What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.]



 
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MessageSujet: What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] Icon_minitimeJeu 19 Juil - 22:32



What death can join together

« Souviens-toi du jour »

Cimetière de Highgate, 1891

Une larme solitaire, comme une perle de rosée, glissa le long de sa joue et continua sa route jusqu'au bouquet de fleurs que la jeune femme déposait sur une tombe d’enfant. Les premiers rayons du soleil, dans le silence du matin, réchauffaient avec peine ses doigts engourdis. Encore une fois, elle avait oublié ses gants… Ou peut-être les avait-elle perdu, elle ne se souvenait plus. À vrai dire, elle n’était plus sûre de rien. Ces dernières années avaient été éprouvantes, elle n’avait eu de cesse de courir après des réponses et des fantômes, des silhouettes qui s'effacent dans la lumière du jour. Et comme le jour laisse place à la nuit, tout la ramenait ici. Au cimetière de Highgate. Cet endroit n'avait communément rien d'accueillant. Pourtant, Hestia y trouvait un sentiment de paix et de réconfort. Elle revoyait dans le reflet du marbre la personne qu'elle avait été, tandis qu'au-delà de la grille rouillée et grinçante, elle se sentait suffoquer. Par ses pairs, sa famille... et elle-même, tout simplement. Elle ne se reconnaissait plus. À présent que le souvenir de ses amours était devenu lointain, la jeune femme parvenait tout juste à esquisser un semblant de sourire, un vestige du passé enfoui sous les ruines d'un bonheur disparu.

Pourtant, Hestia St-Clair avait été de ces personnalités dont on manque cruellement. Fraîche comme un matin de printemps, douce comme la caresse de l’être aimé et toujours prête à accorder un peu de son temps. Elle n’était pas particulièrement belle, ignorait beaucoup des choses de ce monde, mais elle avait cet air rassurant et ces yeux brillants de curiosité. Elle avait trop vu du monde pour se contenter de la surface de cette Londres dont elle se sentait toujours un peu étrangère. Malgré tout, un talent certain pour les arts lui avait ouvert bien des portes, et sa présence était ainsi tout à fait appréciée. Bien souvent, on la voyait se promener dans les jardins publics ou au musée avec sa fille. Cette dernière ressemblait à sa mère, tout en possédant ce que seule la jeunesse pouvait apporter. La charmante enfant avait des yeux clairs et rieurs, le sourire facile. Elle dansait sous le soleil. Sa vie commençait à peine. Elle s'appelait Helen, elle n'avait pas dix ans. Ils étaient une famille très discrète, certes, mais dont la timide réputation n’avait rien à cacher. Du moins, Hestia le croyait… À quel moment les choses avaient-elles changé ? Elle n’avait rien vu venir.

Pensive, Hestia semblait telle une apparition éphémère parmi les tombes. Sa peau était trop pâle, et son souffle trop court. Ses cheveux blonds retombaient en de naturelles boucles qu’elle ne se fatiguait plus à essayer de dompter. Ses yeux gris, ornés d’un halo pourpre, étaient dirigés vers le ciel, comme une supplique silencieuse envers un Dieu en lequel elle ne croit pas, et rencontraient la lumière du matin. Un vent léger faisait flotter les pans de sa robe sombre. Cela faisait trois ans qu’elle portait le deuil, et elle avait l’impression d'en avoir cent… Hestia se perdait de nouveau dans ses tristes réflexions, quand un mouvement sur sa gauche attira son attention. Elle sourit faiblement. Il lui restait encore un peu d'espoir, après tout. Même si son quotidien était devenu un paysage en noir et blanc, elle était toujours un peu surprise de voir des petites touches de couleur disséminées ici et là. Ces petits moments où l’on ne pense plus au passé. Ces personnes que l’on croise parfois au détour d’un  chemin. Qui font partie de notre vie l’air de rien. Son visage se teinta d’une faible mais réelle joie. Si Hestia ne supportait plus l’envahissante bienveillance de ses proches, elle appréciait toujours la compagnie d’un cerveau bien fait.

