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A l’aube des jours nouveaux - Felix

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Felix J. Adler
Felix J. Adler

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Informations : Souffre d'un autisme d'Asperger • Dyslexique • Est obsédé par son métier • Rêve de travailler sur l'horloge de Big Ben. • Insomniaque. • Parle peu • Se sent mal à l'aise dans une foule • A quelques bases d'Allemand et de Français • A le corps glacé et est d'une pâleur à faire peur • Origines Juives • Possède une Pamphobeteus Platyomma mâle pour animal de compagnie • Est le mari d'Amy S. Adler.
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MessageSujet: Re: A l’aube des jours nouveaux - Felix  A l’aube des jours nouveaux - Felix - Page 2 Icon_minitimeVen 17 Juil - 19:07



À l'Aube des Jours Nouveaux

« A FAMILIAR ENCOUNTER »

Église St Mary Matfelon, Automne 1892.

L’horloger devait admettre qu’être sous terre avait quelque chose de réconfortant et de rassurant. Il était en effet comme protégé du monde extérieur par la surface, pouvant même s’enterrer un peu plus pour vivre définitivement caché. Il n’avait plus besoin du Soleil pour savoir l’heure qu’il était. Et puis, le commun des mortels trouverait cela bizarre de vivre entièrement enseveli, c’est pourquoi personne ne viendrait lui rendre visite. Il comprenait donc l’appartement de Jonathan tout à fait agréable, l’absence de fenêtre n’étant pas un véritable problème pour cet effrayé de la foule et du contact humain. Cela se prouvait une fois de plus par son incapacité à pouvoir prononcer une phrase de but en blanc sans bégayer. Son flot de paroles était constamment décousu, son stress lui tordant un peu plus les entrailles, l’empêchant de vraiment déguster la brioche de Lucy. En réalité, cette petite invitation à prendre le thé l’exténuait fortement, devant contenir son angoisse d’être dans ce lieu inconnu et intime, en présence d’une personne à peine plus connue. Il tenta un sourire comme pour se rassurer lui-même. Faire des montres était à peu près la seule qu’il savait faire correctement alors en offrir généreusement une à cette connaissance qu’il appréciait était une sorte preuve de sa sympathie.

Cependant, la jeune femme se mit à fortement bégayer à son tour, comme mal à l’aise de ce que Felix venait de lui proposer. Ayant eu peur de la froisser, il baissa les yeux, devenant livide. Elle mentionna alors Jonathan, rappelant douloureusement à l’invité qu’il se trouvait là dans les appartements privés du pasteur, sans l’autorisation de ce dernier et qu’il n’avait sûrement rien à faire là. Ne sachant trop quoi dire à ceci, Felix oublia de lui donner réponse concernant le thé qu’elle proposa refaire, trop stressé à l’idée que son ami ne rentre chez lui. Quelques secondes d’un lourd silence s’écoulèrent et ses craintes se virent être confirmées quand il entendit des bruits de pas dans les escaliers. L’horloger retint son souffle malgré lui quand la porte s’ouvrit et que le visage de Jonathan apparut dans l’encadrement. Ses yeux se posèrent directement sur Felix qui baissa précipitamment ses yeux sur ses cuisses qu’il commença à frotter nerveusement de ses mains. Il avait à peine eu le temps d’apercevoir le bouquet de roses qu’il tenait dans la main, sûrement destiné à Lucy. Jonathan se dirigea alors vers la cuisine pour y déposer les fleurs dans un vase, saluant poliment son ami au passage.

— B… Bonjour Jonathan…

La voix de Felix était étranglée par le stress. L’envie de fuir et d’aller se terrer chez lui était forte, surtout en ayant connaissance de la gêne qu’il engendrait chez son ami. Les bruits des doigts nerveux du pasteur sur la table n’arrangèrent en rien l’état d’angoisse intense que ressentait l’horloger dont les viscères semblaient tant se comprimer que l’on pouvait croire qu’elles souhaitaient disparaître. Continuant de frotter ses cuisses, ses iris toujours fixées dessus, il commença à se mordre les lèvres, déjà bien entamées par d’autres angoisses précédentes, au point de faire perler un peu de sang d’une coupure qu’il se fit lui-même. Jonathan n’avait même pas offert les fleurs à Lucy, préférant s’installer immédiatement entre la jeune femme et l’horloger. Rapidement, le pasteur essaya d’entamer une conversation, lui aussi en bégayant, parlant banalement de la pluie et des nuages qui tendaient à disparaître. Felix se recroquevilla un peu plus sur lui-même en sentant le regard de Jonathan se poser sur lui. Lui qui aimait d’ordinaire les endroits confinés, il avait désormais l’impression que les murs de la cave l’oppressaient et l’étouffaient. Par ailleurs, il avait même la très désagréable sensation de mourir de chaud et d’avoir pourtant très froid.

— Oh… On… On ne parlait de ri… rien d’intéressant… Enfin... Si... Mais... Elle… Miss Lucy demandait simplement des nouvelles d’Amy… Cela… Cela ne fait pas… longtemps que nous sommes là...

Il ne l’avait toujours pas regardé, préférant fixer le dos de ses mains qui ne cessaient leurs aller-retours sur ses cuisses. La situation était pesante, c’était tout juste si Jonathan était parvenu à l’entendre marmonner sa justification qui pouvait paraître douteuse mais qui était pourtant si honnête et sincère. Peut-être le pasteur allait-il penser qu’il y avait une quelconque relation extraconjugale entre l’ancienne fille de joie et l’horloger ? C’était parfaitement faux, néanmoins, quand l’on connaissait un minimum le légendaire et introverti Felix Adler. Malheureusement, ce dernier ne pouvait s’empêcher de nourrir cette angoisse qui le dévorait par des spéculations stupides de son esprit quelque peu paranoïaque. Il était perdu et ne savait trop où se mettre face au pasteur et sa douce. Finalement, il se leva brutalement, faisant racler sa chaise sur la pierre du sol de la cave, regardant toujours ses pieds, prenant constamment son souffle comme pour entamer une phrase, pouvant également donner l’impression de suffoquer.

— Je… Je… Si la pluie s’est calmée… p… peut-être que je devrais vous laisser… je…

Dans un mouvement malheureux en voulant reculer, il bouscula sa chaise qui tomba à la renverse sur le sol. Le bruit fit sursauter l’horloger qui se retourna précipitamment vers le mobilier pour s’assurer qu’il ne l’avait pas abîmé.

— Fi… Fichtre…

Il replaça le fauteuil sur ses pieds, les gestes peu assurés et ne sachant trop où se mettre, oubliant même sa venue à l’église de Jonathan.

— Je… Je suis désolé… Vraiment…

Paniqué par ce geste malheureux, ses jambes refusèrent de bouger. Il resta donc planté là, attendant que Jonathan accepte ses excuses ou, au contraire, l’accable. Il pourrait supporter un savon de la part du pasteur, cela serait justifié. Les yeux toujours rivés sur ses pieds, il n’osa même pas regarder la jeune femme. Il ne voulait pas lui demander une quelconque aide, elle était chez elle ici, enfin plus ou moins au vu de la gêne qu’avait engendré la présence de l’horloger chez Jonathan. Ne sachant quoi faire, n’osant plus rien toucher de peur de tituber et de casser quelque chose, les pieds de l’horloger restèrent encrés dans la pierre tandis que les bruits du mécanisme de la pendule irrégulière dans son dos martelaient ses tempes.

— Elle… Elle est déréglée d’ailleurs… Il… il faudrait que j’y jette un coup d’œil… Plus tard… Si tu veux…

Pour accompagner son geste, il avait brièvement désigné l’horloge, toujours en fixant la pierre jaunâtre du sol de la cave, comme attendant patiemment qu’on lui accorde la permission de partir.
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Lucy E. Wood
Lucy E. Wood

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MessageSujet: Re: A l’aube des jours nouveaux - Felix  A l’aube des jours nouveaux - Felix - Page 2 Icon_minitimeMer 5 Aoû - 13:48



A l’aube des jours nouveaux

« Parvis de l’Eglise Ste Mary Matfelon, Whitechapel »

Automne 1892
Le glas vrombissant de la pendule interrompit le silence de plomb qui semblait voûter les épaules des deux farouches misanthropes, qui ne trouvaient plus rien à se balbutier d’un air gêné. Lucy compta mentalement les coups assenés par l’œuvre horlogère de son hôte timoré, sa mélodie gracieuse s’élevant à l’unisson avec les cloches de l’église, dont l’austère répercussion venait se fondre, étouffée et solennelle, à la plus joyeuse symphonie qu’avait orchestrée le talentueux Felix Adler. Il était onze heures, et Jonathan n’était toujours pas rentré. La jeune femme mordit sa lèvre inférieure, repoussant d’un air vague une boucle rousse qui virevoltait devant ses yeux d’azur clairs, que troublait une inquiétude vague et infondée. Jonathan n’était pas parti depuis longtemps, et il avait prouvé à Lucy, si besoin était, à quel point il était en mesure de se défendre, et ce malgré l’azur extasié, béat d’innocence, qui faisait luire la pureté céleste de ses grands yeux qui semblaient toujours hors du temps et de l’espace. Le souvenir du regard trouble de l’immense pasteur, que Lucy n’avait pas reconnu cette nuit-là, fit courir un frisson glacé le long de son échine. La fille de joie ramenée des tréfonds de la fange par son chevaleresque homme d’église déglutit péniblement, cherchant un peu de thé au fond de sa tasse désespérément vide, afin d’humecter sa gorge devenue subitement sèche.

La jeune rousse leva un regard discret vers son hôte qui avait pâli soudainement, ses yeux semblant ne plus vouloir se détacher de la table de bois sur laquelle était posée la tasse et l’assiette qu’elle avait servi à son intention. Sans doute avait-il perçu le cafouillage idiot de Lucy comme une indignation mal contrôlée relative à une proposition malséante. Et c’était tellement faux, et elle avait trouvé cette offre si délicate et si touchante d’une sympathie dissimulée derrière cet infranchissable voile de pudeur, qu’elle aurait voulu le rassurer, et lui exprimer une gratitude à la hauteur de sa bonté. Oui, mais voilà, était-elle vraiment plus aguerrie que lui à ce genre de verbiages et de tournures ampoulées dont certains se servaient comme d’une arme, si affûtée parfois qu’elle blessait plus qu’une réelle lame, et dont les séquelles pouvaient se révéler irréversibles ? Laconiques, pudiques et farouches, ces deux-là, s’il était clair qu’ils s’appréciaient déjà, semblaient se ressembler trop, sur le plan social, pour parvenir à se dérider sans une aide extérieure. Plus que jamais, Lucy eut hâte que Jonathan revienne.

