Âge : 48 Emploi : Diplomate Informations : Vous trouverez ici mes mémoires, et là mon carnet de visite. Pour résumer, j'ai mes racines en Ecosse, le cœur à Londres, et ma curiosité, répartie sur l'intégralité de l'Empire britannique, pour ne pas dire de la Création.
Sujet: Selfish kings of a worthless empire [For TiA] Sam 28 Avr - 16:23
We're Mud Eaters
« It seems to me that you are free to choose your own name, then.
- Yes, I suppose I am. »
A l'heure du café.
L'aube arrive, toujours à l'heure, avec son cortège d'embrouilles. Larkin soulève une paupière, avec la grimace d'un forçat. Dehors, le pas d'un cheval ferré semble narguer son cerveau languissant des brumes opiacées de la veille. Qu'est-ce qui a bien pu se passer ? En tout cas, ça cogne toujours dans son crâne. Des coups, possible, mais quel genre de coups ? Il ricane en comptant machinalement ses dents de la pointe de sa langue, pour s'assurer qu'il n'en manque pas. Il redresse la tête. Un lit, c'est déjà un bon début. Il tâtonne. Un lit habité. Très bon début.
Il tire sur le bord du drap : une chevelure magnifique, qui s'enroule en volutes dorées sur l'oreiller, couvrant à demi une épaule de porcelaine fine. Il se permet un long sourire de loup, les yeux brillants, soudain fort bien réveillé. Un baiser sur cette épaule, qui s'attarde juste un peu trop longtemps pour être discret ou galant. Puis il saute du lit. Les lueurs du soleil se fraient un chemin à travers la grisaille, et les volets mal fermés ; il est temps de céder la place à Monsieur Kassel de Skerivor.
"Le monde change," murmure Larkin. "Il faut qu'il change en bien," répond Stewart. La métamorphose est opérée. Et tout aussi privé de souvenir, tout aussi tanguant et débraillé, pour ne pas dire nu, que son alter ego, Stewart se retrouve parachuté dans cette chambre obscure et inconnue, où règne en cette matinée mystérieuse un froid à lui glacer le sang. Quelle idée d'être sorti du lit si vite ! Il en a encore la tête qui tourne. Sa main cherche un appui, trouve un meuble, s'y agrippe. L'ombre d'une courbature, le spectre d'une crampe ; le fourmillement du sang qui se remet à circuler dans l'ensemble de son corps, après avoir été bloqué par sa posture d'endormissement, par cette inconnue endormie contre lui. Il essaie de classer ses pensées.
Voyons... Il était sorti faire la fête, et ensuite... ensuite ? Il se rappelle vaguement que le temps était déjà froid, une brume insidieuse qui se glissait sous ses vêtements comme une myriade de petites mains aux griffes empoisonnées. Il avait besoin de boire et de danser pour se réchauffer, mais ça ne s'arrangeait pas, sa gorge était rauque, il se souvient de cette sensation – elle est toujours présente, il commence à s'inquiéter. Ses poumons sont fragiles, c'est de famille. Pourvu qu'il n'ait pas attrapé la mort. Il couvre son visage de ses mains, tousse, en essayant de ne pas se montrer trop bruyant. Il y a cette dame dans le lit, qu'il ne voudrait pas réveiller brutalement.
Comment prendre congé en toute courtoisie, d'ailleurs ? Il ne se rappelle même plus à quoi elle ressemble, ni comment ils en sont arrivés là. C'était une sacrée soirée. Quelqu'un avait un furet... il revoit les petits yeux féroces, rougeoyants, pareils à ceux de cette mangouste des Indes dont Rudyard a raconté l'histoire à David l'autre fois. Il se sent hypnotisé. Existe-t-il des êtres capables d'hypnotiser un serpent ? Ses pensées divaguent ; Stewart les maîtrise. Il cherche à rendre à sa tenue un semblant de présentabilité. Ce n'est pas une mince affaire. Larkin s'habille toujours si mal ; et il a cette fichue tendance à semer ses effets à tous les vents sur le moindre prétexte.
Un pantalon de toile anthracite, râpé aux genoux, sur le dossier de cette chaise... Une tunique noire à terre, de cuir si fin qu'il appelle les accrocs, et qui ne ferme plus, ses boutons de cuivre artistiquement coupés au vol par quelque pickpocket au cours de la nuit. Un foulard ? Non, juste un collier, un chapelet qui porte une croix, une médaille de la Sainte Vierge, quelle ironie... et qui pend comme un condamné au bouton de la porte. Ses chaussures, il a dû les jeter dans l'entrée. Une entrée ; puisque cette pièce n'est qu'une chambre, le reste de la demeure doit s'articuler en plusieurs espaces de vie. Une glace, là, où son reflet imprécis, dévoré d'ombres, le nargue d'un regard sans concessions... l'aube s'accroche aux teintes un peu moins noires, presque grisonnantes sous certaines lumières, de sa masse de cheveux en bataille. Un logement décent, une dame comme il faut, qui avait envie de s'encanailler avec un malfrat, sans doute. Oui, il avait froid, il s'en est plaint, et une voix lui a dit : viens dormir chez moi, je te tiendrai chaud.
Ce vieux diable de Larkin a donc trouvé moyen de faire pitié à quelqu'un... Pitié ou envie, lui qui a les cheveux aussi noirs dans la lueur tremblante des bougies ou des lampes, que Stewart semble parfois les avoir nuancés de gris, à la Véritable Lumière du soleil levant.
Mais il a refusé, puisque le voici chez cette dame inconnue. La voix était plutôt celle d'un ami. Un jeune homme. Trop suave pour être innocent, trop direct pour être insincère. Il parcourt des yeux l'espace qui s'habille petit à petit d'une lumière diffuse et grisâtre, dévoilant des reliefs de mobilier, des oeuvres d'art suspendues aux murs. Quel est cet endroit ? Il est certain de n'être jamais venu, avant cette nuit. Pourvu que ce soit le genre de porte dont un homme important tel que lui puisse sortir la tête haute, sans avoir à en rougir. Enfin... il aurait fallu avoir une garde robe présentable sous la main, pour cela. Stewart Kassel n'est pas quelqu'un qui fouille dans les placards des personnes endormies, mais la porte est ouverte, il ne fait que jeter un coup d'oeil...
Des chemises. Des cravates. Des vestons. Des pantalons, pour l'amour du Ciel. Madame est donc mariée. Le froid s'insinue légèrement sous l'épiderme de Stewart, qui n'aimerait guère se retrouver avec un duel sur les bras. Mais enfin, si la beauté endormie daigne lui prêter quelques effets pour qu'il puisse regagner son domicile dignement, il ne dira certainement pas non. Vivre sans risque est impossible ; il faut juste savoir le doser. Et à propos de doser... Un café corsé serait le bienvenu. Quel embarras de se retrouver dans un contexte dont les règlements ne sont pas connus : si Stewart était chez lui, il n'aurait qu'à sonner pour être servi...
Sujet: Re: Selfish kings of a worthless empire [For TiA] Mar 1 Mai - 18:22
So in our veins, it runs mud blood.
«-I do not understand you. -It does not matter as long as you feel it.»
L'heure de la révélation
La chaleur. Cette sensation réconfortante que l’on ressent dans une étreinte, une embrassade ou dans un lien avec quelqu’un. Dans les caresses solaires d’une aube passant par la fenêtre, éclairant la pièce d’une lueur dorée chatouillant chaque parcelle de votre épiderme pour vous habiller. Entre les draps, dans une couverture qui vous emmitoufle, vous protège du monde d’un cocon ouaté, conserve tout se bien être contre vous.
Un soupir alors qu’il sent la marque d’un baiser sur son épaule, presque un gémissement de bien-être alors qu’il s’agite vaguement. Il s’étire, laisse une longue jambe dépasser pour réguler la température de son corps. Un réflexe qu’il garde depuis l’enfance et qu’on a vainement essayé de lui retirer à coup de sermons ou de technique archaïque.
Dans un demie-sommeil dont il a du mal à s’extirper, il comprend vaguement que l’on s’agite à ses côtés. Des bruits de pas, des marmonnements. Terence soupir, resserre la couverture sous son menton, refuse d’être chassé des bras de Morphée si tendre avec lui. Juste sentir son corps devenir lourd sur le matelas, chaque muscle totalement détendu, cette inconscience du monde qui vous permettez de tout ignorer et de penser qu’à vous. Certains dirait que c’est égoïste, que le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. Pour Terence, c’est l’un des plus beaux cadeaux que l’on puise se faire, se bercer encore de vague illusions ou le rêve se dilue à la réalité.