— Bonjour, monsieur Wright…
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Tobias Wright
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MessageSujet: Re: What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] Icon_minitimeVen 20 Juil - 1:11



La vie de Tobias avait beaucoup changé ces deux dernières années. Il n’oubliait pas pour autant Rose-Ann, ses cheveux noirs comme l’ébène, son sourire étincelant et bienveillant, la douceur de ses mains et la sincérité dans son regard. Tobias savait que malgré son jeune âge, il aurait pu l’aimer et la rendre heureuse, comme elle le méritait. Si le destin en avait décidé autrement, il estimait toute fois que la plus belle femme qui avait croisé sa route méritait une tombe fleurie.

Ce jour là, Tobias avait été mobilisé dans un quartier où il ne travaillait jamais ; celui de Westminster. C'était donc là qu'il avait acheté des fleurs. Ce quartier grouillait de gens bien habillés, portant des chapeaux plus haut que leur tête et marchant avec des cannes dont ils n’avaient pas besoin mais qui leur conférait une démarche plus distinguée encore, pour ne pas dire snob. Enfant, Tobias se souvenait de l’accueil que lui avait réservé le quartier de Westminster, un jour où il avait décidé de trainer dans Hyde Park avec un garçon qui, comme lui, ne venait pas d’un milieu très aisé. Un policier les avait menacés avec une matraque  pour avoir tout simplement bousculé un de ces vieux hommes snob en courant innocemment. Aujourd’hui, Tobias était de l’autre côté du miroir…Et il n’entendait certainement pas traiter les jeunes enfants démunis qui cherchaient juste à s’amuser comme d’affreux délinquants indésirables.

Pendant son service, Tobias avait justement pensé à Hestia St Clair, qui faisait partie de ce monde bourgeois. Il avait rencontré cette élégante dame dans des circonstances un peu triste…En effet, c’était la perte d’un être cher et des considérations un peu pessimistes sur la vie qui les avaient rapprochés, alors qu’ils s’étaient croisés au cimetière. Hestia avait été surprise d’entendre un jeune ouvrier comme Tobias citer mot par mot un écrivain de leur siècle. Passionnée de littérature, cette femme endeuillée avait donc parfois prêté des ouvrages à Tobias, lui laissant le temps de les lire à son aise, sans le presser en les réclamants. Cela avait permis à Tobias de penser à d’autres choses, le soir. De s’instruire, de réfléchir sur la vie. Mais surtout, de s’évader un peu, autrement que grâce à l’alcool, boisson dont il avait l’habitude depuis son plus jeune âge étant donné le milieu dans lequel il avait grandi.
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La tombe de Rose-Ann était proche de celle de la fille d’Hestia. Tobias n’avait pas encore revu cette dame qui lui était chère depuis son ascension au poste de policier, il y avait quelques mois de cela. En la voyant se recueillir devant la tombe de sa bien aimée disparue, Tobias pensa que le hasard faisait bien les choses. Il pensait justement à elle plus tôt dans la journée et voilà qu’il se croisait. Il était heureux de la revoir, et comme il portait son uniforme et son insigne, se demanda ce qu’elle penserait de le voir ainsi. Cet uniforme lui avait déjà fait ressentir de la honte, car il ne voulait pas être associé aux violences policières à l’encontre la classe la plus opprimée dont il avait fait partie. Il savait que certains le regardaient comme un traître. Mais en s’approchant d’Hestia vêtu ainsi, il ressentit une forme inexpliquée de fierté.

Dans les mauvais jours, elle l’avait déjà vu revenant de l’usine, une odeur de transpiration collée à la peau, tenant un bouquet de fleurs cueillies dans un parc car il n’avait pas eu suffisamment d’argent pour en acheter chez un fleuriste. Aujourd’hui, propre et bien rasé, il portait un bouquet magnifique et un uniforme impeccablement repassé. Sentant sa présence, elle se retourna et le salua. Il lui sourit.