Il était étrange, pour quelqu’un dont la vie n’avait été qu’une suite de malédictions, d’être exaucée aussi vite. La jeune femme dût pourtant bien en croire ses oreilles. C’était bien le pas un peu lourd, reconnaissable, de celui dont elle avait espéré l’imminence de la venue quelques secondes plus tôt, qui approchait de la pièce, le bruit s’amplifiant, lent et sourd, au fil des marches que le Révérend descendait. Et quelle ne fût pas la surprise de Lucy, qui s’attendait à voir apparaître l’immense silhouette paisible et souriante de Jonathan, écarlate, bredouillante, et aussi embarrassée que les deux acolytes qui se jaugeaient du regard et par quelques balbutiements confus comme deux bêtes mal apprivoisées que l’on aurait jeté dans la même pièce.

- Oh, Jonathan, te voilà ! Tu n’es pas trop mouillé ? J’ai eu peur que tu sois obligé d’aller t’abriter quelque part…

La tirade avait été lancée sur un ton ravi dont le soulagement était perceptible, avant même que ses yeux ne se posent sur les roses magnifiques serrées au creux d’une des larges paumes du pasteur qui semblait bel et bien sec. Jonathan salua son ami avec un embarras manifeste qui commençait à inquiéter la jeune femme émue plus que de raison, qui regardait avec une tendresse mêlée d’une triste perplexité le large dos vêtu de noir s’affairer à s’occuper du magnifique bouquet de roses écarlates. Ceci fait, c’est avec un regard navré que Lucy le vit s’installer entre elle et son ami, les joues toujours aussi empourprées d’une gêne qu’elle ne s’expliquait pas, mais dont elle était certaine d’être la faute. Et celui duquel elle avait espéré un répit ne se comportait que trop comme ses deux autres comparses, nerveux, frénétique et bredouillant, ses doigts battant la mesure contre le bois de la table, bois sur lequel les yeux de son ami Félix étaient rivés depuis de longues minutes, pour ne pas avoir à lever le regard sur Lucy. Felix qui semblait au plus mal, pâle comme un linge et bredouillant plus que jamais devant l’apparition de Jonathan qui semblait lui avoir fait l’effet d’un fantôme. La jeune femme n’y comprenait rien, mais s’attristait d’en être la cause, elle et sa méconnaissance de la plus petite des formes de politesse ou à ces coutumes surannées aux effluves de pudeur qui faisaient force de loi au sein de la société victorienne. Sans savoir ce qu’elle avait vraiment à se reprocher, Lucy riva vers le visage écarlate de Jonathan un regard navré, ses lèvres fines ourlées d’un sourire tendre et ému, tandis que ses doigts se saisissaient avec délicatesse de la large main qui s’agitait avec frénésie sur cette pauvre table martyre de ces trois êtres intimidés et farouches.

- Elles sont magnifiques, merci…

Le sourire de Lucy s’épanouit un peu plus, si touchée par la merveilleuse attention et si déroutée par l’embarras incongru de Jonathan qu’il lui fallut résister à l’envie de passer ses bras autour de son cou et d’enfouir son visage dans les effluves de musc et de lavande qui s’échappaient du cou emprisonné par le sempiternel col blanc du sacerdoce. Suffisamment délicate toutefois pour ne pas exacerber le malaise des deux pauvres hommes dont l’un était aussi rouge que l’autre livide, la jeune femme préféra se lever, leur tournant le dos un moment pour faire chauffer un peu plus d’eau, s’étant aperçue de la fraîcheur des doigts de Jonathan qui n’avaient, eux, peut-être pas échappé à la froide averse. Dans son dos, le Révérend qui haranguait les foules avait repris la parole ; et il bredouillait tant que la peine de Lucy s’exacerbait à chaque mot que sa langue écorchait, comme un peu de sel ravivant chaque fois une plaie béante d’autant plus douloureuse qu’elle en ignorait la cause véritable. Comment avait-elle pu créer un tel malaise chez deux amis en désirant simplement faire preuve de politesse ? Peinée par cette sauvagerie et cette misanthropie si profondément ancrées que son entourage en faisait les frais malgré ses efforts, Lucy glissa une tasse fumante entre les mains de Jonathan, s’essayant à un sourire réconfortant dirigé vers l’horloger :

- Vous ne m’avez pas répondu tout à l’heure, vous ne voulez pas encore un peu de thé ?

Sans attendre sa réponse, pour s’occuper les mains sans doute, Lucy approcha la théière de la tasse vide de l’horloger pour la remplir du breuvage fumant qui dégageait ses effluves doucereux de bergamote et d’orange. Une fois sa propre tasse remplie, Lucy vint s’installer de nouveau aux côtés de Jonathan et face à son maladivement timide ami, qui essayait de répondre à la question que le pasteur venait de poser, mais qui semblait soudain en proie à une telle panique et qui s’étalait en de telles justifications qu’enfin, elle comprit. L’embarras manifeste de l’horloger, son peu d’embarras à la suivre, seule, dans les tréfonds de la cave de Jonathan, son insistance à elle, teintée de l’ignorance de tous ces préceptes de pudeur qu’elle n’avait jamais eue. La compagnie d’un homme et d’une femme était-elle à ce point malséante ? Qu’en savait donc la prostituée des rues, au fond, de la pudeur et d’une morale sur le dos desquelles elle avait survécu tant d’années, envers et contre toutes les lois de l’église et de la société qu’elle avait bafouées et immolées sur l’autel des besoins primaires, de la fin et du froid qu’elle combattait avec les seules armes qu’on l’avait utilisées ? Rien. Et si elle avait été plus délicate, plus maligne ou plus humble, Lucy n’aurait pas cherché à insister, et se serait contenté du refus de cet homme, pour des raisons qui la dépassaient, comme pour tant de chose que parfois cela lui donnait le vertige. Elle pouvait faire une chose au moins, pour tenter de réparer un tant soit peu sa propre bévue, et c’est honteuse et coupable qu’elle se précipita à la rescousse du pauvre horloger qui s’empêtrait de plus en plus dans l’enchevêtrement de ses explications :

- J’ai croisé Monsieur Felix sur le parvis alors que je sortais, et il commençait tout juste à pleuvoir, alors je suis rentrée et j’ai insisté pour qu’il m’accompagne, parce qu’il n’avait pas de parapluie et qu’il aurait été trempé. Je lui ai servi du thé et un morceau de brioche et nous avons parlé d’Amy et de son métier. Je ne savais pas qu’il t’avait fait cette pendule. Vous êtes vraiment très doué !

Lucy rendit son sourire à Jonathan, tandis que l’état de Felix empirait, et qu’il semblait soudain devenu imperméable à toute forme de compliment à la moindre interaction du monde extérieur. Il tâchait, maladroit et balbutiant, de prendre congé, semblant soudain une proie coincée au beau milieu d’une cage aux lions, obnubilé par la fuite à tout prix, qui paraissait dépendre de sa survie. Lucy se tut. Elle avait compris qu’elle ne changerait plus rien à la panique qui s’emparait soudain du trop timide horloger, et s’apprêtait à le laisser filer, lui laissant l’opportunité de reprendre ses esprits. Mais le malheureux, dans la hâte de fuir cette ambiance qui l’oppressait, s’empêtra dans sa chaise et s’étala sur l’asphalte de la cave, emportant le mobilier dans sa chute.

- Est-ce que tout va bien, Monsieur Felix ?

L’horloger se remit bien vite sur pied en jurant et marmonnant de plates excuses, tandis que Lucy s’était levée dans un sursaut paniqué en entendant le fracas de la chute. Statue de sel, figé par l’attente du verdict de Jonathan qu’il semblait considérer ici comme son juge, Felix n’osait plus bouger d’un cil, et fixait la pointe de ses chaussures. Lucy esquissa un sourire grimaçant et un regard navré vers Jonathan, comme pour l’implorer de sonner le glas des tourments de ce pauvre horloger qui venait une fois de plus de briser le silence par des bredouillements frénétiques qui semblaient réclamer la délivrance de cette cave qui lui semblait devenue une prison.


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Jonathan R. A. Williams
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Je n'aime pas me décrire...mais on me dit quelqu'un de gentil, tolérant envers beaucoup de choses; et il est vrai que le Seigneur m'aide à voir le bien dans le cœur de tous. Cependant, cette même capacité me rends aux yeux des gens très fanatique et naïf. Je n'avais jamais vu les choses sous cette angle, mais il faut croire que les gens ne voient en moi qu'un pasteur de pacotille. S'il y a une facette de moi que j'apprécie particulièrement, c'est le fait que je sois quelqu'un de très romantique ! Même si tout le monde préfère dire que je suis quelqu'un de niais...mais ne croyez pas que je sois stupide, car il m'arrive d'être très fier et impulsif. Je ne suis pas très courageux, mais je ferai toujours de mon mieux pour protéger les gens que j'aime, comme mon petit frère. J'ai aussi une profonde attirance pour les rousses. On me surnomme Quasimodo à cause de mon apparence quelque peu trapu -et certes poilu bien que blond, par opposition à la magnificence de mon frère.
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MessageSujet: Re: A l’aube des jours nouveaux - Felix  A l’aube des jours nouveaux - Felix - Page 2 Icon_minitimeMar 18 Aoû - 19:52



A l’aube des jours nouveaux

« Eglise Ste Mary Matfelon, Whitechapel »

Automne 1892

Il était évident que de toutes les règles de la bienséance victorienne, celles qui se rapportaient à l'intimité entre un homme et une femme étaient souveraine entre toutes. Et même si Jonathan était toujours à cheval sur celle-ci, il fallait avouer que la simple existence de sa relation avec Lucy les enfraignait toutes. Non seulement c'était une ancienne prostituée, mais ils vivaient également ensemble avant le mariage dans une cave sous une église. Un endroit secret, presque impie, qui lorsqu'il était seul, ressemblait à une simple garçonnière sans prétention, et qui pouvait à présent s'associer à de bien sombres rumeurs. Il était donc bien mal placé pour donner des leçons de moral, bien qu'étant un ministre de culte excessivement soucieux de bien faire – jusqu'à l'excès par moment. Felix lui avait rendu son salut de la plus correcte des manières, bien qu'extrêmement nerveux, écorchant douloureusement ses mains comme à la moindre respiration du pasteur; tandis que Lucy l'avait regardé avec ce grand sourire flamboyant, et l'accueuillant d'un ton très loin de la mise en scène. Elle semblait sincèrement soulagée de le voir arrivé aussi tôt, à l'abri de la pluie, en toute quiétude. Aussi Jonathan s'était très légèrement assoupie. Le simple fait de la voir apaisée de le revoir, de sentir que sa présence faisait une véritable différence sur la lumière de son visage, tout cela était autant de douceur qui ne le lassait pas. Elle le remerciait de ses fleurs, le regardant comme s'il n'y avait qu'eux deux dans la pièce. Une douce chaleur se posa comme une écharpe autour du cou de Jonathan, ne rendant pas ses joues moins rouges pour autant.