Il prend une grande inspiration, hume à pleins poumons. Des odeurs de tabacs et d’encens se glissent dans ses sinus, un parfum également qui semblait lui raviver des souvenirs qui restaient dans le brouillard, juste au bord de sa conscience. Il la reconnaissait sans arriver à mettre un nom dessus. Et l’odeur de chez lui. C’était ses draps, son lit. Cette information eue le bon droit d’essayer de lui faire ouvrir les yeux. La lumière lui agresse les rétines, mais seul un croassement pitoyable sortit de sa gorge. Une main remonte le long de son corps, tâte la gorge irrité avec la légèreté d’une plume. Un claquement de langue, alors que la bouche pâteuse s’entrouvre. Un goût d’Opium lui restait au fond du palais. Une grimace tord son visage alors que les paupières battent lentement, qu’il essaie de chasser la brume persistante devant ses yeux. Aucun rayon d’or pour parer sa chambre de bijoux aussi fabuleux que ceux de la Reine elle-même, donner des ombres au masque d’Afrique ou aux tableaux provenant de France. Rien qu’une vague grisâtre qui semble perpétuellement en station au-dessus de Londre. L’enchantement prit fin d’un cou de baguette… Derrière l’oreille.
Il voit une ombre passer non loin de lui, une silhouette qui semblait chercher quelque chose. Mais qu’avait-il encore fait la veille au soir ?
Il se souvient de pari. D’avoir déboursé de l’argent pour…. Pour quoi déjà ? C’était flou. C’était animé en tout cas, plusieurs personnes tonnant à toute voix. Ses oreilles semblent encore siffler à se souvenir. L’alcool avait participer a une entente plutôt éphémère. Il se souvient par contre d’avoir était en très bonne compagnie, un homme plus âgé à la tonalité maîtrisé et aux répliques divertissantes. Son corps attesta de la véracité de ses pensées, encore engourdis par une étreinte de longue durée durant la nuit. Des courbatures, qui lui donneraient presque un sourire satisfait.
Puis le grincement le réveilla tout à fait. Cette fabuleuse armoire ouvragée qui semblait être aussi vieille que le monde. Le bois avait était poncé, cabossé, de nombreuses rayures abîmait les longues plaques de cerisier rouge, témoignant du mauvais traitement suite à des déménagements divers. Patinée par les années, la couleur était disparate. Un peu branlante, c’était une antiquité qui tenait encore à peine debout et que tout le monde détestait, destiné ce objet à un ancien. Mais chaque arabesque, chaque angle était connu par cœur par le jeune homme. Son grincement lui était familier que les aboiements de ses chiens. C’était un héritage de sa grand-mère, un des seuls meubles qu’il n’avait pas en acajou et il y attachait beaucoup d’importance.
Et il n’appréciait pas que d’autre que lui puisse y poser la main dessus.
Péniblement, il se redresse, porte la couverture à sa poitrine. Il se frotte les yeux, réprime un bâillement qu’il cache d’une main. Passer ses doigts dans sa longue chevelure pour lui redonner un semblant d’ordre et la décoller du crâne. Puis une fois que sa vision ne fut plus troublé, il vit Stewart. Stewart Kassel. Steevy lui murmura sa conscience provenant de la veille. Cela le troubla, bien plus qu’il ne voudrait l’avouer. Cet homme, il le connaissait, de vue principalement. Et cet accoutrement ne lui correspondait guère, sauf parfois quand il le croisait tard le soir... Il se penche, enfile prestement à de ses peignoirs échoués sur le fauteuil tout près de son lit, cache son corps des yeux de cette personne. Ce n’était pas la première fois qu’un de ses partenaires de nuit réalisent qu’ils étaient étendu prêt d’un homme et se mettent à l’insulter ou à proférer des prière, tentant en vain de se faire pardonner auprès de dieu pour un tel affront.
Il lui fallait un café. Noir. Il lui fallait toujours son café le matin, pour se remettre d’aplomb. Son carburant pour la matinée. Sans un mot, il sort de la chambre, ses pieds semblant frôler le sol. Un doigt s’enroule autour d’une de ses longues mèches, s’entortille autour. Un réflexe qu’il n’arrivait pas à se défaire. Les escaliers. Puis directement à droite le petit salon à l’allure paisible et douillette. Première porte de gauche, la cuisine d’où sortait des odeurs alléchantes. Là, une femme s’exclame, s’active en lui sortant tout se dont il aurait besoin pour son petit-déjeuner. Il la rassure, lui pose juste une main sur l’épaule. Terence ne parle pas. Pas avare de mot, juste en manque de son liquide brûlant, de l’amertume flattant ses papilles. La servante baissa les yeux à l’arrivée de Stewart. Elle rougit violemment, mais continua de mettre la table comme si rien de terrible se produisait sous ce toit. Terence s’installa dans son petit salon, fait racler les pieds de la chaise sur le sol avant de s’installer et de prendre une longue gorgée de caféine. Les angles de son visage devaient certainement trahir son sexe, n'ayant aucune trace de maquillage sur la peau. Ce qui était étonnant, en général, la compagnie des hommes étaient plus facile quand il était transformait et généralement le lendemain matin, sa peau était douloureuse sous cette couche bourrée de plomb, de sulfure d’arsenic et de sels de zinc. Moins il en mettant mieux il se portait. Et il retirait tout ceci avant de partir de la chambre ou du lieu ou il était, rentrant chez lui à grand pas.
Il ferme les yeux, savoure l’instant. Puis il braque son regard clair sur son invité et lui présenta la chaise en face de lui avant de déclarer d’une voix douce, mais indubitablement masculine :
- Prendriez-vous un café avec moi ?
plumyts 2016
Stewart Kassel
Âge : 48 Emploi : Diplomate Informations : Vous trouverez ici mes mémoires, et là mon carnet de visite. Pour résumer, j'ai mes racines en Ecosse, le cœur à Londres, et ma curiosité, répartie sur l'intégralité de l'Empire britannique, pour ne pas dire de la Création.
Sujet: Re: Selfish kings of a worthless empire [For TiA] Mar 1 Mai - 20:27
That's why we're insane
«When men, even unknowingly, are to meet one day,
whatever may befall each, whatever their diverging paths,
on the said day, they will inevitably come together in the red circle.»
L'heure de la mise au point
Fallait-il suivre ? Fallait-il demeurer ? L'apparition avait cloué Stewart sur place, prêt à s'excuser comme un malfrat pris en faute – qu'il était à demi, pour être honnête. C'était sous ce titre qu'il était entré dans ce logement des plus décents, soit dit en passant. Et il avait peut-être à s'excuser pour son comportement de la nuit. Il espérait fortement que la fatigue mentale et physique affichée par l'apparition – autant la nommer ainsi, tant que tout ne serait pas parfaitement clarifié – n'était pas dûe à des agissements coupables de sa part. Enfin, d'une certaine manière, bien au-delà du règne de sa conscience et des avertissements de sa raison, il espérait que c'était le cas ; mais de toute façon, à son grand dam, il ne se souvenait toujours de rien. D'un vaste nuage, voilà tout. Et à Londres, ça n'avait rien de précis.
Il se résolut à suivre. De toute façon, il était curieux.
"Madame."
Une dame effarouchée, enfin une, comme une ombre de normalité venant incruster sa silhouette pataude dans ce qui était jusqu'alors un spectacle de magie. Stewart ne l'en salua pas moins courtoisement, car il tombait ici dans une situation qu'il savait comprendre et gérer : il se conduisait mal, cette dame en prenait ombrage, il ne pouvait réellement lui présenter ses excuses, il se devait simplement d'être courtois. L'enchaînement était mécanique, comme celui des mouvements internes qui règlent la vie d'une horloge. Et tout aussi mécanique fut le salut qu'il esquissa. Un homme du monde, qui connaissait précisément le nombre de centimètres requis de son geste d'inclinaison du buste et de la tête, pas un de plus, pas un de moins. Il avait étudié cet art dans diverses cultures qu'il avait à fréquenter ; les Japonais étaient les plus compliqués à son sens, mais aussi, de ce fait, les plus passionnants. Quelle chance qu'ils aient rejoint l'échiquier international... Et quels souvenirs il aurait pu raconter à son convive du moment, souvenirs sans rapport malheureusement avec leur situation actuelle, ou très indirectement.
"Oh, vous n'imaginez pas avec quel plaisir," répondit-il en hâte à la proposition qui lui était faite. Sitôt servi – eh bien, il hésita. Il n'osait pas boire le premier. Un questionnement dont le jeune homme blond le délivra, en sautant le pas sans autre forme de procès.
La première gorgée fut un soulagement infini : de la chaleur, c'était précisément ce qu'il lui fallait. Mais à son grand dépit, les propriétés vivaces du breuvage ne suffirent pas à réveiller sa mémoire en fuite. Il en serait réduit à demander. C'était fort déplaisant, comme un aveu d'infériorité qui commençait bien mal la conversation ; mais après tout il fallait bien parler de quelque chose, et le silence serait encore, dans leur situation présente, l'issue la plus embarrassante qui soit. D'ailleurs, Stewart ne se sentait pas embarrassé. Sa langue désaltérée se déliait, au contraire, et il éprouvait l'envie de bavarder. Il s'appuya en avant sur la table, baissa les paupières un temps, puis fixa son regard, où jouait la lumière naissante, sur les lèvres qui allaient – peut-être – le délivrer de ses tourments.