- Je suis content de vous revoir, madame St-Clair. Cela faisait un moment que nous ne nous étions plus croisés…


Oui, et des choses avaient changés. La transpiration en moins, l’insigne en plus, Tobias se baissa pour déposer les fleurs devant la tombe de Rose-Ann. Il retira sa casquette, les disposa soigneusement et se leva ensuite pour observer le résultat avec du recul. Qu’il aurait aimé pouvoir la surprendre avec des fleurs de son vivant… Il regarda ensuite Hestia.

- Vous allez bien ?, demanda-t-il. Ce n’était pas une formule de politesse. La réponse l’intéressait vraiment, quelle qu’elle soit.

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MessageSujet: Re: What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] Icon_minitimeVen 27 Juil - 23:35



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« Souviens-toi du jour »

Cimetière de Highgate, 1891

Elle n’y avait tout d’abord pas fait attention, mais tandis qu'il déposait un bouquet de fleurs sur la tombe de sa demoiselle de cœur – un très joli bouquet, nota-t-elle –, Hestia eut tout le temps de constater certains changements chez le jeune homme, et pas des moindres. D’un adolescent sans allure, il était devenu un bien bel homme, et tout cela en l'espace de quelques semaines. Bien sûr, un ou deux détails trahissaient ses origines, détails qu’elle s’empressa de corriger. D’un seul mouvement, elle se releva avec grâce et lissa les pans de sa robe, puis elle arrangea le col du tout juste promu comme une mère l’aurait fait avant que ses enfants ne partent à l'école. Après quoi, elle recula de quelques pas, l’ombre d’un sourire au coin des lèvres. Elle ne devait rien à Tobias, et réciproquement… Hestia Saint-Clair souriait parce qu'elle était réellement contente de voir le jeune homme, mais aussi parce qu’elle se sentait stupide de s’attacher à un enfant qui n’était pas le sien. Et il n'était qu’un parmi tant d'autres. Oui, ses salons n’était qu’une façon de reporter une tendresse maternelle, elle le savait… Et elle se demandait parfois si tout cela était-il vraiment sain ?

— Si je ne vous connaissais pas un peu, je ne vous aurais pas reconnu. Toutes mes félicitations… Vous le méritez.

Elle le pensait sincèrement. Après toutes les épreuves endurées, ce n’était que juste retour des choses. La veuve était certaine qu'il prendrait son travail au sérieux, sans toutefois abuser de ses droits nouveaux. Tobias était un garçon droit et courtois, et surtout il avait trop souffert de gens faisant de la sorte, elle le savait, il ne ferait pas l'erreur de reproduire leur comportement… Comme la vie pouvait être étrange, se dit-elle. Que des personnes vivant dans la misère soient récompensées de leur labeur n’était pas insensé, au contraire, mais que d’autres nés dans l'argenterie semblent être punis de posséder des privilèges acquis par leur simple généalogie lui paraissait incongru. Il y avait certes un semblant de justice en cet état de choses, mais elle ne pouvait s'empêcher de penser qu’en supposant l’existence d’un Dieu en ce monde – ce dont elle n’avait pas de preuve –, ce dernier avait de drôles d'idées. Elle eu une pensée amusée pour sa mère qui aurait crié au blasphème. Bien sûr, elle était allée à l’église étant enfant, mais seulement parce qu’elle y était obligée et qu’elle ne voulait pas faire de vague. Se plier à la conformité est parfois une nécessité, on le sait bien.

— Et pour répondre à votre question, je… Je dirais que je vais mieux, beaucoup mieux. Je vous remercie de vous en soucier.