La situation paraissait pourtant dramatique. Le pasteur s'assieyait à côté de l'horloger, derrière ce dernier se trouvait son lit; ce qui n'arrangeait rien à son premier coup d'angoisse. C'était de sa faute pourtant, l'endroit n'était absoluement pas conçu pour recevoir. Il s'agissait de son petit nid, de son terrier sous l'église, profondément enfouie sous la terre du cimetière de St-Mary Matfelon. Personne d'autres que lui n'étaient censé y trouver refuge. Il ne songeait pas qu'à peine quelques semaines après avoir terminer les travaux d'aménagement, il rencontrerait Lucy. Savoir qu'elle vivrait sous son toit un an plus tard, il ne se serait même pas permis d'en rêver. Non, c'était de sa faute. Mais difficile de le dire avec des mots, quand tout ce qu'il voyait, c'était à quel point les règles de la bienséance étaient joyeusement défaites par leurs présences à tout trois ici. L'histoire d'un horloger, d'une ancienne prostituée, et d'un pasteur qui prennent le thé au fond d'une cave. Tout ceci était innexorablement drôle, malgré eux. Jonathan récupéra avec joie la tasse de thé entre ses mains, faisant arrêter le mouvement nerveux de ceux-ci sur la table. Il prit une profonde respiration de la fumée, douce et fruitée, qui s'en échappait par volute pâle. Pourtant, la chaleur du thé ne semblait pas apaisé Felix, bien au contraire. Plus les secondes passaient et plus son stress augmentait à vu d'oeil. Le pasteur déglutit, ne sachant comment se sortir de cette étrange situation digne du plus mauvais des mauvais vaudevilles. Jonathan appréciait beaucoup l'horloger, malgré leurs opinions et caractères bien différents... mais à cette seconde, il se retenait beaucoup de ne pas le prendre par les épaules et le supplier d'arrêter de bégayer. C'était si dur de ne pas imaginer le pire quand un homme en face de vous est incapable de tenir un discours cohérent pour expliquer pourquoi il se trouve dans votre appartement seule avec votre fiancée. Jonathan voulait avoir confiance en Felix, après tout, s'il ne pouvait pas lui faire confiance à lui, en qui il pouvait avoir confiance ? Un homme si silencieux et timide, obsédé d'horlogerie et d'araignées... malgré sa grande beauté, il n'en restait pas moins un personnage atypique dont il ne devrait être s'inquiéter. Mais voilà, rien dans sa vie n'était normal et ce depuis le début. Il était le seul à essayer de mettre un peu de normalité dans son existence, et il échouait misérablement par le concours de forces divines extérieures. Il n'en était pas pour autant malheureux, en prouver son bonheur auprès de Lucy.

Oh... d'accord.

Jonathan tenta un sourire auprès de Felix après que celui-ci ait donné son explication. Il fallait remettre les choses dans son contexte: que Felix et Lucy s'appellent par leurs prénoms (bien heureusement épaulés par des suffixes de circonstances), était normal. Ils se connaissaient en parallèle de sa propre rencontre avec l'ancienne prostituée, celui-ci lui ayant porté secours. Elle avait un lourd passif de fille de joie, ayant trainé dans la rue où les règles de bienséance n'étaient non seulement ignoré mais méprisé avec exubérance pour le simple plaisir de le pouvoir. Felix aussi, en venait, même s'il avait bien évolué depuis. Non, c'était encore lui le type bizarre. Même s'il avait eu son lot de connaissances dans les classes sociales inférieurs – que ce soit dans son enfance ou en tant que pasteur – il n'avait jamais été capable de pleinement s'intégrer. En tant que pasteur, c'était relativement excusable. Ses ouailles ne lui en avaient jamais tenu rigueur. Il baissa timidement la tête avant de la redresser vers Lucy, qui entamait une bien meilleure explication de la situation: qu'elle s'apprêtait à sortir, a croisé Felix sur le parvis et l'a invité à l'attendre au sec. Lucy avait été une hôte remarquable, et elle ne pouvait décemment lui demander de prendre le thé et la brioche sur un banc de prière. Jonathan lui sourit avec douceur. Mais pourquoi Felix n'était-il pas capable dire la même chose – même en bégayant comme il l'eut fait ? A ces mots même, l'horloger se leva, déclarant que si la pluie s'était calmée il allait partir. Pourtant, il l'attendait lui, non ? Si nerveux qu'il en fit tomber sa chaise, la remettant maladroitement sur ses pieds, Felix termina en déclarant que la fameuse pendule était décalée. Jonathan ne s'en était même pas rendu compte. Mais à le connaître, cela ne devait être un décalage que de quelques secondes. Voir d'une minute, s'il était particulièrement malchanceux.

Il était temps d'agir. Felix était définitivement trop chamboulé (par quelque soit la raison) pour être en mesure de donner de vraies réponses. Peut-être était-il également tout gêné d'être en présence du couple à côté de leur lit. Mais il fallait mettre les choses au clair maintenant et cesser les "peut-être", parce que Jonathan savait pertinemment que si Felix partait comme ça, lui dormirait très mal cette nuit. Mais lui-même n'était pas exempt de fautes: c'était lui qui avait délibérémment instauré cette mauvaise ambiance de suspiçion. Se levant à son tour, il s'approcha de Felix en souriant timidement – de ces petits sourires désolés qui s'excusent d'eux-même et posa une large main sur l'une de ses épaules. Il savait que Felix n'était pas les contacts physiques, mais il fallait à tout prix le ramener sur terre. Aussi son contact était-il tout léger, omettant de mettre tout le poids de sa main et de son bras.

C'est moi qui suis désolé, Felix, j'ai été... surpris, voilà tout. Je ne m'attendais pas à te voir aujord'hui... après tout ça fait... un moment hein ? Tu as tout à fait le droit de rester, surtout si, d'après ce que me dit Lucy, tu étais venu me voir... à la base non ? Ne t'inquiète pas pour l'horloge, nous aurons le temps d'en reparler, tu n'es pas venu pour travailler quand même !

Il lui montra la chaise et retira sa main avant de poursuivre:

Je suis véritablement navré... je sais que je ne te reçois pas dans un cadre... approprié. Je songe à vendre l'appartement de la City que j'ai obtenu de... de Juliette, et racheter ailleurs, je ne sais pas encore où. Cette endroit-ci n'est pas vraiment... bienséant pour... des visites.

Dire qu'il avait obtenu l'appartement de son ex-femme était une manipulation verbale peu réfléchi, quand on savait qu'il lui était revenu de droit, ainsi que toutes les possessions de sa dite ancienne épouse, une fois que celle-ci fut jetée en pâture à un asile psychiatrique. Jonathan était quelqu'un de très patient, mais plus dur est alors le retour du feu. Il était d'ailleurs toujours assez mal à l'aise d'en parler avec Felix – dont il était logiquement l'ex-beau-frère – mais faisait comme si de rien était, essayant par-dessus tout de remettre une situation sereine entre eux. Si Felix répondait ne serait-ce qu'un millième de comme il fallait, alors Jonathan saurait restreindre ce sentiment de jalousie qui s'imprégner dans son âme comme une éponge.

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Felix J. Adler
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MessageSujet: Re: A l’aube des jours nouveaux - Felix  A l’aube des jours nouveaux - Felix - Page 2 Icon_minitimeDim 23 Aoû - 12:20



À l'Aube des Jours Nouveaux

« A FAMILIAR ENCOUNTER »

Église St Mary Matfelon, Automne 1892.

Felix ne comprenait pas vraiment pourquoi il s’entêtait à ne pas fuir devant le pasteur et la prostituée. Peut-être parce que cela irait à l’encontre de chaque principe simple de politesse et bienséance. L’horloger avait pourtant été éduqué dans les traditions aristocratiques de bourgeois se rêvant de noblesse, et même au-delà de par sa condition de bâtard. Il n’avait que rigueur, fermeté et brutalité, et une part de lui craignait sans raison les potentiels coups de bâton s’il était amené à fausser compagnie à ses hôtes malgré eux. Mais jamais un tel châtiment ne viendrait. Jamais Jonathan n’irait lui courir après pour réclamer réparation du comportement farouche et sauvage de celui qui était censé être son ami. Il entendit vaguement la jeune femme lui demander si tout allait bien et il aurait voulu avoir la politesse de répondre hypocritement et poliment que oui. Mais l’angoisse d’avoir froissé Jonathan le plongeait dans un mutisme certain et que sa propre gêne provoquée par son comportement ne faisait qu’empirer. Felix était pris au piège, perdu dans ce cercle sans fin et vicieux de son angoisse dont il était seul vecteur. Il n’avait fallu que d’une étincelle pour que le serpent se morde la queue.

