Jolie petite histoire...
« Cette plante Elizabeth soulage les pires maux de tête, veillez à toujours en avoir dans votre jardin. Laissez simplement infuser dans l'eau bouillante. »

John Thompson disait ces mots tout en se relevant. Il aimait ces moments avec sa fille Elizabeth. Sur ses quatre enfants, c'était la seule fille. Elle était celle qui s'intéressait le plus à son métier. Il sentait sa fille préoccupé par le bien être des autres avant le sien et cela était une réelle qualité pour un pharmacien.
Contrairement à ses frères, Elizabeth aimait passer du temps en compagnie de son père. Ce dernier le lui rendait bien et lui avait même offert de précieux livres concernant la médecine pour la remercier du travail qu'elle fournissait à la pharmacie.
Elizabeth parlait peu mais écoutait tout et surtout, retenait tout.

Le père et la fille se dirigèrent alors sous la véranda de la maison familiale de Londres pour prendre le thé. Le train de vie de la famille Thompson était assez raisonnable mais ils avaient de l'argent. Depuis quelques temps déjà, monsieur Thompson faisait régulièrement de longues pauses assises et respirait difficilement. Les frères d'Elizabeth mettait cela sur le compte de la chaleur estivale mais elle voyait bien qu'il s'agissait d'autre chose. Elle était cependant trop réservée pour aborder un tel sujet avec son père.

« Lizzie » il l'appelait souvent ainsi lorsqu'il avait quelque chose d'important à lui confier. « J'ai songé ces derniers jours à la pharmacie. » Les yeux de la jeune femme s'animait lorsque son père parlait de l'affaire familiale.

« J'y songe tous les jours père. »

L'homme se mit à rire puis toussa. « Oui, et peut être un peu trop, vous devriez davantage profiter de votre jeunesse. » Elizabeth ne pouvait réellement profiter de sa jeunesse, ses frères le faisaient bien assez pour elle. « Je suis fatigué. Et, votre mère également. Nous souhaiterions nous retirer à la campagne, dans notre maison en Ecosse. »
Cette maison était un héritage familiale, la famille Thompson avait de vieilles origines écossaises et Elizabeth adorait passer du temps dans les Highlands.

« Vous avez suffisamment appris vous et vos frères sur le fonctionnement de la pharmacie et sur les traitements des clients. Je compte sur vous pour vous en occuper aussi bien que vous le faîtes actuellement. »

La jeune femme fut flattée par la confiance que son père lui portait à elle plutôt qu'à ses frères. A peine quelques mois après qu'ils aient repris l'affaire, le père des enfants Thompson mourut puis se fut au tour de leur mère. Les frères d'Elizabeth n'avaient que faire de la pharmacie.
La fratrie avait du vendre la maison de campagne afin d'assurer le train de vie mirobolant des frères. Ce fût d'ailleurs un vrai crève cœur pour Elizabeth qui n'avait que des bons souvenirs dans cet endroit. Les frères d'Elizabeth étaient rarement présents et elle s'efforçait seule de tenir les comptes et de porter à bout de bras cette affaire que leur père avait lui même bâtie. La jeune femme essayait d'alarmer ses frères sur la situation financière mais, naïve à l'époque, elle les pensait simplement désintéressés par l'argent que cela pouvait rapporter.
Ils plantèrent pourtant successivement trois lames dans le cœur de leur jeune sœur en partant avec leurs économies sans explications ni regrets. Elizabeth qui plaçait la solidarité familiale au dessus de tout en fut meurtrie et se promit de ne plus jamais faire confiance à personne.

C'est suite à tout cela que désargentée, elle arriva à Whitechapel. Elle côtoyait la misère et vivait de la revente des derniers médicaments qu'il lui restait mais aussi de son savoir en tant qu'herboriste. Elle avait simplement gardé ses livres de médecine, symbole d'un passé révolu auquel elle ne voulait pas s'attacher ou penser.
C'est dans ce contexte là qu'elle commença son activité de faiseuse d'anges, bien qu'elle n'appréciait pas l'expression.

Un soir, une jeune prostitué vint la supplier de lui ôter la vie qu'elle portait en elle et dont elle venait de se rendre compte. Elizabeth voulait d'abord refuser, par réflexe et parce que cela allait à l'encontre de ses principes moraux et de ses valeurs. Elle ne pu cependant résister longtemps à l'esclave de la misère. Elle refusait de finir ainsi. La société ne pouvait faire d'elle une esclave. Elle accepta, et prit l'argent. C'est ainsi que sa réputation se fit. Il y avait en effet très peu de complications suite aux avortements qu'elle pratiquait.
Elle évite pourtant de parler de cet aspect de son travail et préfère s'en remettre à la partie médicale qui consiste à tout soigner.

C'est d'ailleurs grâce à ses talents mais aussi à sa discrétion qu'elle est devenue le médecin d'un gang d'un genre nouveau : la Tribu. Depuis qu'elle a soigné un membre, elle ne cesse de les voir venir à elle. Ils savent qu'elle ne parlera jamais. D'abord, parce que ce petit bout de femme que certains aimeraient cerner ne parle pas beaucoup mais aussi parce qu'elle n'a qu'une parole. Elle ne cautionne pas forcément la violence mais elle sait leur cause juste. Elizabeth sourit rarement, ne parle pas d'elle et on ne lui demande jamais rien, cela lui suffit.
Elle a rencontré leur chef ainsi, Fergus Lynch. Elle s'est d'abord méfiée de l'homme, lui reprochant intérieurement de mettre de la poudre devant les yeux des plus pauvres. Elle a cependant dû se rendre à l'évidence, lui aussi n'avait qu'une seule parole. Il redonnait le sourire et l'espoir aux plus démunis et savait rester à sa place. C'est lui d'ailleurs qui avait convaincu Elizabeth de soigner la Tribu. Et il faut l'avouer, cela la change des avortements.

Les choses changent aujourd'hui et Elizabeth se surprend elle aussi à espérer un peu. Son esprit reste cependant un mystère tout comme la rareté de ses sourires.

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