Elle ne pouvait pas prétendre « aller bien », ç’aurait été mentir. Mais d’un autre côté, elle ne voulait pas non plus avoir l’air de se plaindre, elle n’avait pas été éduquée ainsi. Aussi charmante soit-elle, Hestia possédait une certaine fierté et un fort sens des convenances. Si elle devait enseigner une chose, c’était bien de savoir rester digne, en toute occasion et peu importe les amitiés. Il était hors de question qu’elle s’abaisse à conter ses malheurs et à paraître misérable – ou même sans aller jusque-là, à engendrer un sentiment de pitié à son encontre. Elle s’était évertuée à rentrer dans le rôle de fille exemplaire, puis d’épouse docile et enfin de veuve à la réputation immaculée, mais cela ne signifiait pas qu’elle ne pensait pas par elle-même et avec un tant soit peu d’intelligence. Sans être une meneuse à la poigne de fer, cette femme de lettres et artiste avait ce petit quelque chose, cette petite étincelle et ce timbre de voix qui faisaient qu’on l’écoutait volontiers et avec attention. Sans cri, ni démonstration de force. Elle est là pour ceux qui le souhaite, mais jamais elle ne s’impose, jamais elle n’estime valoir plus qu’un autre. Et on l’écoute religieusement.

— Et vous, une promotion est une chose, être heureux en est une autre. Comment allez-vous ?
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MessageSujet: Re: What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] Icon_minitimeDim 29 Juil - 16:07



-Si je ne vous connaissais pas un peu, je ne vous aurais pas reconnu. Toutes mes félicitations… Vous le méritez.

Tobias esquissa un sourire. Le mérite n’avait pas grand-chose à faire là dedans. On ne l’aurait jamais engagé dans la police londonienne, lui, orphelin de la classe ouvrière, s’il n’avait pas été en mesure de livrer son ancien tuteur à la potence. En faisant cela, il avait d’une certaine manière vengé la mort de Rose-Ann.  L’uniforme qu’il portait n’avait pas pour autant modifié son origine social et le regard de ses nouveaux collèges sur lui. Les bourgeois et les nobles ne devaient pas prouver constamment leur valeur et leur mérite, elle leur était déjà acquise. Quant à lui, il ne cesserait jamais de devoir prouver qu’il méritait d’occuper son poste et se ferait infligé les plus dures sanctions à la moindre erreur. Il le savait. Le monde allait ainsi.

— Et pour répondre à votre question, je… Je dirais que je vais mieux, beaucoup mieux. Je vous remercie de vous en soucier.

- Je suis content d’entendre que les choses s’améliorent, répondit poliment Tobias.

Tobias savait qu’il y avait une différence entre aller mieux et aller bien. Pouvait-il lui-même dire qu’il allait bien ? Chaque soir, il redoutait de ne pas pouvoir s’endormir et d’être coincé dans cet état de transition entre l’éveil et le sommeil s’il ne cédait pas à la tentation de l’alcool. Quant à la journée, il exécutait son travail avec une certaine impression de trahison envers le milieu duquel il provenait. Tous les criminels n’étaient pas des monstres. Il tâchait d’être le flic le plus humain qui soit, mais les lois n’étaient pas toujours très humaines, et il avait malheureusement l’obligation de les faire respecter. Il avait plus d’argent certes et cela aurait pleinement satisfait de nombreux ouvriers de pouvoir manger à leur vivre et ne pas être constamment sur le qui-vive. Mais, qu’était la vie sans but ? Pouvait on vraiment dire être heureux quand notre existence n’avait pas encore trouvé de sens particulier ? Trop penser n’était pas bon pour le moral. Mais les insomnies avaient contribué à déclencher cette mauvaise habitude chez Tobias.

— Et vous, une promotion est une chose, être heureux en est une autre. Comment allez-vous ?

Plus qu'une promotion, c'était un véritable changement d'univers que de passer d'ouvrier de manufacture à agent de police. Hestia avait sans doute choisi ce terme par politesse.

- Bien. J’ai terminé un roman très intéressant pendant ma pause déjeuner aujourd’hui.

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Un policier plus haut gradé et mieux né que lui l’avait d’ailleurs taquiné à ce sujet. « Tu essaies de rattraper l’éducation que tu n’as pas eu, Wright ? Belle initiative ! » Tobias n’avait pas répondu.