S’il était possible pour l’horloger de devenir plus livide qu’il ne l’était déjà, les quelques goutes de sang qui donnaient un minimum de couleur à son visage finirent par l’abandonner quand son regard se posa sur Jonathan qui se levait de sa chaise. La mâchoire serrée, Felix savait que ses quelques paroles pour tenter de rassurer le pasteur avaient eu tout l’effet inverse. Allait-il le sermonner ou pire, le frapper ? Pourtant, Lucy, beaucoup plus détendue que son invité, avait su expliquer efficacement la situation au maître des lieux. L’horloger espérait juste que son ami leur fasse confiance à tous les deux. Felix ne broncha pas quand Jonathan s’approcha de lui, le regardant fixement dans les yeux pour une fois, prêt à prendre la fuite au moindre geste potentiellement agressif provenant du pasteur. Seule la main de ce dernier s’abattit, pourtant avec douceur, sur l’épaule de l’horloger qui sursauta à ce contact. Ses muscles bandèrent plus que de raison, à la limite d’une contracture générale et douloureuse. Déglutissant avec difficulté, il continua de soutenir bravement le regard azuré de l’homme de foi. Celui-ci s’excusa alors, à la grande surprise de l’anxieux qui ne s’attendait pas à ce genre de discours à son encontre.

À ses viscères noués vint s’ajouter une sensation de perdition. Felix ne s’était pas attendu à pareille réaction de Jonathan qui semblait comprendre que l’horloger n’avait jamais eu de mauvaises intentions et qu’il n’était pas venu détruire d’une quelconque façon l’intimité du pasteur. Son regard se posa brièvement sur Lucy. Il avait su, dès lors où il était entré dans l’église, qu’il aurait fallu demander à Jonathan avant de le faire descendre dans cette cave aménagée en appartement privée. Il ne voulait pas l’accuser de quoique ce soit, elle ne l’avait pas fait exprès et avait été même bienveillante. Mais il était vrai que dans les mœurs de la haute société dont Felix et Jonathan étaient issus tous les deux, cela ne se faisait pas. Cependant, la faute revenait à l’horloger qui n’avait su s’imposer pour éviter cette situation délicate. Il était par ailleurs si angoissé qu’il avait oublié la raison de sa venue à l’église de Jonathan. Il ne put que regarder son ami lui montrait la chaise pour l’inviter à se rassoir. Est-ce que Felix se sentait plus détendu ? Pas vraiment. Mais il devait avouer se sentir soulagé quand la main du pasteur quitta finalement son épaule.

Il s’assit docilement, écoutant Jonathan qui reprit la parole. Il aborda le sujet de l’appartement et de Juliette et cela n’arrangea guère l’humeur anxieuse de Felix. Sa vie passée, sa sœur étaient des sujets qui le mettaient fort mal à l’aise. Ayant toujours été traité de faible et étant tout simplement impuissant durant toute son enfance, il avait voulu enterrer et tourner la page sur cette partie de sa vie. Il avait voulu avancer avec force, détermination et indépendance et y était parvenu, le tout non sans un certain orgueil. Pourtant, la tendance s’était récemment inversée dans son couple depuis qu’Amy avait pris certaines choses en mains, lui donnant l’impression de le laisser sur le carreau, le plaçant dans une certaine passivité similaire à celle de son passé. Bien évidemment, il était indéniable que le contexte était tout autre et n’avait rien à voir. Cependant, l’orgueil de Felix ne pouvait s’empêcher d’en prendre un coup. C’était peut-être pour cela qu’il refusait toute aide extérieure. Il voulait être capable de se débrouiller seul, constamment, même si sa nature profondément anxieuse et névrosée l’empêchait farouchement d’être, finalement, comme tout le monde dans des situations parfois incroyablement banales et quelconques. Il était bloqué.

Ainsi, ramener la conversation sur Juliette n’aida pas Felix à se détendre, bien au contraire. Il ne savait pas quoi répondre du tout à cette information concernant le sort de l’appartement du mariage infructueux entre les ainés des familles Adler et Williams. Il ne pouvait ni ne voulait s’y opposer, d’une part parce que cela ne le regardait pas et de l’autre car il s’en moquait royalement. Cette histoire ne l’intéressait plus. Il avait certes aidé Jonathan à pouvoir se débarrasser de sa sœur mais une partie peut-être trop bienveillante de lui s’en voulait d’avoir jeté un membre de sa propre famille à l’asile. Le regard baissé et ne parvenant à se fixer sur une quelconque dalle du sol, il resta silencieux, ne sachant quoi dire pour briser ce silence. Brièvement, il jeta un coup d’œil à Lucy, se demandant alors si elle était au courant pour le premier mariage de Jonathan. Rapidement, Felix se retrouva de nouveau dans l’incapacité de prononcer le moindre mot et commença à se ronger nerveusement la peau autour de ses ongles. En toute honnêteté, il aurait effectivement préféré venir ici pour travailler et s’atteler sur cette horloge honteusement dysfonctionnelle. Pourtant c’était à lui de briser le silence.

— Je… Je me moque du cadre, je n’avais pas à descendre ici… C’est à moi de m’excuser…

Cependant, le stress qui parcourait chaque terminaison nerveuse du corps de l’horloger ne s’adoucissait pas. Sa jambe se mit donc alors à battre un rythme effréné qu’aucun musicien n’aurait pu suivre.

— Elle voulait simplement m’inviter à prendre le thé…

Épuisé par sa propre angoisse qui faisait fondre son énergie comme neige au soleil, Felix finit par relâcher un soupir triste et exaspéré, une migraine commençant à poindre en même temps qu’une nausée certaine dans sa gorge. Il aurait voulu que cette matinée se passe autrement, mais il n’avait cessé d’angoisser depuis cette collision entre lui et l’ancienne prostituée.

— Si… Si je pouvais en avoir une autre tasse d’ailleurs, s’il vous plaît…

Il avait perdu sa tasse de vue et n’osait porter son regard sur la table. Il espérait néanmoins que le thé parvienne à le détendre un minimum. Finalement, il parvint tout de même à glisser :

— Tu… tu fais bien de vendre l’appartement. Il ne sert à rien…

Tout comme Jonathan, il avait voulu faire comme si de rien n’était, bien que peu assuré de l’efficacité de cette technique. Il voulait également éviter également de s’engager sur une pente glissante, de peur que Miss Lucy n’y connaisse rien et demande des explications à Jonathan.
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MessageSujet: Re: A l’aube des jours nouveaux - Felix  A l’aube des jours nouveaux - Felix - Page 2 Icon_minitimeVen 28 Aoû - 11:02



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« Parvis de l’Eglise Ste Mary Matfelon, Whitechapel »

Automne 1892
La situation qui avait pourtant semblé extraordinairement banale à Lucy prenait des allures de mélodrame et virait au cauchemar. L’ancienne fille de joie réprima une sourde envie de hausser les épaules devant la réaction mortifiée de l’horloger dont la démesure ne manquait pas de l’interloquer ; à voir sa mine catastrophée, pâle comme la mort, et ses mouvements maladroits d’animal effrayé qui cherche à fuir une cage peuplée d’ennemis, on aurait pu croire que Jonathan venait de trouver Lucy les jupes relevées en sa compagnie. Jonathan, lui, était fidèle à lui-même. Ses grands yeux d’azur d’ordinaire émerveillés se voilaient du trouble de cette pudeur extrême, proche de la pudibonderie, qui l’avait parfois fait rire aux éclats. Mais pas aujourd’hui. Lucy avait voulu bien faire, et malgré toute sa bonne volonté, il fallait bien admettre qu’il y’avait une anicroche, un grain de sable dans les rouages dans l’enchevêtrement complexe d’une courtoisie qu’elle avait pourtant cru bien huilée, cette fois-ci. La jeune rousse avait bien compris qu’elle avait fait quelque chose de mal, mais elle ne parvenait pas même à savoir quoi, et c’était extrêmement frustrant.

Ce n’était pas tout à fait vrai. C’était la compagnie d’un homme qui semblait dérangeante. Peut-être même l’avait-elle déjà compris, inconsciemment, aux hésitations premières de l’horloger taciturne, à et ses tentatives bredouillantes de déclin de l’invitation, se refusant finalement à paraître impoli. Mais la déplaisante image de son beau-père, aux contours flous, éthérés, presque effacés par la bénédiction des années passées loin de lui, revint fouetter sa mémoire avec une rare violence, et une netteté qui ne lui était pas apparue depuis ses seize ans. Un frisson glacé lui parcourut même l’échine à s’imaginer la raclée monumentale qu’elle aurait dû essuyer s’il elle s’était avisée de laisser un de ses amis à la porte. A cette déplaisante évocation, l’incompréhension de Lucy redoubla. Alors quoi, on laissait les amis dehors, chez les bourgeois ? De plus, il s’agissait de Felix. Elle l’avait déjà vu, il l’avait déjà secouru et elle le savait un ami de longue date de Jonathan. Il lui inspirait confiance et une sympathie naturelle, insufflée par cette bonté farouche qui émanait de tous les pores de sa peau de timide maladif.

Lucy eut toutefois la présence d’esprit de ne pas tendre une main amicale vers l’horloger, qui de toutes les façons s’était bien vite et sans aide remis sur pied. La tension des deux hommes était étouffante, palpable, et la jeune femme ne savait plus ni que dire ni que faire, craignant d’envenimer encore la situation de par sa maladresse. Pourtant Jonathan avait acquiescé avec un tendre sourire à ses explications, preuve mutique qu’il les avait acceptées, parce qu’elles résonnaient de l’éclat naturel de la vérité, sans aucun doute. Lucy ne savait pas mentir et Jonathan, après avoir si longtemps exercé son rôle de berger des âmes en perdition, devait s’être aguerri dans l’art de déceler ce vice. La jeune rousse balaya d’un revers de main ces interrogations qui n’avaient aucune espèce d’importance ; l’idée de mentir à Jonathan lui répugnait tant qu’elle était inconcevable, et Lucy se raidit, immobile, lorsqu’à son tour il se leva pour s’approcher de Felix.

