Du Kouban à Londres, l’affaire de quelques vers.

Vladimir la bandura contre lui, accueille le chaland et le bourgeois d’un sourire tendre et fatigué et commence alors à pincer les cordes...

Permettez moi de narrer, en si peu de vers,
Si peu de pieds, la vie de votre serviteur.
Prenez place parmis nous et remplissez un verre,
Approchez et oyez, car me voilà conteur!

Ses yeux se perdent dans le feu d’une lampe à huile, le présent s’éteint, un bref instant, sur le visage du barde, avant que ne reprennent les mots.

Notre histoire commence, curieux spectateur,

En terre de Cimmériens, ceinte du Kouban,
Steppe des Scythes, des Huns, des Grecs, et des Tatars
En terre équestre, brûlée des fers, battue des vents,
Steppe fleurie, ou le caucase, se fait rempart.

Notre histoire commence, à mon grand bonheur,

En terre Cosaque.

A ces mots, notre protagoniste se lève et fend l’air de son fouet. La violence du son arrache, quelques instants, à la ville un silence si peu caractéristique. Alors il pose son instrument et commence à déclamer.

C’est en ces lieux purs et saints que vécu mon père,
Mille fois militaire, mille et une fois victorieux,
A la guerre, il rencontra ma mère, infirmière,
Lui pour le Tsar, soldat blessé, croisa ses yeux,
Elle pour la Reine, petite bourgeoise, pansa ses plaies,
Enfin debout, le coeur vaillant, sonna la charge,
Ce jour tombèrent, cent huit soldat, mais pas Oleh,
Et pour sa promesse du Kouban prit le large,

Retrouva sa promise, et vêtus de blanc,
Et lièrent leurs âmes devant le tout puissant.

Mère quitta sa vie, il semblait mille feux,
Qu’on ne pourrait éteindre, qu’on ne pourrait l’atteindre,
Et pris pour homme le bras gaillard aux deux yeux bleus.

Il s’assoit, reprenant doucement.

De cette union je suis né, vous vous en doutiez.
Ma mère me donna ce qu’une femme pouvait de mieux,
D’amour, autant que je n’en puis alors demander,
Et de savoir, pourtant proscrit à mes aïeux.

C’est en ça, surtout, que je lui voue gratitude

Mon père, me donna ce que la terre nous enseigne,
Cette hardiesse tribale, lien des militaires,
L’amour de la liberté, qui cent fois nous saigne,
Et qui nous, Cosaques, nous marque dans la chair.

C’est en ça, surtout, que je lui voue gratitude

La tête basse, le vieil homme trace, d’un index levé et d’un majeur légèrement replié, signe des orthodoxes vieux-croyants, une croix sur lui même, et se recueille dans le silence ainsi imposé quelques instants.

La steppe est cruelle voyez vous.
Et Margarett Blanchfield y succomba,
Puis Oleh Kulish également,
Et je n’avais pas 13 ans alors.

Mais je remercie le très haut qu’ils furent de si bon parents pour le peu de temps qu’il leur fut donné.

Le vieillard la tête basse semble pensif. Un souffle parcourt la salle et entraîne avec lui les murmures de la ville. Vladimir, alors, reprend.

Dans la vraie vie, je suis...
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