Plusieurs mois auparavant, quand il avait recommencé à travailler dans une usine, comme lorsqu’il était enfant, à des horaires cependant plus difficiles et à des tâches plus ingrates et physiques, il n’avait que l’alcool pour oublier sa douleur et lutter contre les insomnies. Les livres étaient chers, il n’avait pas suffisamment d’argent pour s’en acheter. Parfois, il faisait une bonne affaire, quand les pages étaient abimées et la couverture déchirée. Les gens avaient parfois si peu de respect pour les livres. Il se souvenait qu’à l’époque, Hestia lui avait prêté des ouvrages. Cela avait permis à Tobias de penser à d’autres choses, le soir. De s’instruire, de réfléchir sur la vie. Mais surtout, de s’évader un peu. Autrement que grâce à l’alcool, boisson dont il avait l’habitude depuis son plus jeune âge.

Tobias sortir le livre de la poche intérieure de sa veste. Il était content d’avoir pu s’acheter ce livre qu’il avait beaucoup apprécié. Il était persuadé que celui-ci plairait aussi à Hestia. Le recueil de nouvelles s’intitulait « Au Champs ». C’était l’œuvre d’un auteur français, Guy de Maupassant. Son ouvrage avait été traduit en anglais l’année suivant sa première édition. Tobias s’était renseigné sur cet auteur, avant de l’acheter. Le libraire lui avait dit que Monsieur de Maupassant, un homme solitaire et  critique sur la société, était très malade, physiquement et surtout mentalement. Quelqu’un qui écrit de la sorte a forcément connu la souffrance psychique, avait pensé Tobias en lisant cet ouvrage. Sinon comment pourrait-il se rendre compte de la réalité de la société ?

La première nouvelle, "Au champs" était une histoire qui poussait à une certaine réflexion sur la société. Il racontait l’histoire de deux familles pauvres de paysans français, très liées l’une à l’autre. Une de ses familles refusait catégoriquement l’offre d’un riche couple sans enfant, se proposant pour adopter leur dernier né, lui offrant un avenir à l’abri du besoin. L’autre famille, elle, acceptait l’offre de ce couple. L’un des enfants grandit donc dans l’opulence tandis que l’autre resta paysan. Tobias, venant lui-même d’une classe sociale qu’Hestia ne devait pas avoir l’habitude de fréquenter, avait pensé que ce roman plairait à Hestia. La reliure du livre était intacte et les lettres toujours bien dorées. Il avait déjà appartenu à une première personne avant lui, mais elle semblait en avoir pris bien soin.

- Connaissez vous monsieur Guy de Maupassant, l'écrivain français ?, demanda Tobias. La réponse devait forcément être oui, étant donné l’amour pour la culture que nourrissait madame St-Clair. Si vous n’avez pas déjà lu ce livre, je crois qu’il devrait vous plaire, dit-il en lui tendant l’ouvrage, pour lui laisser lire le titre par elle-même.
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MessageSujet: Re: What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] Icon_minitimeVen 3 Aoû - 23:45



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« Souviens-toi du jour »

Cimetière de Highgate, 1891

— Connaissez-vous monsieur Guy de Maupassant, l'écrivain français ?

Comment ne le pourrait-elle pas ? Elle avait passé presque la moitié de sa vie en Europe, après tout. Suivre son père dans ses voyages avait d’ailleurs été l’une des plus belles aventures de sa vie. Enfant, elle avait connu plus de libertés et d’horizons qu’elle ne pourrait l’imaginer aujourd’hui. De toutes ses amies, Hestia était bien la seule à savoir naviguer et s’orienter grâce aux étoiles, et elle avait vu tant et tant de cultures différentes… Elle se trouvait parfois à regretter ces contrées lointaines et songeait qu’y retourner était sa seule planche de salut. Rien ne la retenait plus à Londres, si ce n’est son deuil, et il est bien connu que les morts ne font jamais bon ménage avec la solitude et l’isolement. Alors, oui… Hestia avait entendu parler de cet auteur et de ses contemporains. Elle recevait très souvent des éditions françaises de leurs œuvres. Après tout, n’aurait-il pas été dommage de perdre ses connaissances linguistiques par manque de pratique ? Elle entretenait aussi des relations épistolaires avec des intellectuels européens, s’informant des événements ayant lieu outre-Manche. Ils représentaient de réelles amitiés – bien qu’elle évitait d’aborder les sujets fâcheux de sa vie avec eux – et une échappatoire de plus dans son quotidien.