La douceur de Jonathan reprenait enfin ses droits sur son trouble, son embarras et sa surprise devant une situation, qui, visiblement, l’avait déplu. Se manifestant dans un geste amical, dans quelques mots réconfortants, la tendresse de son affection pour Felix reprenait le dessus, et Lucy eut un léger sourire mais détourna les yeux, toujours gênée et trop mal à l’aise avec l’expression des sentiments, de quelque nature qu’ils fussent. Une simple déclaration d’amitié, d’affection ou d’amour, la tendresse d’un pardon, avait le don de bien plus embarrasser sa nature farouche que le partage d’un thé et d’une pâtisserie en présence d’un homme. Saisissant au vol les miettes de brioche et la vaisselle qui jonchait la table pour laisser les deux amis à leurs bredouillements, Lucy se détourna dans un léger fracas de porcelaine qu’elle entassait avec délicatesse dans l’évier.

Le mince filet d’eau s’écoulait, discret, tandis que Lucy frottait les tasses à la va-vite, assez peu bruyant néanmoins pour ne pas entendre l’évocation désagréable d’un prénom qu’elle n’avait jamais entendu auparavant, mais dont elle imaginait sans peine le détestable personnage auquel il appartenait. La jeune rousse fronça les sourcils, plus que jamais soulagée d’avoir tourné le dos aux deux hommes qui conversaient d’un air placide de cette méchante femme qui avait fait tant de mal à Jonathan. Il parlait des braises de son union avortée avec une telle distance que c’en était presque douloureux pour Lucy, qui peinait à le regarder reprendre cette confiance en lambeaux, arrachée par cette odieuse femme qui l’en avait dépouillé avec une cruauté qui la fit frissonner de colère un instant. Mais il semblait que le réconfort de Jonathan avait porté ses fruits, et que Lucy avait vu juste, parce que lorsque Félix, enfin, s’extirpa de son apathie, ce fut pour déclamer l’aveu de ses torts, et assumer sa part de responsabilité pour la faute qu’il avait commise en suivant la jeune femme seule, ici. L’embarras de Lucy reprit le pas sur la colère, devant la situation dont elle était la seule et unique responsable, et dans laquelle les pieds de Felix s’empêtraient pourtant avec une gêne qui faisait peine à voir. Et puis, la jeune femme s’inquiéta soudain de ce que l’horloger lui en veuille, semblant visiblement haïr ce genre de situations au cœur desquelles il semblait comme un animal en cage.

La jeune rousse avait hoché la tête à sa demande polie, remplissant une tasse propre de thé encore fumant, se retournant d’un air gêné pour la déposer sur la table, bien décidée à ne plus embarrasser l’homme mortifié qui se remettait à peine de ses émotions. Se raclant la gorge, Lucy remplit une seconde tasse qu’elle tendit à Jonathan, puis, avoir s’être accordé ces quelques secondes de réflexion, espérant cette fois-ci ne commettre aucun impair, elle se lança, rivant un regard embarrassé vers Jonathan, n’osant même plus lever les yeux vers Felix, tant leur proximité avait paru à ce point impudente :

- C’est vraiment ma faute. Monsieur Felix a essayé de refuser mais j’ai insisté, et il a accepté pour être poli. Je ne savais pas que c’était mal.

Lucy tritura ses doigts, regrettant de ne pas s’être servie une tasse de thé qui lui aurait permis d’occuper ses doigts nerveux, rendus fébriles par cet embarras d’avoir mal fait, bien que toujours légèrement agacée de se sentir comme une enfant prise en faute parce que les mentalités bourgeoises semblaient disposer de codes précis et un peu stupides même pour l’hospitalité entre amis. Mais c’était bel et bien à elle de s’habituer à ce monde qui ne lui appartenait pas, et non l’inverse, même s’il lui donnait le vertige, même s’il se plaisait à la rabaisser à la terre dont elle venait, qui l’avait nourrie et que son père avait travaillé de ses mains. Ce monde dont elle n’avait jamais eu à avoir honte lui revenait en pleine figure chaque fois qu’elle ouvrait la bouche ou qu’elle s’essayait à une galanterie, lui rappelant qu’elle n’était rien d’autre qu’une fille de paysans déchue qui avait troqué sa carcasse de pauvresse sur les trottoirs des pires quartiers de Londres. Il lui faudrait bien commencer quelque part, pourtant, et quels hommes aussi bienveillants que Felix et Jonathan pourraient se révéler aussi compréhensifs qu’eux ? Relevant le menton, Lucy eut un sourire humble à l’adresse de Felix, se jetant enfin à l’eau :

- Je vous demande pardon. J’espère que vous et votre femme ne m’en voudrez pas. Dites-lui bien que je ne voulais surtout pas l’offenser.

Lucy eut un sourire plus franc vers Felix, un sourire plein d’excuses et de sincérité, mais d’une brièveté prudente, conservant ce sourire plein de pardon qu’elle adressait à présent à Jonathan qui ne semblait pourtant pas lui en vouloir, malgré la situation inextricable dans laquelle sa maladresse les avait tous plongés.



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MessageSujet: Re: A l’aube des jours nouveaux - Felix  A l’aube des jours nouveaux - Felix - Page 2 Icon_minitimeLun 7 Sep - 15:29



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« Eglise Ste Mary Matfelon, Whitechapel »

Automne 1892

Au moins Felix avait-il accepté de se rasseoir. Petit à petit l’ambiance redevenait respirable, dans les tréfonds glacés de cette cave, au plafond si épais que l’on ne pouvait entendre les pas des croyants. Mais rien ne semblait pourtant arranger ce silence poisseux qui ne tremblait d’une feuille ; Jonathan tentait de mener la conversation, de la diriger vers une rationalisation de l’incident. Toute sa logique était mise à l’épreuve pour faire comprendre que ce n’était pas grave, mais que ce n’était juste qu’une délicate coïncidence que la politesse la plus primaire avait impliqué et que son impudeur n’était lié qu’à la situation si étrangement intriquée qui était la leur. Peut-être si Jonathan et Lucy avaient-ils déjà été marié, la panique aurait été moindre : parce que le naïf pasteur croyait encore aux liens sacrés du mariage qui se devaient d’être respecté par delà vent et marées. Il avait envie d’y croire. Sinon à quoi bon ? A quoi bon encore exister si l’on ne pouvait plus faire confiance à des règles aussi anciennes et imperméables, aussi dignes et aussi belles que les lois du mariage et de l’amour ? Même si Jonathan se doutait – sans se l’avouer – que la question était tout autre, et que le simple fait d’être jaloux de Felix (alors pourtant l’un des rares hommes qui ne pourrait jamais lui faire défaut) signifier que sa non-relation avec son ex-femme avait fait beaucoup plus de dégâts que prévu. Cela ne lui plaisait pas. Il n’était pas nerveux par plaisir, il ne se satisfaisait pas de l’angoisse exagéré de son meilleur ami – quand bien même ce dernier n’était misérablement en rien la situation. Une partie de sa propre bonne âme avait été défaite.

Felix déclara qu’il se moquait du cadre et qu’il n’aurait pas du venir. Là encore, qu’il se moquait du cadre signifiait bien que toutes ces choses de la bienséance lui étaient absurdes. Et comment lui en vouloir, car c’était bien Jonathan, l’unique bourgeois gentilhomme qui s’étrangler seul et mettait mal à l’aise ses rares amis par des concepts aussi éculés. Comment pouvait-il vivre à Whitechapel, avoir une ex-prostituée pour fiancée, un horloger ancien vagabond, et leur demander de savoir vivre comme à la City. C’était ridicule. Tellement ridicule que leurs efforts à tout deux pour répéter vainement les mêmes excuses « c’est ma faute, non la mienne, elle voulait me faire du thé, j’ai juste voulu lui proposer du thé », après avoir rendu suspicieux leur comportement, faisait maintenant porter à Jonathan l’étiquette du méchant qui venait mettre des pensées impures sur un comportement tout à fait normal. Cette désastreuse situation, que le pasteur n’avait pas une seconde désiré, aurait pu être balayé d’un revers de la main si Felix avait su l’expliquer simplement à la première question. Mais cet enchevêtrement de bégaiement, accompagné de ce stress physique qui alla jusqu’à renverser une chaise, se rendait-il compte que le moindre de ses actes n’était pas celui d’un homme à la conscience tranquille, et que chacune de ses paroles hésitantes mettait la pression sur leurs trois têtes ? Pourtant, Jonathan les croyait  - du moins crût-il sa merveilleuse fiancée et se força à répercuter cette même confiance sur un Felix tremblant et halluciné (quand bien même disait-il la même chose, l’art et la manière de le montrer modifiait toute perception). Ce dernier demanda d’ailleurs une nouvelle tasse de thé.

Lucy voulut corroborer une nouvelle fois les origines de cette situation qui tournait autour du thé et de la pluie, s’excusant même auprès de Felix pour la peine que cela aurait pu occasionné à Amy. Jonathan la couvrait du regard, et fut peiné de voir une sincère crainte qui commençait à se ressentir dans ses doigts noués. Il se leva et alla chercher sa tasse vide sur le meuble de cuisine qu’il remplit de thé bien chaud, dont il présenta la vapeur devant les mains contorsionnés de sa belle.

Non. Ce n’était pas mal, ce sont toutes les qualités d’hôte d’une véritable chrétienne. Offrir son toit à quelqu’un trempé par la pluie, offrir le couvert. Comment pourrais-je dire que c’est mal ? De plus, il s’agit de Felix, ce n’est pas quelqu’un avec de mauvaises intentions, bien au contraire, j’ose néanmoins espérer que tu n’aurais pas fait cela avec le premier inconnu venu. Les valeurs chrétiennes ne sont malheureusement plus en accord avec la violence de notre société actuelle, je ne voudrais pas qu’il t’arrive un problème…

Le pasteur se rassit en récupérant sa toute première tasse de thé, dont il prit une pleine gorgée pour adoucir sa bouche sèche d’avoir tant participer à l’effluve général de la panique. Il espérait que parler tasserait les choses. Jonathan avait été surpris, il avait lui-même stressé un instant – porté par ses vieux souvenirs, et avait été gêné. En vérité, la seule honte qui existait à montrer leur lit était qu’ils n’étaient toujours pas marié – et Jonathan ne souhaitait pas que son ami se fasse de mauvaises idées sur ses fameuses valeurs chrétiennes.

