu de la variété et de la diversité que proposait les différents types d'ouvrages en eux-mêmes. Néanmoins, elle s'autorisa à répondre assez honnêtement.

" Il m'est difficile de vous donner une réponse à cette question Monsieur Wakefield. Disons que chaque type d'ouvrage que je lis a son propre intérêt et que choisir entre tous me parait assez réducteur. Néanmoins, j'ai une question à vous poser, à laquelle je vous laisse le choix de ne point me répondre si vous le souhaitez. Que pensez-vous de cette idée de fiançailles ? "

Belle Nina, voilà enfin votre franchise naturelle qui s'éveille.

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Elle ne s'étonna pas plus que cela de la réponse de son interlocuteur et l'observa calmement. Ce fut néanmoins au compliment qu'elle sourit doucement, posant sur l'homme un regard quelque peu curieux. Après tout, elle ne le connaissait pas tant que cela mais sa façon de parler ou de converser ne lui déplaisait pas. Il était assez naturel bien que la majeure partie du protocole et des bonnes manières pouvaient se voir dans sa façon de se comporter avec elle. Il n'était pas rare qu'elle rencontre ce genre de personnes dans quelques soirées mondaines, mais Thaddeus Wakefield avait quelque chose de particulier, de différent qui l'intriguait quelque peu, sa curiosité ne jouant pas ici en sa faveur. La brunette le regarda ainsi plusieurs secondes avant qu'il ne réponde à la question la plus importante : son avis concernant ce stupide mariage.

La réponse qu'il lui servit ne fut pourtant pas celle qu'elle espérait et la damoiselle eut le visage fermé. Ainsi celui qui s'avérait être son potentiel futur mari n'avait aucunement l'intention de s'opposer à ce mariage, même si celui-ci venait à ne pas lui plaire. D'un autre côté, à bien y regarder, il avait plus à y gagner qu'à y perdre sans doute. En premier lieu, et bien qu'elle ne soit aucunement narcissique, la damoiselle se savait jolie en plus d'être jeune. Plutôt calme et aisée, elle avait de la conversation et se montrait de charmante compagnie. Finalement, ce mariage devait sans doute satisfaire grandement la famille Wakefield et Nina était seule perdante. Elle demeura neutre, mais une légère colère grondait en elle. Pas spécialement contre Thaddeus, simplement, elle haïssait pleinement que le fait qu'il accepte de façon aussi norme cette union.

Au retournement de question qu'il lui offrit, elle se permit d'être honnête. Mentir était une chose qu'elle n'appréciait clairement pas, encore moins dans ce genre de situation. Néanmoins, elle ajoute à sa réponse un élément.

" Je suis contre cette union. Que mes parents gèrent ce qu'ils souhaitent dans ma vie ne m'a jamais posé problème jusqu'alors et je les ai presque toujours laissé faire. Or, en ce qui concerne le mariage, je pense que c'est à moi de faire mon choix. Raison pour laquelle je ne souhaite aucunement renoncer à la liberté qui est mienne, et donc je ne désire aucunement avoir un époux à l'heure actuelle. "

Jusque-là, sa réponse était vraie. Il fallait toutefois qu'elle ajoute quelque chose, n'importe quoi. Un argument en plus qui pourrait faire éviter cette union complètement ridicule. Une idée lui traversa l'esprit et elle se remit à parler.

" Qui plus est je ... il a une personne que j'apprécierais ne pas perdre suite à une union. Bien que je doute que ma très chère mère soit du même avis. Elle m'a d'ailleurs dit beaucoup de bien de votre famille, je pense qu'elle apprécierait beaucoup que vous soyez ... mon fiancé. "

Elle ne détestait pas Thaddeus. Il s'avérait même charmant. Mais Nina était têtue, et une femme têtue n'est pas facile à faire changer d'avis.

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Bien bien bien, ainsi Monsieur Wakefield avait l'intention de bien respecter à la lettre la demande de ses parents. Ce qui clairement n'arrangeait en rien les affaires de la Belle qui se mordit pensivement la lèvre inférieure. Elle aimait bien l'homme qui se trouvait face à elle, mais pas de là à se marier avec lui pour le simple caprice de ses parents qui ne comprenaient pas ce qu'elle pouvait ressentir. Un mariage arrangé, surtout à l'heure actuelle, était loin d'avoir de bonnes répercussions sur ses projets et c'était une des raisons qui la poussait à refuser d'accéder à la demande de ses parents. Non vraiment, même si Thaddeus avait l'air d'un homme bien, sa détermination quant à rester célibataire encore un temps était plus forte que le reste.

Notons également que l'héritier des Wakefield n'avait pas l'air très emballé par cette perspective d'union à vie. On aurait dit qu'il souhaitait simplement respecter la demande de ses parents mais que finalement tout cela ne lui plaisait pas. Il paraissait indifférent, ce qui en soit ne l'étonnait pas plus que cela. Si Nina n'était pas indifférence, c'était parce qu'elle était plutôt révoltée. Voilà pourquoi elle se comportait d'une telle manière au lieu de se montrer sous son meilleur jour, comme ses parents désiraient qu'elle le fasse afin de séduire Monsieur Wakefield et ainsi pouvoir au plus vite l'épouser et avoir des enfants. Parce que oui, en prime, la Ladie se devait de perpétuer le nom des Blackmont et ainsi avoir des héritiers, et surtout des fils.

" En effet la situation peut être qualifiée ainsi. Délicate oui, bien que je ne pense pas avoir la liberté d'action nécessaire pour régler mes problèmes. Quoi qu'il en soit, il va bien falloir que je fasse un choix, et je pense que mes parents jouerons sans doute en votre faveur. "

La damoiselle sourit doucement lors de sa dernière réplique et se leva doucement avant de se rendre face à la fenêtre. Elle y observa la propriété avant de se tourner vers Monsieur Wakefield, le visage à nouveau joyeux.

" Dîtes-moi Monsieur Wakefield, j'aimerais vous proposer une promenade à cheval sur notre propriété, si vous êtes d'accord bien entendu. Aujourd'hui ou un autre jour bien sûr, lorsque cela vous plaira. "