— Cela ne m’étonne pas qu’il ait attiré votre attention, c'est un homme exalté et mélancolique – une telle association de mots peut paraître improbable, mais je ne saurais le décrire autrement… Quel dommage qu’il soit ainsi rongé par la maladie. Ses excès auront finalement eu raison de sa condition humaine.

En effet, il était de notoriété publique, et même par-delà les frontières, que l’auteur français savait apprécier les plaisirs de la vie. Le canotage et la chasse étaient parmi ses distractions favorites, et on ne pouvait omettre également qu’il était très souvent en galante compagnie. Nul ne pouvait nier l’affection toute particulière qu’il avait envers la gent féminine. Ce train de vie léger repoussait quelque peu Hestia, mais pouvait-elle réellement reprocher à l’homme de cueillir le fruit à portée de sa main ? Elle-même avait des activités sans autre but que de se satisfaire, elle l’admettrait sans hésiter, alors elle ne se permettait pas de juger outre mesure les comportements des autres. Évidemment, les écarts des uns avaient de plus graves conséquences que d’autres… Rien de ce qu’elle avait pu faire n’avait mis sa vie en danger et elle comptait bien continuer sur cette voie. S’il y a quelques mois elle avait songé à mettre fin à ses jours, elle commençait à présent un nouveau roman, certes dont la mort serait le dernier chapitre, mais qui compterait beaucoup d’autres avant. Hestia, aussi effondrée soit-elle, avait revu ses priorités. Elle ne parvenait plus à vivre pour elle, c’était un fait. Elle allait donc vivre pour ses amours disparus.

— Si vous n’avez pas déjà lu ce livre, je crois qu’il devrait vous plaire.

Elle prit délicatement le livre qu’il lui tendait, ses yeux survolant le titre en lettre dorées. Ses doigts caressèrent la couverture, comme si la jeune femme demandait la permission au livre d’être ouvert. Sous sa paume, elle sentait les vestiges du temps, ces craquelures et imperfections presque invisibles d’un livre de seconde main. Cela importait peu, à vrai dire, si peu. Hestia aimait les livres, elle les aimait au point peut-être de leur conférer une âme. Celui-ci avait vécu, et ses rides racontaient bien plus qu’une seule histoire. L’odeur de l’encre et du papier, comme deux amants qui ne deviennent qu’un à l’heure où le soleil se couche, lui rappelait ces heures passées sur le pont des bateaux, lorsqu’elle essayait de retranscrire le bercement des vagues et la bise du vent sur son visage, le goût du sel sur ses lèvres. Elle voulait se souvenir de tout, pour ces jours où elle serait condamnée à ne plus quitter le rivage. Pour sentir encore le soleil méditerranéen sur sa peau et entendre le bruit de la vie là-bas, sur ces terres foulées par des gens qui lui ressemblent tout en ne lui ressemblant pas. Si loin, si proche. Elle en rêve la nuit, y pense tout le jour.

— « Aux Champs », lu-t-elle. En effet, je n’ai pas encore eu l’occasion de lire celui-ci… Qu’avez-vous aimé de cette histoire ? Quelles blessures avez-vous reconnu en elle ?