En tout cas ce thé est délicieux et cette brioche de même.

En souriant, il s’empara du couteau et s’offrit une nouvelle tranche qu’il dévora avec joie, tel le petit déjeuner d’un roi. Cette cave manquait de fenêtre, pas même une seule meurtrière pour offrir la lumière du jour, rien. Ce n’était pas un endroit pour vivre, tout au plus une retraite. Mais c’était à l’image de l’état d’esprit de Jonathan l’année passé.

Felix, désires-tu une autre part de brioche ? Peut-être que cela te ramènera le souvenir du pourquoi tu es venu ?

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Felix J. Adler
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MessageSujet: Re: A l’aube des jours nouveaux - Felix  A l’aube des jours nouveaux - Felix - Page 2 Icon_minitimeMer 9 Sep - 15:35



À l'Aube des Jours Nouveaux

« A FAMILIAR ENCOUNTER »

Église St Mary Matfelon, Automne 1892.

Après l’angoisse venait toujours la culpabilisation. Felix était fatigué de ses états de nerfs qui allaient et venaient à leur guise, faisant passer l’horloger par toutes les températures. Il s’en voulait que, suite à sa panique aussi virulente qu’injustifiée, son entourage s’inquiétât pour lui et eût de la peine pour lui. Il se sentait misérable, surmonté d’un incapable. Il avait fait peur à Jonathan qui avait eu toutes les raisons du monde de s’inquiéter au vu de cette étrange situation et il avait fait naître dans le cœur de sa promise un sentiment de culpabilité au point où elle en vint à s’excuser des deux hommes. Ce n’était nullement de sa faute. Felix avait su noter le geste tout à fait bon et amical de Lucy et cela avait été à lui de décliner poliment mais peut-être avec un peu plus d’aplomb qu’il ne l’avait fait ou attendre simplement Jonathan dans l’église. Au final, personne n’était réellement coupable mais personne n’était réellement innocent non plus. Cependant, les intentions de l’horloger et de l’ancienne prostituée n’auraient pu être plus pures que ce thé et cette brioche partagés. C’était sûrement pour cela que Jonathan avait confiance dans les pitoyables excuses de Felix.

Ce qu’avait fait Lucy n’était pas mal et ce fut ce que Jonathan vint lui confirmer rapidement. L’horloger était soulagé de constater que le pasteur ne tiendrait sûrement pas rigueur de cette mésaventure à la jeune femme. Pourtant la suite de son discours intrigua Felix. Même si son ton était doux, l’invité sembla discerner quelques touches moralisatrices, presque infantilisantes, parlant par deux fois en seulement quelques phrases de la chrétienté. Il partagea même ses inquiétudes qui avaient des allures de reproches aux oreilles de l’horloger quand il indiqua qu’il espérait qu’elle n’aurait pas ouvert la porte au premier inconnu de Whitechapel. Quelque peu surpris par une telle remarque, Felix regarda Jonathan, se demandant s’il rendait compte à qui il parlait. Lucy n’était clairement pas une enfant, elle était également une ancienne prostituée du quartier le plus malfamé de Londres. Pour y avoir passé plus de temps que nécessaire dans ce recoin de la capitale britannique, Felix pouvait affirmer sans prétention que la jeune fille savait pertinemment qu’il ne fallait pas ouvrir la porte aux inconnus. C’était une question de bon sens alors pourquoi diable Jonathan lui faisait-il cette remarque comme si elle avait été une enfant de cinq ans ?

Il lança un regard inquiet à Lucy, non sans une certaine indignation pour elle. Il n’ajouta rien cependant, se disant tristement qu’il avait fait assez de dégâts pour le moment et que ce n’était, de toute façon, pas ses affaires. Il en toucherait cependant deux mots à Amy. Peut-être était-ce lui qui se faisait tout simplement des idées ou alors son épouse viendrait confirmer sa pensée. Dans l’attente de retrouver son aimée, il resta en retrait, ne voulant créer un nouveau conflit qui aurait fini de détériorer cette ambiance déjà bancale et pesante. Jonathan complimenta alors le thé et la brioche de Lucy, le tout sous le regard de l’horloger, toujours recroquevillé sur lui-même. Il sourit pourtant poliment comme pour venir appuyer les dires du pasteur qu’il regarda se couper une tranche de gâteau. Finalement, il vint lui proposer une nouvelle part, ce que Felix déclina gentiment avec un sourire franc. En réalité, il n’avait pas faim en premier lieu et avait voulu faire plaisir à Lucy. Ensuite, l’angoisse violente qui l’avait enserré les entrailles et la gorge l’empêchait d’avaler quoique ce soit d’autre hormis le thé dont il se cachait à moitié, derrière la tasse. Il finit pourtant par dire :

— Non merci, la part que j’ai eu tout à l’heure était déjà généreuse, je ne veux pas abuser… Elle était destinée pour vous deux en premier lieu.

Finalement, il baissa la tête, timidement. Oui, la raison de sa venue ici lui était revenue en mémoire entre temps et elle lui paraissait désormais bien grotesque au vu des circonstances de cette fortuite rencontre. D’un air gêné qu’il arborait bien trop souvent, il finit par marmonner presque avec honte :

— Et bien, c’est Amy qui voulait que je vienne te dire bonjour. Comme je… je… je n’écris pas beaucoup de lettres, elle m’a dit de venir te nouvelles directement.

Il regarda dans le fond de sa tasse, comme si les résidus pouvaient lui permettre de lire l’avenir. Il se garda bien de dire explicitement qu’il savait à peine lire et encore moins écrire, résultat d’une éducation laxiste de parents qui auraient préféré le voir mort que vivant. Quand l’enfant avait rapidement montré des difficultés d’apprentissage, sa mère s’était bien gardée de payer le précepteur pour des heures supplémentaires. Depuis, Felix avait conservé de grandes lacunes dans ce domaine et s’en remettait essentiellement à son épouse, s’étonnant parfois d’avoir réussi à survivre sans elle. C’était un secret un peu inavouable, surtout quand on connaissait le milieu dont il était issu. Mais cette origine noblaillonne suscitait bien des interrogations quand Felix l’abordait, ses interlocuteurs se demandant bien comment il s’était débrouillé pour finir simple horloger de classe moyenne, vivant dans une maison donnant sur une voie ferrée. C’était pour cela que le père de famille restait évasif sur ce sujet, ne cherchant pas à attirer une quelconque attention sur lui. En réalité, il ne savait même pas s’il avait abordé ce sujet auprès de Jonathan. Il était toujours un peu désorienté par la situation et n’avait pas la mémoire de ce genre de choses. Conscient pourtant qu’il allait créer un nouveau silence, il s’empressa de rajouter :

— Et donc… tout va bien…?

C’était une nouvelle fois incroyablement maladroit, surtout suite à ce quiproquo qui avait engendré une importante confusion entre les hôtes et leur invité. Il ferma les yeux, sa tasse de thé vide toujours dans sa main et poussa un silencieux et discret soupir, se fatigant lui-même. Il désirait juste retrouver Amy et en finir avec cette visite. Finalement écrire des lettres, aussi illisible que soit son écriture, était peut-être un exercice plus aisé.
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« Parvis de l’Eglise Ste Mary Matfelon, Whitechapel »

Automne 1892

S’il était vrai que Lucy répugnait au mensonge, la platitude de son pardon manquait d’une évidente sincérité qu’elle était sans doute seule à percevoir. Si embarrasser l’horloger pudibond et déplaire à Jonathan l’avait indubitablement peinée, la jeune paysanne se refusait toujours à accepter l’inhospitalité comme une marque de convenance propre à la bourgeoisie. Personne d’autre n’était plus assuré qu’elle, pourtant, de la bonté et de la charité du pasteur de Whitechapel. On y arrivait à ce choc des classes sociales, à ce heurt d’une candeur énamourée et d’un amour primaire, qui faisait fi d’une bienséance superficielle, contre l’inébranlable édifice du royaume chrétien qui régissait l’Angleterre. Lucy aimait Jonathan de tout son cœur, et elle aurait juré la main sur toutes les bibles du monde qu’il n’y avait pas meilleur homme sur Terre, et l’écho de son aveu aurait vrombit de cette franchise déchirante au cœur de toutes les églises. Pourtant l’incompréhension subsistait, tenace, comme un caillou dans un soulier de satin, et là s’érigeait la frontière, ténue mais bel et bien dressée là, entre cet abîme qui séparait leurs deux vies. La bienséance et la distance étaient-elles à ce point indissociables ? Lucy n’était certes pas aguerrie aux relations humaines et à l’affection en général, loin s’en faut. Mais quel genre d’affection liait-on si le partage d’un thé relevait déjà de l’inconvenance ? Peut-être lui fallait-il comprendre qu’une femme comme il faut ne se liait pas d’amitié avec un homme. Il était là, sans doute, le nœud d’origine, celui qui bloquait et empêtrait l’écheveau de soie du raisonnement de la jeune rousse qui n’y comprenait plus rien.

Le dos contre l’évier, Lucy triturait ses doigts demeurés étrangement blancs et fins malgré l’opprobre qu’avait été sa vie. Ah, peut-être aurait-on réussi à lui arracher un éclat de rire, à ce pantin roide et sans joie, si on lui avait fait prédiction de tels ennuis ! Ah comme elle aurait donné cher il y’a quelques mois, pour que ces seuls et uniques tourments ne soient que convenances surannées et bourgeoises bafouées pour un thé, pour une brioche, pour l’abri de ces averses glaciales qui ne parvenaient plus à surprendre que les étrangers et les étourdis. Et pourtant elle pliait bel et bien sa nuque frêle devant le mélodrame grotesque dans l’engrenage stupide duquel elle était coincée, son instinct lui obtempérant le silence comme meilleure arme pour se dépêtrer au plus vite de cet inextricable imbroglio.

