Sujet: Will you teach me ? {Faustina - Edgar} Mer 28 Fév - 16:26
I have never believed in you-know
« Satan possède, en versant goutte à goutte, aussi bien la langue qui médit, que l'oreille qui écoute. » Louis Belmontet.
Elle aussi avait revêtu son manteau d'hiver, celui qui caressait la brune neige londonienne, celui qui n'était dépoussiéré qu'en cas de grand froid... ou de conséquente livraison. Car oui, aujourd'hui était un jour particulier, onze livres, tout vis confondu, étaient à fournir. Ces onze livres, n'étaient pas de ceux qu'on coltine à tout va dans la rue. Ils avaient donc été tassés dans les larges poches d'un habit usé qui n'accomplissait absolument plus son devoir de pardessus réconfortant. En réalité, la marchandise, elle, était bien la seule à combattre le froid.
La jeune femme à la peau brune, qu'en tant que mauvaise langue, on aurait dit aussi crasseuse que le sol enneigé de la capitale, ne courrait pas. Elle marchait hâtivement, c'aurait été ses mots. Un déshonneur tel que celui de courir, qui plus est par ce temps et le verglas qui s'était délicatement allongé sur les pavés depuis la tombée de la nuit, lui aurait réclamé bien plus de fierté qu'il ne lui en restait. Elle se brusquait, oui, mais modérément.
Et la ville, elle, dormait. Elle avait fermé les yeux depuis un certain temps déjà, et son ronflement n'avait jamais cessé - tout en s'étant atténué. Les quelques malchanceux qui veillaient à la subsistance de Londres même lorsque le tendre voile nocturne venait l'enrober caressaient ses usines et alors Londres ronronnait. Fumée et vapeur se mêlaient, s'élevaient, violentaient l'éclat de nébuleuses qui, pour certaines, n'avaient pu être que fantasmées. Au creux d'un ciel sombre, couvé par une lune nommé Big Ben, les seuls étoiles que l'on pouvait admirer se trouvaient être les quelques lampes à pétrole, illuminées pour guider les mains qui rédigeaient des courriers tardifs, parfois secrets. Les lueurs douces et dorées chôyaient des fenêtres, frappaient la neige, réchauffaient tout aussi bien les foyers que les passants, ces inconnus qui laissaient quelque fois leurs regards s'égarer à l'indiscrétion, parfois même à l'envie. L'envie de retrouver la chaleur tendre d'un logis, veillé par un père et veillé par Dieu.
Et quel Dieu. Celui que bon nombre de Londoniens pouvaient affronter en ne faisant que lever les yeux. Celui que bon nombre de Londoniens pouvaient consulter aussi souvent qu'une connaissance quelconque, à la messe le Dimanche. Celui que l'on eût dit Seigneur des cieux, or les cieux, en ce temps, se trouvaient bien sinistres. Ce Dieu, là, Faustina l'avait peut-être un jour aimé, avant de le haïr. Ou bien l'avait-elle simplement méconnu ? Ses enseignements religieux lui ayant été inculqués de force, d'une manière dont ce Dieu aurait eu honte, s'il était aussi bon qu'il le prétendait, et Il n'avait jamais agi.
Une paire de perles onyx scrutèrent furtivement leur environnement. C'était inutile, les regards indiscrets, enfants de la nuit, ne se laissaient jamais apercevoir. Quoi qu'il en soit, ce simple coup d'oeil rassurait la jeune femme, si tant est qu'elle puisse l'être. Une proie ne s'arrêtait pas de fuir si son chasseur n'était plus en vue. Son pied se posa au centre d'une ombre claire, projetée par une de ces lampes dont Faustina s'était entretenue plus tôt. L'espagnole recula. Une certaine surprise s'empara d'elle, ce n'était qu'une simple lueur, mais cette surprise se mua en stupeur. Soudainement les grises nuées qui s'échappaient des lèvres de ses lèvres à chaque expiration cessèrent d'apparaître, enfermées dans ses poumons, contraintes, retenues là-bas. On l'aurait dit morte d'effarement, car un instant, sa stupéfaction lui arracha sa pauvre existence. Et puis, enfin cet éclat renaquit, s'empara de la noirceur âcre de ses pupilles, et elle activa son cou, pour secouer sa tête. En réalité, la crainte du flagrant délit l'avait emporté sur la raison, et sa léthargie, bien qu'elle fut contée hâtivement, s'étendit en minutes. Craintive, oui, elle l'était. Toujours pour peu, mais il était rare qu'elle expose ses peurs à tous. Ses hantises restaient discrètes et ses affres savaient se taire. Parfois, elle-même ne sentait aucun des frissons qui la possédaient et lui criaient de courir. Son instinct, plus animal encore que celui d'une bête, l'armait de ses meilleurs atouts et elle s'en sortait de cette façon, chaque fois.