Des blessures, il y en avait forcément. Il y en a toujours. On apprécie un livre pour le bonheur qu’il nous procure, on l’aime pour ses mots qui dépeignent nos passions et nos douleurs. À présent, elle le dévisageait avec douceur, gravant dans sa mémoire les traits d’un garçon devenu adulte, l’ombre d’une étincelle dans les yeux. Pouvait-il comprendre ? Elle n’en était pas sûre, il était encore jeune, et bien qu’éprouvé par la vie, il y a des choses qui ne remplacent pas les années qui passent. Brave garçon, songea-t-elle. S’il était incapable de comprendre – et personne ne pouvait le lui reprocher, encore moins elle –, Hestia savait qu’il essayait de son mieux et c’était-là l’essentiel. Une qualité qui aurait tôt fait de conquérir le public de ses salons. Accepterait-il, à présent, d’y participer ? Il n’avait plus à rougir de sa situation, aussi décida-t-elle de très bientôt lui poser la question… Une fois qu’il eu rendu hommage à sa chère Rose-Ann, elle l’invita à prendre son bras, afin de se promener aux alentours du cimetière. Le temps se réchauffait à peine et le lieu était encore désert, mais pour ce jour, il était temps de laisser leurs morts en paix.
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Tobias Wright
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MessageSujet: Re: What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] Icon_minitimeDim 5 Aoû - 18:03



Comme il s’en doutait, Hestia connaissait l’écrivain Maupassant. Elle était même au courant de son état de santé préoccupant. Il fut toutefois ravi de l’entendre dire qu’elle n’avait pas encore lu le roman qu’il lui tendait. Pour la première fois, il allait pouvoir être celui qui prête un livre  à l’autre.

— « Au Champs ». En effet, je n’ai pas encore eu l’occasion de lire celui-ci… Qu’avez-vous aimé de cette histoire, Tobias ? Quelles blessures avez-vous reconnu en elle ?

Des blessures ? Tobias n’avait pas pensé y reconnaître des blessures en le lisant. Toutefois, en y repensant maintenant, il était certain que ce sujet de différence de classe sociale ne pouvait qu’être parlant pour lui, surtout en ce moment. Certains de ses collègues ne manquaient pas une occasion de lui faire ressentir qu’il ne venait pas du même monde qu’eux. A l’extérieur du bureau, il avait parfois également l’impression de ne pas être à sa place. Autrefois, il cotoyait ces personnes qui se retrouvaient derrière les barreaux. Cela en faisait cependant un agent de police plus humain, tout en le torturant psychologiquement avec le dilemme constant qui était le sien. Quand il n’était pas entouré de collègue, il allait préférer donner un simple avertissement oral à un garçon tentant de voler quelque chose, ou une femme se prostituant dans la rue à un endroit où elle risquerait de se faire réprimander par la police. Il était inutile d’appauvrir encore plus les pauvres avec des amendes. Certains actes, comme le vol ou la prostitution, étaient parfois commis pour des raisons de survies. Comment blâmer cela ?