"Il y a une chose que j'aimerais savoir."
Un petit rire lui échappa ; il se trouvait comique. Le café revint lui ramener un peu de sérieux. Une chose ? Voilà qui dénotait d'un flagrant manque d'ambition, alors qu'il venait, en un sens, d'aborder un nouveau continent.
"Non : il y a un milliard de choses que j'aimerais savoir. Tout à l'heure, je serai un horrible goujat et je vous demanderai votre nom. Mais commençons par les vils détails pragmatiques, voulez-vous ?"
C'était le directeur du musée. Avait-il su son nom exact un jour ? C'était possible, mais sur le moment, quelque chose se bloquait dans son esprit lorsqu'il essayait d'y penser, comme s'il avait appris une autre rengaine par coeur, quelque refrain subversif, qui avait remplacé la plate berceuse initiale. Terry ? Cet homme distingué ne s'appelait certainement pas Terry. Il devait avoir un nom de fée. En tout cas, c'était le directeur du musée et personne d'autre, même dans son état d'abrutissement Stewart en restait conscient. Et ce n'était pas n'importe qui. Un extravagant, un artiste ; de ces gens de la ville dont il faut se méfier, du moins, c'est ce qui se raconte dans les manoirs du Nord, parce qu'on en rêve, et l'on s'en cache. Un sourire se peignit sur ses traits tandis qu'il dévisageait d'un regard appuyé les quelques détails révélateurs de la physionomie adverse.
"Pas celui-là. J'en suis conscient, mais ça ne m'inquiète pas réellement."
Il était bien beau de se vanter, mais un gentleman se devait de donner des preuves ; la main de Stewart s'avança vers les cheveux blonds qui encadraient le visage du jeune directeur, afin d'en dégager les contours. C'était un geste prudent, attentif, une avancée en terrain inconnu, sinon ennemi. La personne qui lui faisait face n'avait pas des contours très nets en ce qui concernait son tempérament non plus. Offrir une boisson chaude n'autorisait a priori à rien d'autre. Mais il était difficile au diplomate de se comporter comme dans un salon précieux, en respectant la distance de sécurité fixée arbitrairement à un mètre et demi environ, alors qu'il était parfaitement certain d'avoir au moins dormi enlacé avec cette poupée inattendue.
Une envie naturelle de rassurer un individu plus jeune s'était emparée de ses pensées, quoique par moments, il avait l'impression de voir devant lui un être antédiluvien, chargé d'une sagesse à laquelle il ne pouvait prétendre. Lui qui vivait une double vie, il regardait une sorte de chat, qui en vivait bien davantage. Alors, rassurer ou se rassurer ? Un peu des deux sans doute, tout était bon à prendre. Et puis, toute considération philosophique mise à part, il approchait soudain de fort près ce monsieur fascinant, et il n'allait pas se gêner pour en profiter, au sens, glaner quelques informations visuelles plus précises, à emporter dans ce qui lui resterait de souvenirs. Son regard, animé d'une curiosité lumineuse, ne mentait pas sur ce point.
"Non, je m'inquiète de votre servante. Elle n'a pas eu l'air ravie de me trouver ici. On jurerait qu'elle nous prête je ne sais quelles... activités indignes de deux gentlemen. Pensez-vous pouvoir la rassurer ? Je dois vous sembler parfaitement ridicule, mais... je travaille au gouvernement, vous voyez."
Car quoi de plus ridicule que la peur du ridicule, et les choses ridicules qu'elle conduit à faire, n'est-ce pas ? Il était le second à s'en moquer – Larkin étant le premier. Mais dans ces circonstances, il s'y trouvait acculé. Le directeur pouvait sûrement comprendre ; il était directeur, après tout ; c'était déjà un niveau de responsabilité.
Sujet: Re: Selfish kings of a worthless empire [For TiA] Ven 4 Mai - 16:07
Yeah we got drugs inside our heart.
«We want that crown,
And we want it now.»
L'heure du jeu
Odeur de bacon grillé qui embaume la pièce, d’œil brouillé mit à côté de délicieux pancakes bien épais comme il aimait. Ceux qui semblaient presque fondre dans la bouche, aussi aérien qu'un petit nuage. Des scones, garnis de raisins secs empilés les uns sur les autres. Il fait la moue, en prend un malgré tout du bout des doigts, qu’il porte à ses lèvres, laisse une petite marque de dents pour ne pas vexer sa servante. Il avait beau dire, réitéré son attrait plutôt limité pour ceci, tout les matins elle lui en faisait et prenait mouche s’il ne faisait pas l’effort de goûter le fruit de son travail. Depuis son enfance, c’est ainsi, elle fait perdurer le quotidien de sa famille et en suivant le fils lorsqu’il fut en âge de reprendre la maisonnée familiale au cœur de Londres, elle garda les mêmes habitudes. Femme d’un certain âge qui n’aimait pas spécialement changer ses réflexes qui la rassuraient tout au fond d’elle-même, disait toujours qu’à force de goûter il finirait par aimer, apprécierait cette spécialité de sa ville natale, tel une mère couveuse cherchant toujours à faire plier les envies de son fils. Elle l’avait suivie, s’étant bien trop attaché à ce petit garçon bien trop efféminé tout en paroles douces et aux sourires rêveurs, baissant la tête pour se voiler la face quant aux penchant interdit de Terence grandissant, gardant la bouche obstinément fermée, mais le regard désapprobateur. Parfois, il avait l’impression que si elle pouvait lui tirer l’oreille, elle le ferait.
Lui préférait mettre du beurre et de la marmelade d’orange sur ses tartines, une bonne tasse de café brûlant dans les mains.
Mains qui piochent à droite et à gauche, qui remplit son assiette à ras bord, profusion dont il semblait se délectait à chaque bouchée. Il mange comme s’il avait manqué de tout ceci toute sa vie, comme si le reste de la journée l’empêcherait de pouvoir remplir son estomac à sa convenance. Parfois, lui-même se demandait ou passait toute cette nourriture ingurgité, lui qui était si fin et élancé, à la limite de la minceur extrême. Un organisme épuisant la moindre ressource peut-être. Sûrement parce que tous les jours, il était actif, ne supportait pas cette immobilité signe de mortalité à ses yeux. Il aurait bien tout le temps qu’il voudrait une fois sous terre. Fatigue chronique qui tire ses traits fins, cerne parfois ses yeux de poches plus sombres. Le fait parfois plongé dans les méandres de son esprit, le fait divaguer dans des tourbillons déprimants ou tout lui semble fade, aucun intérêt faisait briller ses prunelles.
Mais il était l’excentrique. L’artiste perché sur la lune, celui qu’on admirait et que l’on insultait. Il avait un rôle à tenir, une place qu’il ne céderait pas. Pas pour le moment en tout cas.
Une nouvelle gorgée alors qu’il se détourne enfin de sa nourriture, qu’il regarde cet homme face à lui. Vainement, il tente de se remémorer cette soirée, cette nuit. Il était rare qu’il aille jusqu’à ce stade, qu’il se laisse porter sans prendre de marge de sécurité. Pourtant, il a encore en mémoire de vague souvenir de ces lèvres avides, de ses mains baladeuses. Il voit ce regard se déposer sur lui, le déshabillant sans une hésitation.
Un frémissement le parcourut, l’ombre d’un souvenir glissant le long de ses reins. Quelle tenue. Pour un Noble, il avait bien des manières de rustres. Une main s’avança vers lui et il ne bougea pas. Il laisse cet animal s’approcher, le renifler. Dégager sa chevelure. Il aurait pu se caler contre cette main qu’il semblait connaître désormais par cœur, fermer les yeux pour savourer cette chaleur toujours bienvenue. Lui avait souvent froid. Froid de l’intérieur. Il cherchait toujours de quoi l’animer, raviver les braises qui se tapissaient en lui menaçant de s’éteindre. Mais il n’en fit rien, laissant faire d’un battement de cils pardonnant par la même occasion cette intrusion.
- Mr Kassel, ma servante à bien des égards ne sait pas se convenir, je vous prie de m’en excuser. J’ai beau y faire, elle garde son caractère.
Elle a tout vu. Elle le sait. Ses draps froissés à l’étage d’une seule chambre. Comment ne pas voir la rougeur de ses joues, le regard pleins de reproche ? Mais elle ne dirait rien. Pour moi et pour vous.
- Il va de soi qu’elle ne dira mot de votre nuitée ici, nettoiera votre chambre ne laissant aucun effet personnel. Votre venue sera…. Un secret très bien gardé. Aucune fuite ne viendra trahir votre escapade au gouvernement, bien qu’il ne s’agit évidemment que d’une soirée discutions autour de sujets divers et variés que peut être l’Art, s’éternisant un peu trop dans la nuit.
Oui nos langues ont beaucoup travaillés, ils faut en convenir. Nous avons de nos propres mains confectionnées, une toile abstraite, tissée des sensations qui reste dans la mémoire malgré tout. Vous avez un joli grain de beauté sur la fesse gauche, Steevy. Un léger raclement de gorge alors qu’il repose sa tasse, resserre son peignoir autour de ses reins.