Une exhalaison macabre l'enveloppait peu à peu, usurpant la place du délicat fumet dégagé par ses marchandises et lui rappela que l'entrepôt des cargaisons marines se rapprochaient. Les veines écarlates qui battaient au fond de ses yeux, attisées par le cannabis, se contrarièrent. Soudain, sans la fragrance pour consoler, la consommation se trouvait trop lointaine. Mais elle arrivait au rendez-vous et ne pouvait se permettre d'ajouter quelques minutes à son retard, et surtout de baisser sa garde. Quelques pas encore et elle était rendue et fort heureusement, personne ne l'attendait déjà, un rictus irrité au visage.
plumyts 2016
J'ai corrigé et ajouté un peu parce que c'était une horreur, c'est pour ça que c'est plus long
Sujet: Re: Will you teach me ? {Faustina - Edgar} Mar 13 Mar - 23:04
Will You Teach Me?
« LIFE IS A CONTINUOUS LEARNING PROCESS. »
Entrepôts près de la Tamise, Février 1892.
Edgar était en train de réunir son argent avant de partir. Il avait regroupé tous les dons que ses fidèles lui avaient donnés, au nom de leur Église Noire. Après tout et quelque part, leur fonctionnement avait des similitudes avec le clergé plus traditionnel des « bons citoyens ». Le lieu qu’ils utilisaient, un hangar qui donnait sur la Tamise en mauvais état en surface, n’était pas gratuit ni abandonné et Edgar devait payer la location pour y faire ses petites messes, avec une taxe supplémentaire pour garder le secret. La ferveur religieuse était encore bien présente dans Londres et vénérer le Malin n’était pas bien vu par la majorité des commères. Et l’homme n’était qu’un honorable antiquaire avec un salaire correct pour vivre. Autant dire que les dons étaient malheureusement une source de revenus indispensable pour maintenir en place en leur petite religion qui prenait certes de l’ampleur au fil des semaines mais toujours bien faible en comparaison à tout autre religion présente à Londres. Mais le but d’Edgar n’était pas d’évangéliser toutes les Londoniens et les rallier à sa cause. Il n’avait pas cette vision expansionniste, proche des croisades, car pour lui, tout ceci devait être un choix. Un choix de rejoindre la cause juste ou de tout simplement rester stupide et ignorant.
Il regroupa donc ses dernières affaires et enfila un long manteau chaud, afin d’affronter non seulement la nuit froide de Londres mais aussi la neige déjà salie par les nombreuses vapeurs des usines non loin. Son point de rendez-vous avec sa fournisseuse était connu. Ce n’était pas la première fois qu’il achetait ce genre de marchandises, dont le but était purement aphrodisiaque. Que ce soit pour les fidèles, comme une sorte d’hostie de la décadence ou pour calmer les sacrifiés, animal comme humain. Car les cris portaient et raisonnaient et avertir le voisinage et attirer l’attention sur eux étaient bien la dernière chose qu’Edgar souhaitait. Néanmoins, à l’extérieur, il restait un modeste antiquaire qui se vouait un intérêt certain pour les miroirs. C’était une sorte de couverture, si l’on pouvait dire. Il avait le visage d’un honnête citoyen qui ne faisait pas de bruit et qui n’attirait jamais l’attention sur lui. Et quelque part, c’était vrai. Il avait un visage quelconque pour un homme de son âge, n’était pas connu des services des polices non plus car il savait se faire discret. Mais il restait dans l’ombre car pour lui, le peuple n’était pas prêt à écouter parler du Diable. Après tout, l’être humain avait peur de ce qu’il ne comprenait pas.
Il arriva donc sur les quais, près des grands entrepôts dont l’ombre lunaire dansait sur les reflets de la Tamise boueuse. Il n’avait pas fait attention à l’heure mais il se doutait qu’il n’était pas avance sans pour autant avoir un grand retard. Il prenait son temps. Et de toute façon, vu l’état avancé de la nuit, un homme aux pas hâtifs qui se dirigeait vers les docks inoccupés à cette heure-là n’avait rien de discret et de normal. C’était notamment pour cela qu’il avancé visage découvert. Il n’avait rien à cacher ni à se reprocher. Aux premiers regards cependant. Mais là était toute la subtilité de sa marche, de sa façon d’être mais aussi de son existence. Faire paraître l’évidence pour ce qu’elle était, était le meilleur moyen de la dissimuler. Quoiqu’il en soit, il aperçut finalement la silhouette de sa fournisseuse, une jeune hispanique qui entretenait sûrement un petit jardin secret. Au sens premier du terme. Edgar s’approcha d’elle avec un petit sourire enjoué avant de s’arrêter à quelques pas d’elle. Il demeura silencieux quelques instants avant de prendre finalement la parole :
— Bonsoir, Miss.
Il la salua de la tête, continuant de sourire avant de regarder l’eau de la Tamise à quelques mètres d’eux. Il ne voulait pas paraître un peu hâtif et pressé mais la température était loin d’être douce et il préférait rentrer au plus vite. Ce fut pourquoi il enchaîna rapidement.
— Avez-vous ce que je vous avais demandé ?
Nul besoin de lui demander comment la jeune femme se portait. Après tout, leur relation n’était que purement professionnelle et les deux interlocuteurs n’avaient guère eu le temps de faire connaissance. Après tout, le voulaient-ils réellement ? Pour Edgar, le fait que Faustina amène ce qu’il lui avait demandé et qu’il la paye justement lui suffisait. Depuis le décès de son épouse, l’antiquaire était quelqu’un de relativement solitaire. Quelque chose était mort en lui en même temps qu’Evelyn et il n’avait plus le temps pour les amitiés, qu’elles soient éphémères ou durables.