Aussi était-elle bien décidée à se taire, Lucy, après le fiasco de ce qui s’était révélé être son premier pas dans le monde civilisé, en quelque sorte. Elle avait demandé pardon et s’était recroquevillée, se faisant plus petite qu’elle n’était déjà, s’attardant à la contemplation de ses doigts blancs qui lui paraissaient toujours trop maigres, eux et ses poignets qui dépassaient à peine des longues manches de cette robe verte recousue tant bien que mal et usée jusqu’à la corde. Et le bout de ces mêmes doigts qu’elle avait toujours étrangement glacés soudain palpitèrent d’une chaleur subite, douce et réconfortant. Et quand son regard se leva enfin, ce fut pour se perdre dans la noirceur de sépulcre qui encombrait tout son champ de vision. Jonathan et sa silhouette sacerdotale, imposante, s’était trouvé devant elle sans qu’elle s’en fut même aperçue, et reproduisait le geste d’attention qu’elle avait eu pour lui tout à l’heure. Lucy se saisit de la tasse avec reconnaissance, effleurant au passage les doigts de la large main qui lui offrait, gratifiant le pasteur d’un remerciement mutique qui étirait ses lèvres pâles et revigorait la lueur d’azur dans ses yeux.

Jonathan parla, et Lucy, au fil de la litanie presque pastorale, comprenait à chaque mot un peu plus cette situation dont elle ne saisissait rien et qui avait soudain pris des allures insensées de mélodrame. Jonathan avait ce don de la parole, et Lucy quasi muette à force d’avoir été farouche, contemplait sans mot dire l’homme de sa vie déverser son homélie au creux de son oreille stupide, ignare, avec la simplicité mélodieuse, cristalline, d’un sablier qui s’égrène. Et elle s’étonnait de toujours tout comprendre aussi aisément, lorsque c’était lui qui lui expliquait. Dans sa bouche à lui, les problèmes les plus insolubles prenaient des allures d’évidence, et c’était comme s’il avait le pouvoir de la rendre plus intelligente, elle et ses raisonnements obtus, manichéens, régis par une vie dont elle n’avait connu que le pire. Lucy hocha la tête, rassurée d’avoir compris. Non, Jonathan avait craint seulement, parce qu’une invitation inconnue aurait pu se révéler bien plus dangereuse, parce qu’il la mettait en garde, simplement, et parce qu’il avait peur pour elle. La reconnaissance devant une sollicitude qui la décontenançait pour sa nouveauté au sein de son existence de rien, de pas grand-chose tout au plus, la troublait bien plus qu’elle ne saurait sans doute le dire. Alors elle n’en dit rien, offrit un sourire plus large à Jonathan, se préoccupant seulement de le rassurer. N’était-ce pas là le plus important ?

- Merci…Non, non, bien sûr, je n’aurais pas fait rentrer d’inconnu…

Lucy avait un peu rougi sous le compliment, ses joues écarlates se mêlant au reflet flamboyant de sa tignasse qui auréolait, épars, son visage trop maigre. De mémoire, personne, jamais, n’avait souligné ses qualités de chrétienne. Et là, c’était un pasteur qui lui chantait cette louange. Cette race cléricale honnie, détestée, fuie si longtemps, par crainte, par instinct, par survie, et qui aujourd’hui personnifiait ce qu’elle avait de meilleur en la personne de son futur mari et de véritable homme de Dieu, de ceux dont la main se levait pour épauler et non frapper, de ceux qui voyaient la nécessité des malheureux qui étaient réduits au mal, plutôt que la promptitude à les condamner.

Jonathan avait réagi avec une bonté rare, comme à son habitude, comme jamais personne n’en avait usé avec Lucy. Pourtant Felix la regardait d’un drôle d’air. Comme inquiet, mécontent presque, comme si quelque chose dans le discours du pasteur l’avait froissé, comme s’il craignait quelque chose, une représaille éventuelle, quelconque, sur la personne de Lucy, qui ne put s’empêcher de froncer un sourcil, juste une seconde, intriguée, perplexe. Il s’agissait de Jonathan, non ? Felix, sans doute, le connaissait mieux qu’elle. Il était vrai, pourtant, que ce genre de crainte se serait révélée justifiée pour à peu près n’importe quel autre homme de Londres. Felix et Jonathan, sans doute, étaient les deux seuls que Lucy aurait défendu à l’aveugle contre de telles accusations. Craindre Jonathan était une injure à laquelle elle se refusait.

Jonathan à qui elle adressa un radieux sourire, lorsque le compliment sincère relatif à sa pâtisserie s’extirpa de ses lèvres. Ses joues rosirent un peu plus. Cela faisait si longtemps qu’elle avait oublié à quel point elle avait pu aimer ça, la cuisine. Et puis, elle n’avait jamais eu le plaisir d’être complimentée ou même remerciée pour quelque chose qu’elle avait toujours su maitriser. Et comme il était bon d’enfin se sentir exister aux yeux des autres par autre choses que ses jupes qui se relevaient ! Le pasteur était retourné s’asseoir, invitant Felix à se servir une seconde fois, ce que l’horloger déclina poliment, arguant le fait d’avoir suffisamment abusé de leur hospitalité à tous deux. Lucy ne les rejoignit pas, les laissant à leur discussion, ne désirant pas encore semer le trouble par sa maladresse, dans une accalmie retrouvée, fragile et somme toute relative.

Car enfin Felix parvenait à signifier l’objet de sa visite, et il y’avait là un immense progrès, quand tout à l’heure cette simple question l’avait littéralement fait tomber à la renverse. Sa femme. Felix, décidément, était un drôle d’homme. Dans le bon sens du terme. Cette manière énamourée qu’il avait d’évoquer sa femme, le timbre de sa voix qui s’ombrageait d’une fierté non feinte lorsqu’il chantait ses louanges, cette sollicitude envers ses conseils qu’il semblait prendre pour paroles d’évangile et suivre à la lettre. Mais les braises du petit foyer d’incompréhension sur lequel avait commencé la conversation, et qui avait failli virer à l’incendie, avaient, bien qu’éteintes, laissé planer une fumée âpre, qui rendait l’atmosphère lourde, à couper au couteau, semblable à une chape de plomb qui se serait posée sur cette cave aux allures de boudoir que Lucy aimait tant. Felix ne trouvait plus grand-chose à dire, et si Lucy n’avait pas le cœur à le laisser ainsi patauger, elle n’osait plus intervenir, craignait qu’une nouvelle flammèche ne se raviva par un mot incongru, échappé inconsciemment de sa bouche mal avisée. La maladroite rousse se contenta de baisser le nez dans le creux de sa tasse, comme cherchant à s’y noyer, ayant hâte, au fond, d’expliquer à Jonathan à quel point tout cela était un énorme malentendu, et le remercier comme il se doit pour les sublimes roses écarlates qui trônaient, seules et oubliées de tous, près de l’évier encore humide de la vaisselle de Lucy.



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Jonathan R. A. Williams
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Je n'aime pas me décrire...mais on me dit quelqu'un de gentil, tolérant envers beaucoup de choses; et il est vrai que le Seigneur m'aide à voir le bien dans le cœur de tous. Cependant, cette même capacité me rends aux yeux des gens très fanatique et naïf. Je n'avais jamais vu les choses sous cette angle, mais il faut croire que les gens ne voient en moi qu'un pasteur de pacotille. S'il y a une facette de moi que j'apprécie particulièrement, c'est le fait que je sois quelqu'un de très romantique ! Même si tout le monde préfère dire que je suis quelqu'un de niais...mais ne croyez pas que je sois stupide, car il m'arrive d'être très fier et impulsif. Je ne suis pas très courageux, mais je ferai toujours de mon mieux pour protéger les gens que j'aime, comme mon petit frère. J'ai aussi une profonde attirance pour les rousses. On me surnomme Quasimodo à cause de mon apparence quelque peu trapu -et certes poilu bien que blond, par opposition à la magnificence de mon frère.
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MessageSujet: Re: A l’aube des jours nouveaux - Felix  A l’aube des jours nouveaux - Felix - Page 2 Icon_minitimeSam 26 Sep - 12:59



A l’aube des jours nouveaux

« Eglise Ste Mary Matfelon, Whitechapel »

Automne 1892

Jonathan eut l’impression que l’atmosphère revenait à la normale, du moins autant à la normale qu’il était possible dans une situation aussi complexe à plusieurs points de vues. Chacun tenait leur thé en face de lui, se confessant à la surface brune et lucide de sa tasse. Lucy restait pourtant tristement en retrait, hochant la tête face à son discours de prévention et indiquant qu’elle n’aurait jamais emmené un inconnu dans la cave. Bien évidemment que le pasteur la croyait. Cette femme qui avait subi sa pauvreté comme une fatalité d’un destin mort-né avait une surprenante droite pour une prostituée, et c’était bien l’une des raisons pour lesquelles il était tombé amoureux d’elle. Une si grande douceur de caractère, et pourtant une force intérieure inépuisable, de qualités survivalistes et chrétiennes à la fois. Elle ne cessait de le surprendre, et il était plus qu’heureux de l’avoir invité elle – une inconnue à l’époque, dans sa cave pour partager un bain. Jonathan baissa la tête vers les vapeurs de son thé, souriant. Oui, elle n’était clairement pas comme les autres filles de joies ; le malheur ne semblait jamais avoir altéré sa délicate nature, son triste éclat qui respirait la fragilité féminine. Elle n’était pas devenue une charretière, jurant dans l’alcool pour oublier son désespoir – Dieu l’avait éloigné des maladies, des escarres qui ruinent le visage et l’esprit. Elle était restée sauvage, ne se mêlant aux hommes que pour survivre et observait le monde avec des yeux éteints ; mais Jonathan avait su percé au coeur de cette créature mystérieuse. Il l’avait dompté comme on dompte un animal blessé, agressive et meurtrie. C’était une fierté.