- J’en oublie tous mes devoirs. Je connais votre identité et vous non. Je me présente, Monsieur Terence Anathor. Directeur du musée des œuvres divers et variés, quartier Strand.
Il retient un sourire. Son musée portait bien des noms, en fonctions des personnes le décrivant. C’est ce qu’il aimait, cette image modulable ; jamais la même, toujours en mouvement. Comme une entité vivante se déplaçant de bouche en bouche. Des aboiements se firent entendre, le cliquètement de griffes sur le sol. Deux grands chiens noirs passèrent devant les escaliers, propres comme un sou neuf, débordant d'une énergie parfois épuisante. D'un ordre bref, Terence les interpella et leur demanda de se calmer. Aussitôt, les deux chiens parfaitement éduqués s'arrêtèrent de courir, se positionnant devant l'entrée la queue battante, piétinant sur place et léchant le bout de leurs museaux, réprimant à grande peine leurs agitations. Pas de doute, à la moindre invitation, ils accouraient pour avoir des caresses de leur maître et certainement piquer une friandise du bout de la langue.
- Donc vous disiez que vous travailler au gouvernement ? Que faîte-vous précisément sans indiscrétion ?
Une nouvelle gorgée. La dernière. Il repose le récipient avant de se pencher en avant pour retirer une miette de la commissure des lèvres de Mr Kassel d'une main, qu'il mit en bouche d'un bout de langue rose. Ce fut rapide. Presque bref. Un geste banal, normal.
Moi aussi je peux envahir ton espace sans un mot d'avertissement.
plumyts 2016
Stewart Kassel
Âge : 48 Emploi : Diplomate Informations : Vous trouverez ici mes mémoires, et là mon carnet de visite. Pour résumer, j'ai mes racines en Ecosse, le cœur à Londres, et ma curiosité, répartie sur l'intégralité de l'Empire britannique, pour ne pas dire de la Création.
Sujet: Re: Selfish kings of a worthless empire [For TiA] Ven 4 Mai - 19:38
I have a tendency to do that to people.
«How're the clothes ?
- I feel like Lord fucking Byron.»
L'heure des sucreries
Les pâtisseries préparées avec amour ne recevaient guère d'attention de leur destinataire principal. Toujours décidé à se faire pardonner le choc qu'il avait causé à la pauvre gouvernante, et amplement rassuré quant au silence qu'elle observerait, Kassel en mangea quelques-unes, en signe de bonne volonté. Qu'elle se sente au moins appréciée pour ses talents culinaires, à défaut de se sentir écoutée dans la sphère bien plus abstraite de la moralité quotidienne. Il souriait à la pensée de ce musée – oh non, vous n'amènerez certainement pas les enfants visiter cet endroit, Stewart ! Il vont en rêver la nuit – quand une main fit son apparition dans son champ de vision. So coeur manqua un battement. Il se paralysa instantanément, pareil soudain aux petites créatures nocturnes qui croisent soudain, à l'improviste, un porteur de lumière. Le frôlement sur ses lèvres réveilla brusquement un souvenir, recomposé sur la base d'un rêve, ou attaché à la racine d'un véritable événement passé, il n'en savait rien. Désir ou réalité... ou les deux. Instinctivement, il eut un geste pour se mordre la lèvre, une brusque manifestation d'animalité contenue, qui se résolut en un sourire équivoque. Il n'avait pas bougé de son siège.
"Oh, vous pouvez être indiscret, très cher : si je ne réponds pas gentiment, vos molosses me mettront en pièces, n'est-ce pas ? Je suis attaché d'ambassade. Mon supérieur direct est Lord Codrick, un monsieur aux favoris magnifiques – je parle de sa pilosité faciale, bien sûr. Rien de passionnant. Je gage que vous regrettez déjà votre question."
Et puis surtout, Stewart Kassel ne pouvait pas vraiment développer davantage la teneur de ses activités actuelles. C'était bien bête, mais c'était ainsi. Il avait signé et prononcé un serment très strict à ce sujet. Toutes les chevelures dorées et tous les regards langoureux du monde ne changeraient rien à cette signature, et à ces quelques mots emportés par le vent. De toute façon, il était bien certain que les détails techniques auraient ennuyé profondément son interlocuteur ; il préférait le laisser à ses rêves, et à tout ce que son imagination lui suggérait certainement quant au rôle exact qu'il occupait. Ils parleraient peut-être de ces rêves, ce serait plus intéressant. Tiens, d'ailleurs, il ne se souvenait pas d'avoir rêvé cette nuit. Cela non plus n'était pas fréquent. Fallait-il qu'ils se soient dépensés... Ah, il trouverait bien quelque part en ville, lors d'une prochaine sortie, quelqu'un qui lui raconterait le départ de cette folie. Il ne sortait pas si fréquemment. Depuis la naissance de David, et son retour mensuel dans le lit conjugal, il s'efforçait de se limiter. Mieux valait se priver parfois, et sauvegarder son passe-temps, que s'y adonner trop souvent et se faire démasquer avant l'heure. Ou, comme il l'aurait dit, avant l'âge, car il estimait qu'il y avait un âge pour cela : celui où il deviendrait grand-père, et où il commencerait à conter ses exploits passés à de petites créatures incapables de tenir leurs langues. En bref, celui où il deviendrait incapable de se promener sur les toits.
"Je plaisantais, j'aime les chiens, ils ne posent pas de questions et surtout, ils ne s'en posent pas. J'en ai moi-même, ici à Londres, et à... En Ecosse. Là où j'ai mon petit carré de bruyère." Sans réellement se demander si c'était la coutume de la maison, Stewart brisa en deux un bannock – chez lui, on appelait ça comme ça ; ou un sconn, à l'extrême rigueur, pour faire plaisir aux invités – et se leva pour en donner aux deux animaux. Il ne cherchait pas spécifiquement à les agacer, ou à les apprivoiser en vue de prochains passages nocturnes plus ou moins annoncés, et plus ou moins effectués par la porte. Il était curieux. Cet ordre le fascinait. L'appétit dévorant de son hôte, son calme lorsqu'il s'était permis de frôler son visage... son naturel face à ses allusions. Comme un petit garçon tombé au gré d'une promenade dans le terrier qui ouvre sur le monde des fées : il testait ses limites, et ne supposait pas, d'ailleurs, que cela puisse lui coûter les mains. La discipline exercée sur les deux cabots des Enfers était trop absolue pour que cela se produise.
"Nous sommes voisins, à propos ; ma femme passe devant votre musée tous les dimanches en allant à l'office."
Une phrase innocente, neutre, dépourvue de la moindre tonalité blessante ou ironique. Et pourtant, elle en suggérait tant que Stewart l'avait lancée sur le ton le plus doux possible, ravivant par la même occasion son accent sous-jacent, comme pour se donner l'air d'un pauvre barbare du Nord qui ne sait pas ce qu'il dit. Il était certain de ne pas avoir fait la moindre allusion à Fanny au cours de la nuit. Dans ces moments-là, il ne se référait à elle et aux enfants que comme "la femme d'un pote", "les enfants d'un ami". D'un voisin, parfois. A la réflexion, il ne se trouvait pas très rassurant d'avoir choisi ce terme. Dans tous les cas, il était lié à une dame légitime, et il éprouvait presque du remords à y faire allusion... comme s'il s'était trouvé en compagnie d'une maîtresse dont il aurait encore mal connu la sensibilité exacte. Ah, qu'il était donc inconfortable de ne pas savoir s'il fallait agir en camarade masculin, ou en conquérant magnanime. La camaraderie était bien présente dans l'attitude de son hôte, et il l'envisageait comme un trait mâle ; en revanche, elle se parait d'une délicatesse qui brouillait insidieusement les cartes.
"Puisque vous vous souvenez mieux que moi de ce qui s'est passé hier soir... Il y avait de l'opium, n'est-ce pas ? Moi qui rêvais tant de tenter l'expérience, voici qu'elle s'est effacée de mon esprit. Etais-je malade ? Dois-je m'inquiéter ? Ou votre amabilité est-elle dûe à un tout autre facteur ? Histoire de savoir si je peux en abuser encore un peu... Je me sens tout nu dans ces vêtements râpés."
Il ne savait même pas pourquoi il agissait ainsi. L'intention de frustrer, de refroidir l'autre, de lui donner une leçon, n'était pas présente. Ce n'était qu'un jeu autour de cette apparente distance qu'ils devaient à présent réinstaller, artificiellement, comme on se force à se vêtir par les climats de grandes chaleurs. Autant en rire. Autant aller jusqu'au bout de ses obligations aristocratiques, et de ses manières de gentleman. Et puis, il n'avait pas affaire à n'importe qui, mais à un homme de spectacle. Messire Anathor saurait apprécier ses efforts de grimage. Tiens, c'est vrai qu'il avait cru apercevoir, dans la pénombre bleutée de la chambre, un coffret à maquillage sur la liseuse, sous la glace. Il eut la faiblesse de se représenter son vis à vis avec du fard sur les lèvres au lieu de marmelade (il préférait d'ailleurs le salé, c'était une information que Stewart avait notée distraitement, au cas où une autre occasion se présenterait, cette fois à son avantage géographique).
