Jolie petite histoire...
Elle est née au mauvais endroit, au mauvais moment. L'empire Russe est une prison, mais elle ne réalisera que trop vite que passé frontière, c'est encore la même confusion.
Sa génération est née trop tôt, l'esprit rempli de ces somptueux et pourtant ô combien idiots rêves d'étranger. Lorsque « chez soi » rime avec douleur et malheur, c'est avec une ambition innocente que l'on songe à l'Amérique et à ce New-York où l'on peut tout recommencer et devenir un homme nouveau. Tant que le cœur ne lâche pas et que l’esprit vit encore, on fuit tête droite, le sourire aux lèvres et la main sur le cœur en pensant à demain. Tant que demain se lève encore, on peut rêver d’un autre sort.

Ekaterina Petrovna Velizhanskaya a vu le jour à St Petersbourg, le 17 mai 1874 selon le calendrier grégorien. Katya, comme on l’a très vite surnommée, était la fille d’une danseuse du tout récent et pourtant grandiose théâtre Mariinsky ainsi que d’un bourgeois dont la ballerine était la protégée. Malheureusement, la vie de la petite a débuté dans des conditions qui sont tristement habituelles ; la mère est morte en couches et l’enfant fut confiée à une nourrice le temps de lui trouver un foyer plus adéquat que les trappes et les loges du théâtre. C’est alors qu’elle n’était âgée que d’un peu plus de deux années que Katya a été accueillie par une famille qui lui était cousine du côté de son père ; Les Ravinsky, une famille de roturiers qui a su offrir à Ekaterina une vie suffisamment confortable pour qu’elle ne manque de rien. Les Ravinsky avaient un fils ainé, Nikolaï, auquel la demoiselle s’est tout particulièrement attachée. La différence d’âge entre les deux cousins avait beau être considérable, ils se sont lié de cette affection que l’esprit explique et que le cœur sublime. Dimitri était musicien, un virtuose comme il en nait qu’une fois tous les 35 ans. Un pianiste qui jouait la mélodie de Dieu avec les mains de Satan. En plus de maîtriser l’instrument, il avait étudié la composition au conservatoire. De fil en aiguille, il a gravi les échelons jusqu’à ce que le nom de Dimitri Ravinsky soit connu et reconnu à travers tout le pays et même au-delà.
Mais il ne faut pas croire que les choses étaient tranquilles pour lui, ni pour elle. Le pays a toujours été misérable, l’Empire n’était grandiose que dans la phase émergée de l’iceberg. La guerre contre l’empire Ottoman ainsi que les restrictions pesantes ne faisaient que creuser un petit peu plus la tombe du peuple. Et le peuple, les musiciens en faisaient partie.
En 1889, une affaire obscure comme un scandale que l’on essaye de taire a éclaté. Dimitri Ravinsky ainsi que plusieurs autres membres de son cercle de connaissances se sont retrouvés accablés de graves accusations. Entre trahison, meurtre et risque de peine capitale, Ravinsky eut bien vite prit la décision de fuir l’Empire, entrainant avec lui son inséparable cousine; Ekaterina, alors âgée de 16 ans.

Les voilà à présent tous deux fugitifs, fuyant la misère et la persécution, avec pour seul but de rejoindre ce New-York dont tout le monde parle tant. Ils ont traversé l’Europe entière, la demoiselle en a vu, des paysages. Ils ont voyagé pendant presque deux ans, vivant dans la peur et la prudence constante mais avec des rêves pleins le cœur et l’esprit. De la Pologne à l’Autriche-Hongrie en passant par la France, ils ont fait escale dans de nombreuses villes où ils sont toujours parvenus à se faire un peu d’argent afin de reprendre la route vers leur prochaine destination.
Et puis, les voilà finalement à Londres. La dernière ligne droite avant d’embarquer dans un paquebot qui les amènerait là où ils seraient enfin saufs, à la frontière d’un nouveau monde et de nouvelles vies. Seulement, comme si leur sang russe les condamnait à vivre dans le malheur perpétuel, un contrôle inattendu vint brusquement les interrompre sur leur lancée.
Ils l’ont emmené. Je l’ai vu se débattre, il me criait de ne pas me retourner. Ils l’ont emmené, je ne sais ni où, ni pour combien de temps. Cela fait maintenant trois semaines que je ne l’ai pas revu, et pourtant, je cherche dans les moindres ruelles et à tous les embarcadère. Je suis coincée ici, à Londres, et je ne sais pas quoi faire...  Mon Dieu, jusqu’à ce jour, je n’ai jamais autant craint la solitude.

Dans la vraie vie, je suis...
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