A ses côtés, Felix lui refusa une nouvelle part de brioche. Néanmoins, la mémoire lui revenait et il put enfin donner le motif de sa visite. Amy lui avait demandé de lui donner de leurs nouvelles et d’en prendre auprès d’eux – compréhensible après la terrible soirée qu’ils avaient passé au cimetière. Cela faisait maintenant plusieurs semaines… mais il s’était passé tellement de choses dans sa vie. Cela aurait du le frapper dès la première seconde pourtant, de voir l’horloger chez lui en un seul morceau – lui qui avait sévèrement pris lors de l’attaque. Jonathan essayait de ne plus y penser. C’était beaucoup trop surnaturel pour lui, il voulait se recentrer sur sa vie et sa croyance ; si c’était une épreuve du Seigneur, ils l’avaient réussi. Jonathan jeta un coup d’oeil à l’étrange homme qui lui servait – contre toute attente – de meilleur ami. Il s’était montré incroyablement combatif et résistant durant cette soirée, une facette de lui auquel on ne se serait pas attendu. Voir l’horloger, timide, gêné en permanence, un peu fermé derrière ses yeux pourtant translucide, devenir l’espace d’une soirée un guerrier qui n’hésitait pas à aller au devant des dangers – songeant que s’il ne le faisait pas, cette bête pouvait dévaster Londres et s’attaquer jusqu’à sa famille… c’était quelque chose de surprenant, qui n’arriverait certainement pas de si tôt. Il n’eut à peine le temps de réfléchir à sa réponse quand Felix poursuivit en posant directement la question. Le pasteur jeta un coup d’oeil à Lucy : elle aussi, s’était retrouvée dans ce terrible cimetière. Tous les trois, gênés pour une bêtise aussi inconsistante que la bienséance, avaient comme oublié qu’ils s’étaient tous les trois retrouvés en danger de mort, dans un cimetière londonien, aux prises d’un loup-garou. Jonathan eut un rictus et étendit ses mains sur la table. Sous le lit s’échappait un petit museau blanc remuant, à l’insu de tous.

C’est à toi que je devrais poser la question… nous on a plutôt été épargné, rajouta-t-il en regardant Lucy d’un air contrit et de revenir vers Felix ; Comment toi tu t’en es sorti ? Je savais que David te soignerait bien, mais il est vrai qu’avec tout ce qui s’est passé après, j’ai… soupira Jonathan ; J’ai essayé de mettre cette histoire derrière moi, de l’oublier c’est… c’est ridicule quand on y pense.

Il but une gorgée de sa tasse. Oui, obnubilé par sa relation avec Lucy, avec la détresse qu’il ressentait à la savoir si loin de lui, et depuis qu’elle vivait désormais chez lui… il avait oublié ce qui s’était passé cette soirée-là. Effacée, cette histoire ne dormait plus que dans ses cauchemars. Et c’était tout ce qu’il en restait : des cauchemars. Pour peu qu’on lui aurait parlé, le pasteur se serait esclaffé en disant avoir rêvé cette soirée, que rien n’avait été réel. Mais ce n’était pas n’importe quel personne qui lui en parlait : c’était Felix. Celui qui avait le plus souffert de cette histoire. Il se rappelait le sang. Alors Jonathan ne pouvait pas juste rire et passer à autre chose. Mais peut-être était-ce une bonne chose que de ne plus se voiler la face. D’affronter cette réalité qui avait été la leur, ne serait-ce que l’espace d’un thé. Gêné, le pasteur sourit à l’horloger et fit :

Je suis navré… peut-être que… que nous allons trop bien, en réalité.

Il s’en sentit étrangement coupable. Ce n’était pas dans ses habitudes « d’aller bien ». Sa vie avait été une farce du début jusqu’au jour où il avait rencontré Lucy, et il se complaisait dans des attitudes de martyrs. Aujourd’hui, il avait des projets pour lui-même – et ça le surprenait. Il prit une grande respiration et poursuivit :

Comment va Amy ? Je suis désolé, peut-être que vous en aviez parlé avant que j’arrive...
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Felix J. Adler
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MessageSujet: Re: A l’aube des jours nouveaux - Felix  A l’aube des jours nouveaux - Felix - Page 2 Icon_minitimeLun 28 Sep - 11:43



À l'Aube des Jours Nouveaux

« A FAMILIAR ENCOUNTER »

Église St Mary Matfelon, Automne 1892.

Toujours assis docilement, Felix continuait de fixer le fond de sa tasse sans trop oser croiser le regard de ses hôtes. La raison de sa venue était d’une banalité si extrême qu’elle le gênait. Il avait l’impression de s’introduire dans l’intimité du jeune couple et de déranger leur quotidien. Finalement, cela n’avait pas raté, par l’hospitalité généreuse et l’incapacité de l’horloger à refuser quoique ce soit face à un minimum d’insistance. Par sa propre faute et sa propre maladresse, il avait instauré un climat de malaise ou chacun n’osait plus dire grand-chose. Les quelques mots de Jonathan à Mlle Wood n’avaient rien arrangé. Et la réponse de cette dernière ne rassura pas non plus Felix qui continuait de les regardait avec une certaine inquiétude. Il y avait comme une sorte d’emprise qu’exerçait Jonathan sur sa concubine qui mettait mal à l’aise l’horloger. À moins que cela ne fût que son imagination et qu’il se fasse des histoires ridicules. Il n’avait pas à se mêler de cela non plus. Il savait son couple avec Amy assez marginal et c’était même lui qui devait choquer les autres à laisser sa femme à être aussi « libre ». Tant que tout le monde était heureux, il n’avait pas à s’inquiéter.

Jonathan reprit alors la parole, répondant à la question si simple et risible de Felix. Il essaya de justifier le fait que lui-même n’ait pas donné de nouvelles, désireux d’oublier cette mésaventure dans le cimetière. En réalité, l’horloger n’était même pas venu pour cela. Ce dernier avait en effet une facilité déconcertante à tourner la page et enterrer ce qui faisait partie du passé. Il n’était pas si désireux que cela de parler de cet épisode quelque peu dramatique pour chacun d’entre eux. En réalité, il s’agissait pour lui que d’un vague cauchemar, à peine réalité tant il était absurde. Les blessures étaient certes toujours présentes et les cicatrices le seront éternellement, que ce soit la balle qui avait traversé son mollet ou les griffes de la bête qui s’étaient plantées dans son torse mais il n’y pensait plus. C’était comme un oubli volontaire, mais nullement dans le déni de ce qu’il s’était passé ce soir-là dans le cimetière. Felix avait laissé cette mésaventure derrière lui, ainsi que les conséquences que cela avait eu sur Amy. Pourtant, Jonathan la mentionna également, demandant de ses nouvelles et ne cessant de s’excuser auprès de l’horloger, comme si cela était une faute d’avoir été épargné.

Felix eut un léger sourire, afin de rassurer son ami. N’étant pas rancunier sur ce genre de choses et encore moins jaloux, il était même plutôt heureux pour ce jeune couple que tout aille bien pour eux. Ce n’était pas une faute que de s’en être sorti indemnes. Il était même content pour eux, ils avaient eu suffisamment de problèmes dans leur vie pour en accumuler d’autres. La vie de l’horloger était suffisamment paisible depuis des années désormais qu’il pouvait bien avoir un malheur de temps en temps. Même si la fausse couche d’Amy et la menace de la matriarche Adler, de retour à Londres, obscurcissaient le quotidien de la famille vivant à Lambeth. Répondre à Jonathan ne dérangeait pas Felix non plus. Se répéter était, au final, presque rassurant, comme un cercle qui recommençait et dont on connaissait la fin. Même si les thèmes abordés n’avaient rien de réconfortants, l’horloger était si détaché de tout ceci qu’il ne comprenait qu’à peine que cela puisse jeter un nouveau malaise sur les hôtes et leur invité. Si, lors de sa première réponse à Lucy, Felix avait bégayé, c’était surtout sa timidité et le fait de se retrouver en tête à tête avec la jeune femme, dans la cave du pasteur.

— Ne t’excuse pas pour ça… Si tout va bien, tant mieux…

Il osa jeter un regard bref à Jonathan avant de baisser de nouveau ses yeux vers sa tasse de thé.

— Quant à Amy… Elle est plus marquée, elle a dû mal à se remettre de sa fausse couche. Elle a eu vraiment peur que je ne m’en sorte pas mais heureusement que David était là, oui.

Involontairement, ses yeux se posèrent très rapidement sur Lucy avant de revenir sur le fond de sa tasse en porcelaine. Felix parlait volontiers quand on lui posait une question mais ne pouvait s’empêcher de rester évasif bien qu’incroyablement concis. Cacher la vérité n’avait pas beaucoup d’utilité à ses yeux, sauf dans des cas extrêmement rares. Il ne ressentait donc pas cette gêne d’avouer le malheur qui avait frappé le couple Adler. Ironiquement, ce n’était un secret pour personne que Felix semblait avoir été plus doté de l’instinct parental que son épouse et pourtant, la perte de cet enfant qui aurait dû naître affectait bien moins le père que la mère. Mais l’horloger, avec son esprit qui semblait être configuré différemment que celui des autres, pouvait-il réellement imaginer ce qu’il se passait dans la tête de son épouse ? Si les Adler étaient complémentaires, ils restaient deux marginaux aux tempéraments très différents, presque opposés. Et Felix savait pertinemment qu’il avait souvent du mal à comprendre les autres et à se mettre à leur place. Là où quelque chose paraissait logique au commun des mortels, l’horloger était souvent perdu et l’inverse était valable également. Il sourit pourtant au jeune couple devant lui, ne voulant pas les attrister ou les inquiéter, même si cela dénotait parfaitement avec les quelques phrases qu’il venait de prononcer sur un ton détaché.

— Peut-être que vous pourriez venir dîner, un soir… Cela lui ferait sûrement plaisir de voir du monde, un peu. Je suppose… Elle court un peu partout en ce moment, elle devrait se reposer plus.

Felix avait le regard vague et fixe, pensant à voix haute. Il était soucieux mais n’avait aucune inquiétude dans la voix. Il se disait que c’était sûrement la façon d’Amy pour oublier ce qu’il s’était passé, de faire son deuil. Il savait qu’il avait du mal à comprendre le traumatisme laissé par cette perte de quelque chose qui n’avait même pas vécu. Il se disait naïvement qu’ils pouvaient toujours essayer d’en refaire un autre, plus tard, même s’il savait que deux enfants convenaient déjà largement à Amy. Finalement, le regard de l’horloger sorti de son état statique pour se poser brièvement sur Jonathan.

— Désolé, je me suis perdu dans mes pensées…

Avec des gestes doux et précautionneux, Felix posa sa tasse sur la table et reposa ses paumes sur ses cuisses, ne sachant trop où les placer, attendant comme le verdict de Jonathan et Lucy.
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