L'envie de riposter, au-delà peut-être de la décence courante, lui embrasa le cerveau alors qu'il abandonnait les chiens à leur... caninitude. Brisant en deux un bannock qui contenait justement de cette marmelade rosée à laquelle il songeait, il y trempa ses doigts avec une sorte d'indifférence pensive, sans rien révéler de ses intentions, par le plus infime tressaillement de son propre visage. Une goutte de framboise sucrée, pareille à une goutte de rosée qui aurait été mêlée de sang par quelque miracle sans doute d'origine christique – ou peut-être démoniaque, ou les deux – vint s'étaler d'un mouvement preste sur les lèvres de Terence, pour lui dessiner brièvement l'un de ces sourires fardés qu'il lui imaginait. Oh oui, c'était tout à fait charmant. L'air timide, aussi faussement qu'on peut se le composer, Stewart mordilla le bout de son index, histoire de le nettoyer de la pellicule collante. Il ne quittait plus des yeux ces lèvres rouges. Un petit démon sur son épaule lui susurrait que, puisque le directeur de musée n'aimait pas le sucré, il lui laisserait peut-être cette confiture... Chut, voyons, nous avons déjà outrepassé nos limites, répondait le diplomate offusqué. O combien, répliquait le petit diable, l'air rêveur... Quant à lui, il se souvenait parfaitement de la nuit passé.
Sujet: Re: Selfish kings of a worthless empire [For TiA] Ven 25 Mai - 12:44
I know the dreamer last within.
«Is not strange?
-No, only different.»
L'heure des révélations
Sa respiration resta coincée dans sa gorge. Douce caresse sur ses lèvres alors que le doigt glisse, maquille de rosé ses lippes qui se tendaient presque vers cette sensation, un réflexe d’une nuit déjà déroulé. Un coude qui s’enfonce dans l’accoudoir de son fauteuil matelassé, point qui retient le visage légèrement penché sur le côté. Un sourire dont il se pare, un regard qu’il fait briller légèrement en un écho de cette soirée qui semblait vouloir le fuir pour mieux le narguer. Oh, comment il regrettait de ne pas avoir le moindre souvenir gravé, à n’en pas douter, elle avait été magnifique.
Un vague soupir alors que sa langue rose vint attraper la marmelade, récolter le moindre morceau collant et nettoyer cette zone sans quitter du regard. Certains clameraient provocation, d’autres simple politesse et bonne éducation. A ce cher Mr Kassel de choisir.
- Oh, peut-être, devrais-je inviter ma femme à la rencontrer l’or d’une de ses sorties. Je ne doute pas que cela la sortirait un peu de la maison familiale dans la campagne et elle en serait ravie, elle connaît mal Londres et à peu de connaissance ici.
Détourner son regard, prendre une serviette pour venir tapoter sa peau désormais collante de sucre, émietté les dernières traces sur ses doigts au-dessus de sa tasse désormais vide. Lui aussi pouvait renvoyer la balle d’une voix douce et avenante, établir des bases et des fondations sans en demander l’autorisation. Même si l’accent de son interlocuteur chantait à ses oreilles et aurait put le faire frémir à nouveau, il y avait des règles de bonnes conduites qui restaient imprimer depuis des décennies.
Un coup d’œil vers ses chiens qui trépignaient toujours, la queue battant le sol en un rythme effréné, leurs patiences s’érodant à vu d’œil. Bien que toute cette mise en scène était un rituel auquel ils se pliaient tout les matins à l’heure du petit-déjeuner, la gâterie de Mr Kassel n’avait fait qu’alimenter leurs enthousiasmes. Chaque jour, Terence testait les limites de leurs patiences. Et chaque jour, ils s’amélioraient. Mais aujourd’hui, ils ne battraient pas leurs records. Un petit signe de la main, des doigts qui s’agitent. Et les voilà arrivant en courant les pattes glissant sur le sol trop lisse pour eux, la langue pendantes et la joie de vivre faisant vibrer leurs corps. Il ne saute pas sur le maître, ne cherche pas à faire les poches de l’invité de la maison comme il sied à des chiens de bonne éducation. Mais ils tournent autour de la table, cherchant la moindre miette tombée à terre, la queue frappant la nappe blanche. Une caresse sur le museau, une petite friandise avant qu’on leur donne leurs repas. Un geste tendre derrière une oreille tombante, un tapotement sur le crâne. Et déjà, ils repartent en trombe quand ils entendent le son de leurs gamelles dans la cuisine, manquant de glisser sur le sol lisse.
- Mon amabilité n’est rien d’autre qu’une éducation correcte Mr Kessel. Ressentez-vous ce goût sur votre palet ? Oui il y avait bien de l’Opium fumée en une pipe commune hier soir Mr Kessel, et je vous mettrais en garde sur ses dépendances cruelles. Dans quelques heures, vous ressentirez certainement quelques sensations désagréables. Mais n’ayez crainte vous ne risquez plus rien.
Avant que vous ne goûtiez à nouveau à ce mirage. Qui goûte une fois au noir poison est définitivement perdu : c'est sa santé, ses vertus et sa vie qu'il expirera mêlé aux bouffées de la fumée bleuâtre. Il ne faut pas badiner avec l'opium : fumer une pipe, c'est mettre le doigt dans l'engrenage fatal; le doigt pris, tout le reste suit. C’est un jeu dangereux dans lequel beaucoup glissent sans se soucier du lendemain parfois difficile. Nombreux fumeurs d’autres pays lointains qu’il avait consultés à ce sujet ont été formels : aucun d'eux n'a jamais eu d'hallucinations : L'opium est un excitant intellectuel. Il excite l'imagination, en même temps que l'attention ou les facultés perceptives. Il ouvre la conscience d’une manière qu’aucune autre drogue ne promet.
Une sensation que le jeune Terence avait activement recherchée avant de plonger dans un engrenage dangereux. C’était comme sauter dans le vide sans savoir quand sera la chute. Il fallait savoir profiter du voyage et admirer la vue.
D’un geste rapide, Terence se leva, repoussant sa tasse pour en terminer avec son repas. De sa voix douce, il remercia la bonne, vantant une nouvelle fois ses mérites culinaire qui la faisait toujours rougir tel une pimpante pucelle. D’une main aux doigts graciles, il désigna les escaliers et l’étage.
- Venez donc, je vais essayer de vous trouver des vêtements. Vous avez plus de carrure que ma personne, j’espère pouvoir vous avoir ce qu’il faut.
Il glisse sur le sol sans faire de bruit, son peignoir flottant derrière ses jambes. Doigts qui pianotent sur la rambarde de bois polis par les années d’utilisations. Échancrure qui dévoile la netteté de son poitrail, la finesse de ses os d’oiseaux. L’hésitation. Entre la chambre du fond qui lui servait de dressing improvisé. Trop peut de personne pour dormir dans le domaine de l’étrange et comblés les pièces de leurs fonctions initiales. Où aller dans sa propre chambre ou se trouvait les vêtements plus communs. Décision prise d’un battement de cils, du son du souffle de Mr Kessel sur sa nuque.
Pas un regard vers les draps froissés, le lit encore tiède de leurs présences respectives. Juste ouvrir la fenêtre, aérée la pièce pour en retirer les fragrances typique d’une nuit d’ébats. De ses odeurs un peu lourdes, qui vous enivrent quand le soir tombe et que les esprits s’échauffent, mais qui se bloque dans votre gorge quand le moment est passé. Le grincement de son armoire, presque un geste de tendresse alors qu’il pianote dessus, alors qu’il se demande si le parfum de Mr Kessel imprègne encore la couverture.
- J’ai cru voir que votre couleur favorite est le bleue ? Vous pouvez vous servir, prenez ce qui semble vous plaire.
Un regard en coin, un plissement de paupière. Une mèche blonde qui cache à peine le sourire qui s’affiche sur ses lèvres alors qu’il se décale. Quelque part, c'était tendre le bâton pour se faire battre. C'était... Drôle.
plumyts 2016
Stewart Kassel
Âge : 48 Emploi : Diplomate Informations : Vous trouverez ici mes mémoires, et là mon carnet de visite. Pour résumer, j'ai mes racines en Ecosse, le cœur à Londres, et ma curiosité, répartie sur l'intégralité de l'Empire britannique, pour ne pas dire de la Création.
Sujet: Re: Selfish kings of a worthless empire [For TiA] Ven 25 Mai - 14:32
You know and I know I don't know me very well.
« Sweet boy, when they found you out, Tell me what you think they'll do ? »
L'heure bleue.
"Vous êtes marié."
Ce devrait être une question, armée d'une aimable curiosité, et de la patience nécessaire pour entendre tous les détails au sujet de la noble dame évoquée tel un fantôme. Ça ne l'est pas. Juste une déclaration plate et neutre, de celles qui cachent l'éperon d'une sorte de déception, peut-être d'une pointe de jalousie ? Ah, ça non. Ce ne sera pas autorisé. Parfaitement indigne d'eux, cela va sans dire, et puis, pourquoi monsieur ne serait-il pas marié, à son âge et avec son admirable situation sociale ? Non, c'est plutôt de l'étonnement : cette blondeur diaphane dans les bras d'une femme, cela a quelque chose de délicieusement pervers à imaginer, et d'inattendu. Tiens donc... et en plus de tout le reste, vous poussez le vice jusqu'à être marié ; voilà qui excite l'imagination, bien plus sûrement que l'opium...
Les regards se croisent comme deux épées, mais aucun duel ne s'engagera, ce ne sont que passes amicales. Juste de quoi jeter quelques agréables étincelles. Et puis, Terence n'est pas uniquement marié, il exerce aussi une autorité parfaite sur ses animaux de compagnie, sans avoir besoin de hausser la voix. Comme disent les précepteurs avisés, de ceux que madame consulte, et que, très honnêtement, Kassel père considère comme d'odieux pédants dénués d'empathie, à la frontière de l'arracheur de dents : de quoi un tel homme serait-il capable avec des enfants... Mais cette image-là peine à se peindre sur les pensées du diplomate. Eh bien, il faut croire que celle du couple Anathor le passionne un peu trop pour qu'il y substitue d'autres, plus douces, plus saintes aussi.
"Mes chiens sont de vulgaires bêtes à côté des vôtres, je dois bien le reconnaître. A croire que cette demeure est sise sur un nuage, et que tous ses habitants ont quelque chose d'angélique. J'en viens à craindre une chute vertigineuse lorsque je tenterai de mettre un pied dehors."
Et il ne parle pas de l'opium. Au contraire, dans ce domaine il se sent parfaitement dépourvu du moindre scrupule et du moindre remords. La satisfaction d'avoir obtenu son plaisir rêvé s'affiche un peu trop explicitement sur ses traits, tandis qu'il suit docilement Ariane dans le labyrinthe, en quête de ce qui lui rendra la pièce manquante à sa dignité abdiquée : une tenue digne de ce nom. Du moins, il y croit jusqu'à ce qu'il jette son regard sur le choix qui lui est proposé.
Ciel... et Terre, et Damnation. Ce n'est pas un costume, cela. Cela non plus. Où sont les costumes ? Les voici, côte à côte avec... disons un ou deux articles plus légers, quoique dépourvus d'extravagance s'ils se trouvaient dans une autre chambre. Une chambre qu'un mari partagerait avec sa femme. Mais c'est avec lui qu'il l'a partagée, ce qui change tout. Alors quoi, Larkin a-t-il joué le rôle du mari pour ce soir ? Mari fêtard et inconstant, mais certainement dévoué, à sa façon... Un léger rose monte aux joues de l'aristocrate écossais. La scène est piquante, et il doit bien dire qu'elle lui fait circuler le sang ; mais nulle gêne ni nulle colère dans sa réaction, quoique passer lui-même les robes et autres accessoires plus ou moins burlesques ne lui vienne pas à l'idée spontanément.
Il se risque à imaginer, à nouveau. Et cette fois le tableau se dessine de lui-même. Le directeur du musée a-t-il porté l'une de ces choses hier soir, sous la tenue qui a présidé à leur rencontre ? Auquel cas, il espère sincèrement avoir pris le temps de l'admirer avant de la lui retirer. Car c'est une chose qu'il n'aurait confiée à aucune domesticité. Surtout pas dans l'état d'esprit où il était plongé alors... Tay Larkin, contrairement à son alter ego policé, serait tout à fait du genre à s'amuser avec de tels jouets, en particulier dans le cadre d'une chambre bien fermée. Jouer à la poupée avec une grande personne. Tout un programme... Puis, une autre pensée chasse soudain la scène irrésistible, sur divers plans, celui du ravissement enfantin de l'humour comme celui de la joie plus adulte d'avoir exploré quelques fantasmes jusque là inconnus.
"Il faut que je vous dise, j'ai deux petits garçons, Allan et David. Vous savez que l'ami Steerforth surnomme David Copperfield "Daisy", à cause de son caractère "fleur bleue". Je fais la lecture de cette oeuvre à mon cadet pour l'endormir, et il a décidé que ce serait également son surnom."
Il laisse la phrase en suspens ; ses doigts froissent pensivement le tissu bleu de ce qu'il aurait nommé un cotillon, si l'article avait existé pour hommes. Eh bien, deux réalités se conjuguent ici en une seule, sans s'exclure comme elles le font ordinairement : c'est effectivement un cotillon, et il est destiné à être porté par un homme. Soit. Cela signifie qu'il existe quelque part en ville des tailleurs qui conviennent d'accorder ces deux réalités en une même création ; ou que le sire Anathor dispose, par une gracieuseté de la nature dont le petit David ne bénéficiera peut-être pas, d'une conformation physique suffisamment délicate pour se glisser même dans les oripeaux destinés au sexe faible, sans avoir besoin de réclamer des retouches à sa mesure.
L'émotion passe comme elle était venue. Le trouble, tel un songe, s'estompe et se laisse oublier. Larkin est loin, avec ses sautes d'humeur impulsives et ses exclamations à coeur ouvert. L'heure est à la retenue, et à ce profond ridicule mondain qui consiste à réagir à toute chose comme si elle était parfaitement gérable par l'esprit raisonnable et civilisé. Au pire en haussant un sourcil, au mieux en cautionnant d'un sourire.
"Merci pour votre prévenance en tout cas." Pas un mot sur la confiance accordée, c'était une chose entendue. Et il aurait fallu aborder le chapitre des corsets et autres rubans, ce qui paraissait pour l'heure impossible. Il aurait pu arriver n'importe quoi, s'ils s'étaient mis à en parler : cette minuscule collection ne pouvait être le gros du trésor. Le reste était quelque part, et ce quelque part n'était pas un endroit qu'il souhaitait visiter pour le moment, à la fois incertain de ses propres réactions, et parfaitement ravi de se trouver là où il était actuellement. "N'étant pas aussi athlétique que vous avez l'amabilité de le penser, je crois pouvoir m'accorder avec... une partie de votre garde-robe, en choisissant bien." Une lavallière quelque peu gothique à son goût, mais correcte selon les a prioris du sens commun, trouve son chemin entre ses doigts. La broche qui l'émaille d'un éclat perlé le décourage de tenter un tel emprunt : c'est un véritable bijou, il aurait peur de l'endommager. Ce ne serait jamais pardonnable. "Souhaitez-vous que je me retire derrière quelque paravent, afin de ne point offenser vos regards ?"
Il avait réussi à se maintenir sur le fil jusque là, mais sur sa dernière phrase, Kassel l'avait franchi ; il avait basculé dans une attitude de galanterie compassée qui caractérisait clairement son interlocuteur comme une créature féminine. Difficile de résister à cet instinct, lui dont l'éducation le prédisposait à dispenser de tels signes à travers son discours en toutes circonstances, dans la mesure où c'était non seulement attendu, mais flatteur pour la personne concernée. En l'occurrence il n'en était pas certain. Il évoluait, à pas de loup, dans un autre monde. Les politesses du dehors pouvaient être conçues comme des offenses ici, et vice versa. Tant de craintes sous le voile d'une simple courtoisie... crainte de déplaire, crainte de déranger ; crainte de n'être pas exactement ce qu'il était censé être, de par son statut mais aussi de par sa volonté de conserver cette étrange amitié naissante, dont il ne connaissait pour l'heure que son propre versant. Il lui arrivait de songer que l'Empire Britannique tout entier, avec sa rigueur et sa perfection, n'était bâti que sur des craintes.
Sujet: Re: Selfish kings of a worthless empire [For TiA] Jeu 1 Nov - 17:10
There are manners to be kept for yourself
«Where were you ? Between the smoke and the smile »
L'heure critique.
-C’est juste que je les aime.
Un murmure. Presque un soupir alors qu’il se détourne brièvement de Mr Stewart. Il réajuste les pans de ce peignoir trop fluide qui lui caresse la peau alors que les paroles de son hôte remontent lentement le fil de ses pensées. Il préfère ne pas regarder cet homme toucher du bout de ses longs doigts bien trop habile ses rubans, ses costumes les plus neutres. Imaginer que peut-être son odeur imprégnerais les nobles tissus le rendait bien trop fébrile pour son cœur trop gros.
Ses chiens lui étaient précieux. Bien plus que la plupart des autres propriétaires d’animaux. Ils étaient… Ses compagnons de jour et de nuit. Ceux qui l’accueillaient à la maison à toute heure, lui donnaient l’amour qu’il avait tendance à trop quémander. Ils étaient une source de joie constante. Et ils devaient être représentatifs de la maison où il logeait. Son nom serait sali si ses invités se faisaient accueillir par des chiens se roulant dans la boue et sautant sur les genoux des belles-dames s’épouvantant de leurs précieux jupons définitivement abîmé. Non, il ne pouvait se le permettre, lui qui n’a pas de superbe chiens de race, dont les lignées sont soigneusement choisies. Ses bâtards des rues devaient savoir se tenir comme le plus classieux des chiens de salons.
Certains diraient que c’est là une métaphore bien semblable à la vie de Noble. De quoi faire rougir des visages et hurler les bonnes-gens.
Anathor ne pouvait se permettre que des personnes mal attentionnée s’attaque à ses dogues, qu’une mauvaise action d’un esprit trop joueur le fasse terminer dans un fossé. L’amour qu’il portait à ses bêtes était bien trop fort.
Un papillonnement de cil. Alors que Stewart mentionne l’existence de ses deux enfants. Il sourit en imaginant cet homme père de deux gamins, les bordants le soir, embrassant sa femme une fois au lit. Imaginer un tel homme dans toutes les situations avait de quoi raviver les moindre fantasmes.
- Daisy n’est pas le surnom le plus facile à porter. Mais je comprends votre cadet. Copperfield et son point de vue infantile qui donne au tout quelque chose de plus…. Dur.
Un léger rire.
- J’ai le souvenir d’avoir croisé votre fils Allan, au délicieux salon littéraire de mon amie Ambrosine Bellamy. Il y a un esprit bien vif pour son âge, et un… Bagou pour le moins surprenant. Je me demande ce qu’il deviendra quand il sera en âge de tenir un salon avec les bonne-gens de cette formidable Londres.
Tant de velours dans ses paroles. Doigts graciles qui effleurent ses lèvres pour retenir le sourire qui désire le trahir bien trop tôt. Le jour ou Allan deviendra un homme, il est certains que ses actions seront retentissante. A voir s’il avait le maintient de son père.
En douceur, Anathor vint s’asseoir sur le bord de son lit, prenant soin de retenir les pans de peignoir pour ne pas qu’il découvre trop de peaux. Un peu de pudeur dans cet assemblage des plus fragile n’était pas de refus. Un mouvement dédaigneux de la main, un haussement de sourcil intrigué.
- Allons allons. Il est tout à fait normal d’aider un compatriote dans une sale affaire. Non mon cher ami, ne me remercier pas pour cela.
Un mouvement pour croiser ses longues jambes graciles ou l’absence de pilosité se faisait ressentir alors que la douceur du tissu glisse dans une accroche. Finesse d’une cheville toute féminine alors qu’un menton se pose dans le creux d’une paume.
- Mes regards ne se perdront pas Mr Kassel, et ils ont en vue d’autres. Je vous pris, mettez vous à votre aise. A moins que ma vision ne vous dérange et trouble votre pudeur ?
Lui-même avait franchi une barrière invisible. Du double jeu, entre éloquence et galanterie, entre serviabilité et amusement. Le sourire se fit plus rapide que lui, bien plus vif qu’un simple mouvement du menton pour dissimuler l’air rieur de son regard. Pourtant, ce n’était plus le temps de lancer les dés et de savoir qui allé perdre au pari. Le jour s’était levé et bien des choses se devait d’être faîte comme tout bon Citoyens de Londres se devaient d’exercer.
Une pression sur ses cuisses et le voilà debout, tournant le dos à Stewart, s’en allant déjà vers une autre chambre d’un pas rapide. Un bref mot du bout des lèvres en tournant à peine le visage vers son hôte. Si l’attitude n’était pas offensante, elle n’en démontrait pas moins un agacement notable.
- Je vais me changer. Je n’en ai pas pour longtemps Mr Kassel. Prenez votre temps.
Un couloir, une autre porte ouverte. Un long dressing à faire pâlir la Reine. Négligemment, il fait tourner les vestes et gilets avant de venir choisir sa tenue du jour. Un pantalon ample, un gilet élégamment brodé, mais au bouton sobre pour ne pas surélever son statut social, une cravate portée en foulard. Une veste à grandes basques et un haut-de-forme vinrent s’ajouter après les souliers en cuirs, vernis. Pendant un instant, il se regarde dans le miroir, dénué de poudre et de carmin, dénué de paillette et de traits noirs sur les yeux. Habillé principalement de sombre, le gilet pourtant, s’accordait à ses yeux pâlots. Stricte et élégant.
Un bien piètre amusement au quotidien.
Un mince soupire alors qu’il se détourne de son reflet, qu’il réajuste rapidement sa longue chevelure sur une épaule. Il enfilé ses gants blancs alors qu’il rentre dans la précédente pièce ou l’attendait Mr Kassel entièrement vêtue. Le doux spectacle raté l’agaçait, mais le voir ainsi vêtu de ses habits avait de quoi le ravir et lui coloré les joues d’un rose délicat.
- Cela vous va à merveille Monsieur. Je suis enchanté de constater que ma penderie vous convient.
Il s’approche, transgresse cet espace personnel, cette petite bulle invisible qui était le bien-être de chacun pour venir réajuster la lavallière, la resserrer tout en délicatesse avec ce plaisir d’imaginer tant de scènes perverties à en donner des frissons aux plus chastes. Aplanir le tissu du bout de ses doigts gantés avant de prendre le recul et d’admirer le résultat d’un œil brillant.
- Vraiment parfait.
Un compliment pouvant s'exprimer devant le choix des vêtements choisis autant que sur l'apparence générale de l'homme face à lui. Toujours un double jeu. Un grand sourire, un mouvement vers la porte resté grande ouverte. On pouvait entendre les aboiements des chiens en contre bas et le bruit de vaisselle.
- Puis-je vous accompagner jusqu’à l’entrée ?
plumyts 2016
Stewart Kassel
Âge : 48 Emploi : Diplomate Informations : Vous trouverez ici mes mémoires, et là mon carnet de visite. Pour résumer, j'ai mes racines en Ecosse, le cœur à Londres, et ma curiosité, répartie sur l'intégralité de l'Empire britannique, pour ne pas dire de la Création.
Sujet: Re: Selfish kings of a worthless empire [For TiA] Lun 5 Nov - 19:56
Gentlemen in England now-a-bed
« Self-love, my liege, is not so vile a sin as self-neglecting. »
L'heure des adieux ?
Allan, cet enfant qui se prenait déjà pour un homme et qui lui volait si aisément la vedette – que son père lui laissait bien volontiers, diplomate jusque dans la tenue de sa maisonnée. Ce doux semi orphelin qui avait observé longtemps un mutisme pieux, réfléchissant sur le sens de la vie et de la mort, avant de soudain fleurir en un petit monstre d'éloquence et de bel esprit qui éclipsait tout alentour. Non pas que sa taille soit haute ou sa stature imposante pour son âge. Il était dans la moyenne, tout bonnement, ce dont ses parents pouvaient déjà se féliciter. Non pas qu'il soit exceptionnellement vif ou gracieux. Mais, oui, il semblait déterminé à faire quelque chose de son passage en ce monde. Préoccupation bien grave pour un si neuf esprit. C'était touchant de se dire que le bel Anathor avait remarqué cela ; et qu'une telle analyse apparaissait sur ses lèvres, à la mention du surnom choisi par le plus jeune.
Pendant quelques secondes, une brume étrange passa dans l'âme de son visiteur nocturne. Une vision imprécise mais bien trop plaisante pour être honnête. Une rencontre entre cette créature irréelle et ses rejetons. Il aurait dû s'en vouloir d'une pareille pensée ; mais il y avait bien longtemps que son système moral ne fonctionnait plus ainsi. Il l'avait eue, voilà la seule chose qui l'intéressait. Il la rangea bien soigneusement, se promit d'y revenir consciencieusement à tête reposée, et revint à leur échange avec l'humour sainte-nitouche qui caractérisait son rôle de journée.
"Quand Allan sera grandi... Je serai devenu un vieux monsieur ennuyeux, alors, un vieux hibou grisonnant au verbe aigri, et je lui dirai : garde-toi des belles dames, mon fils, elles n'apportent que des désagréments. Ne parlons pas de ce temps qui est, par chance, encore très loin."
Leurs silhouettes se séparèrent, reprirent forme présentable, et il n'y eut bientôt plus trace de leur escapade à deux. Que c'était donc bourgeois de se prêter ainsi à la comédie ambiante, sans une once de rébellion. Stewart aurait presque voulu être plus jeune et plus incontrôlable. Supplier son hôte de le raccompagner... tisser quelque conte invraisemblable en route... le présenter à sa femme, et lui raconter ce conte à deux voix. Délicieusement vil et absolument affreux, mais il aurait été tellement fier de cette conclusion parfaite à leur petit bijou de nuit inconsciente ! En termes de libertinage, il avait son âme d'artiste lui aussi, à sa façon.
Il se laissait flotter dans le regret sensuel de ces visions paradisiaques que chaque mouvement, chaque frôlement du blond aux yeux de femme lui faisaient miroiter. Il en soupirait presque, sans savoir si c'était de chagrin ou de langueur. Son corps lui manquait déjà, comme une liqueur intense, ou était-ce l'opium qui le rappelait entre ses bras, à peine son système en avait-il chassé les volutes pernicieuses et repris sa pleine conscience ? Il en rêvait encore lorsque son hôte réapparut, et éprouva un pincement au coeur à le voir si dissimulé. L'heure du rhabillage, quelle que soit la compagnie, était toujours une heure pénible, de renoncement et de déploration. Cela dit, Anathor était charmant comme toujours, et avait fait ses choix avec un goût parfait. On sentait juste qu'il n'y avait pas pris immensément plaisir.
"Vous êtes tout à fait joli. Trouvez-vous vite un prince, ou je vous enlève."
En riant, il tourna autour du jeune homme en l'observant de ses yeux brillants, lui tendit la main et le fit virevolter comme en un début de valse qu'ils n'étaient pas libres de terminer. Par un hasard somme toute pas si surprenant, ils se retrouvèrent face à face et Terence recula dans un petit salut trop sage. Il se savait un peu ridicule et probablement désarmant ainsi, et il se vengeait ; que son nouvel ami ait quelque chose à regretter, lui aussi. Ce rire, ces doigts gracieux, ces mèches pâles et vaporeuses, cette cheville gracile, cette démarche, ces yeux d'aigue-marine... tout resterait gravé et il tenait à blesser lui aussi l'adversaire de quelques rêveries rétrospectives. A moins que la nuit ne lui ait donné précisément cela ? Il n'en savait rien, et il faisait comme si rien n'était arrivé. L'occasion d'une mesquinerie n'était jamais manquée pour un diplomate britannique.
"Je vais être tout à fait honnête pendant quelques instants encore : cela me brise le coeur de m'en aller ainsi, sans attacher un quelconque fil doré à votre poignet. Il vous irait si bien... Que diriez-nous de nous fixer rendez-vous pour des retrouvailles ? Je vous laisse le choix du costume sous lequel vous souhaitez me recevoir... et me voir, bien sûr. Nous avons tous deux plusieurs cordes à nos arcs..."
Honneur aux dames ? Il avait envie de le traiter en dame. A qui cela faisait-il du mal ? Et puis, il avait le souvenir qu'Allan lui avait parlé un jour d'"une dame qui se déguisait en monsieur pour participer aux salons, comme c'est romantique." Etrangement, lui qui était si sévère avec le comportement délicat de son petit frère n'avait aucun souci avec la transformation inverse ; bien au contraire, elle semblait l'émoustiller. Puis il avait cessé soudain d'en parler, et chaque fois son père lui avait fait des allusions à cette intéressante personne, le petit avait détourné la conversation, l'air plus hostile et strict que le grand-père militaire. Ah, Stewart tenait peut-être l'explication.
Sujet: Re: Selfish kings of a worthless empire [For TiA] Jeu 18 Avr - 16:54
Waiting can be a pleasure
« -There is so much that I hide. -Why ? -Because there are things not to say but to understand»
L'heure du aurevoir.
« Oh, enlève moi de ce monde d’ombre trop présente pour me présenter les merveilles de l’univers, mon beau Prince. Vole ma liberté pour m’obliger à goûter les plaisirs de ce monde, à regarder en face ce qui fait détourner les visages et les yeux. Fait moi voir les étincelles de la vie comme autant d’étoiles enchanteresses qui resteront graver dans ma mémoire en des bulles joyeuses. Emmène-moi sur ton beau cheval blanc, mon prince, pour que ma tête repose sur ta poitrine et que tu m’emmènes vers d’autres contrées. »
Un rêveur invétéré qu’était le directeur du musée, ou il exposait aux yeux de tout le monde ces quêtes et ses aventures ainsi que la vision de son monde bien trop coloré pour la populace étroite d’esprit. Un feu follet qui jamais ne cesser de divaguer, cherchant tout ce qui pourrait satisfaire sa curiosité. Un excentrique, l’extravagant, l’original. Celui qui défié les « on-dit » avec un sourire et des yeux tendres. Bien des comptes enchanteurs lui avaient fait parcourir des pays imaginaires, la magie pleins les prunelles à imaginer qu’il était à la place de cette belle donzelle arracher à son quotidien pour une formidable histoire qui finissait souvent « et il vécurent heureux ». Il aurait aimé que son histoire, que sa biographie commence par « Il était une fois. »
Presque un prédateur alors qu’il tourne autour de lui ce cher Mr Kassel, sa silhouette se glissant en silence autour de lui, échappant à son regard ourlet de longs cils blonds. Une inspiration longue et silencieuse alors que le long frisson le crispe légèrement alors qu’il sent le courant d’air chatouiller sa peau. Mille images éclatent dans son esprit en un feu d’artifice qui exalte ses sens. Une main se tend, qu’il n’hésite pas une seconde à attraper, glissant ses longs doigts graciles dans le creux de paume délicieusement chauffé. Un tourbillon alors que le temps semble ralentit, qu’un sourire ravi transparaisse, alors qu’Anathor semble soudainement heureux de ce moment volé. Un pas de danse bien trop court, le temps d’un battement d’aile de papillons et déjà c’était terminé. En face de cet homme qui venait de subitement lui couper le souffle.
Narines frémissantes alors qu’il réarrange sa chevelure d’une main douce et tremblante, rejetant ses cheveux fins en arrière cachant aux yeux de monde ce moment interdit. Tirer sur son veston alors qu’il répond au salut d’un mouvement de tête. Oh, cet homme allé le regretter. D’une vengeance douce amer alors qu’il lui avait fit miroiter quelque chose de trop beau pour ne pas le marquer. Très bien. Mr Kassel semblait vouloir se lancer dans le jeu en connaissant parfaitement les règles. Le chat et la souris. A savoir qui était le petit rongeur.
- Mais nous ne quittons pas Mr Kassel. Du moins, ce n’est pas un adieu, mais un au revoir.
Un sourire, qui se voulait délicat, comme une fleur à peine éclot. C’était tendre étrangement, presque une caresse dans ce regard pâle comme s’il était triste et heureux à la fois. Pourtant, son cœur se serre. Ce principe d’honnêteté bafoué, caché aux yeux de tous en des paroles mielleuses et des façades parfaitement travaillé. Cela le dérangeait en cet instant, même s’il n’en comprenait pas la raison. La vie était ainsi faite, de simagrées et d’un jeu d’acteur à celui qui duperait le mieux son monde pour avoir un semblant de contrôle de sa vie. Un masque que l’on ne retirait que rarement. C’était magnifiquement triste, à s’amuser à essayer de percevoir le vrai visage derrière les maquillages et à se dire qu’on ne connaît vraiment personne. Mais il ne voulait pas cela avec Stewart… Ou Tay. Il y avait un lien, bien que tenue dans les brumes de l’alcool et de l’Opium, mais depuis bien longtemps il n’avait pas eu présence aussi plaisante à ses côtés qui lui fait palpiter le cœur ainsi sans raison apparente et émoustilles ses sens et son intellect. Mr Kassel était pétillant et vivant.
Rien de plus alors qu’il sort de la chambre en silence en souriant devant l’hésitation, descend les escaliers avec lenteur, sa main ganté glissant sur la rambarde en bois aux côtés de son hôte. C’était délicieux cet entre-deux, cette hésitation presque épicée entre ce que voyait Mr Kassel et ce qu’il disait jamais recouverte de déni ou de méchanceté. Une tension ouatée balayé d’un battement de cils comme poussière au vent alors que négligemment Anathor pendit son bras au sien, aussi léger qu’une plume, le regard brillant.
- Vous savez où je travaille, Mr Kassel, et désormais ou j’habite. Mais moi, je n’en sais pas autant sur vous.
Un moyen de se faire désirer, tout en étant agréable. Feras-tu le premier pas ? Je te lance l’invitation. Les pas résonnent dans le grand hall, les griffes des chiens cliquetant sur le sol patiné par les années alors qu’ils se dirigent vers l’arrière de la bâtisse.
- Je connais un cabaret tout à fait charmant à Whitechapel. Parfais pour certaines soirées.
Un sourire taquin alors qu’il s’arrête devant la double porte qui laisse filtrer les sons des rues, si tapageuse, si matinale. Un visage qui se penche vers lui, comme pour l’embrasser, alors que ses lèvres s’entrouvrent et que le regard se fait languide. Joue qu’il effleure en changeant de cap à la dernière seconde, approchant son souffle chaud de l’oreille ou il chuchote doucement.
- Honneur à vous, Darling. Parce que les fils me vont si bien, parce que le monde… Tourne.
Un baisé délicat sur cette joue ou une barbe de trois jours lui picota les lèvres. Ou il inspire pour imprégner une dernière fois ses sinus du parfum subtil de la peau. Puis il recule, ne croise pas ce regard sombre pour se jeter dans la gueule béante de Londres si avide chaque jour. Une autre carte du jeu mise sur la table.
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Sujet: Re: Selfish kings of a worthless empire [For TiA]
Selfish kings of a worthless empire [For TiA]
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