Il y avait autre chose, aussi. Dans ce roman, la famille occupait une place importante. C’était une chose que Tobias n’avait jamais eue. Sa mère était décédée quand il était trop petit, il ne connaissait rien de son père,  et s’il avait espéré que cet homme venu le chercher pour en faire son apprenti serait comme un père pour lui, il s’était bien trompé. Il s’était posé la question. Qu’aurait fait sa mère, en de pareilles circonstances ? Qu’aurait elle fait si une famille riche avait voulu l’adopter ? L’aurait-elle laissé partir ? Il ne la connaissait pas assez pour le dire. Il avait cependant du mal à s’imaginer, comme le fils Tuvache, en colère contre sa mère pour l’avoir gardé dans la famille, et dans la misère. Il pouvait cependant comprendre sa frustration. Dans une autre vie, Tobias se disait qu’il aurait pu être avocat ou médecin. Il ne pensait pas que cela lui aurait déplu d’avoir comme métier, pendant plusieurs années, d’être un étudiant qui s’instruit. Mais, il ne serait pas lui, dans ce cas. Car c’était cette vie difficile qui l’avait forgé tel qu’il était.
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- Cette histoire m’a beaucoup parlé. Cela se passe dans la campagne française. Il y a deux familles de paysans ; les Tuvaches et les Vallins. – Tobias ne parlant aucun mot de français, prononça ses noms avec un accent tout à fait incorrect, prononçant le « u » comme un « ou » et le « in » comme dans le mot « links ». – Ces deux familles sont proches, jusqu’à ce que des nobles viennent proposer à la première famille d’adopter leur dernier né. Ils s’offusquent et refusent. La seconde famille, elle, accepte, afin d’offrir un avenir meilleur à leur fils.  C’est ainsi que l’histoire commence. – Il n’en dit pas plus, ne voulant pas ruiner le plaisir de la lecture à Hestia. Il avait pris le bras de son interlocutrice, après avoir déposé les fleurs sur la tombe de sa disparue. Se promenant dans les allées du cimetière, il réfléchit sur le livre.
-
- Cela m’a rappelé mon enfance à la workhouse. Quand je sortais de l’usine pour rejoindre les dortoirs, je me demandais parfois pourquoi moi, je devais travailler plutôt que de jouer dans la rue avec d’autres enfants ou plutôt que de continuer à apprendre des choses à l’école. Je savais que mon cas n’était pas la norme et parfois, j’enviais les autres enfants. Cela me motivait à travailler dur pour être plus tard un bon ouvrier et sortir du lot car évidemment, je pensais que je ne serais jamais rien d’autres qu’un ouvrier. Je me souviens qu’on me disait que cela ne servait à rien, que des bras, c’étaient des bras et que même si j’essayais de les rendre plus forts, mes bras avaient autant de chances que ceux des autres de se retrouver coincé dans une machine et de me laisser sans travail. – Il fit une pause un instant, pensif, puis repris- Quand on est venu me chercher pour devenir apprenti barbier, cela devait être la chance de ma vie et j’ai pensé que j’allais vivre cette transition étrange, basculant d’un monde à l’autre, devenant un enfant presque comme les autres. Finalement, cette transition, je la vis aujourd’hui. Je ne suis plus du monde qui m’a vu naître, je ne suis plus un ouvrier. Je suis un tout petit peu plus haut dans la pyramide. Et pourtant, je ne suis pas non plus du monde de mes collègues, parce que je fais partie des très rares personnes qui ont sauté d’un étage à un autre et que cela est mal perçu. En bas, si on vous connait d’autrefois, on vous regardera comme un traitre, avec jalousie. Si on ne vous connait pas, on vous collera les mêmes préjugés que ceux que l’on colle aux grands patrons. On croira que vous ne savez forcément rien de la condition ouvrière et que vous n’êtes là que pour abuser de votre pouvoir. En haut, on vous regarde comme si vous n’aviez rien à faire là et on veut vous rappeler constamment que vous n’avez pas la même valeur, que vous êtes un intrus. Et le plus étrange, c’est que cela n’est pas seulement difficile à accepter pour les autres, mais même parfois pour soi même. Je mets cette casquette, je me présente comme agent de police, je fais ce travail. Et parfois, cela sonne faux, parce que je ne me reconnais pas dans cette image que l’on colle à mon travail, dans les préoccupations de mes collègues, dans leur mentalité, dans la mentalité d’un policier. Et pourtant, j’en suis un, maintenant.

Et oui. Qui aurait pu parier qu'un garçon élevé dans une workhouse, l'endroit réservé aux plus démunis de Londres, sans mère, sans père, puisse dépasser l'âge de dix ans sans se blesser à l'usine, et pire encore, finir avec un emploi stable et un salaire décent ? La vie avait son lot de surprise que la société n'était pas forcément prête à accepter.

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MessageSujet: Re: What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] Icon_minitimeSam 11 Aoû - 15:55



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« Souviens-toi du jour »

Cimetière de Highgate, 1891

Alors qu’il lui racontait le début du roman, l’accent du jeune homme la fit sourire. Il n’y pouvait rien, les sonorités lui étaient étrangères et c’était là tout à fait adorable. Elle ne riait pas, mais ses yeux trahissaient son amusement. Alors, elle le taquina gentiment, lui faisant répéter les deux noms jusqu’à ce que la prononciation soit correcte. Son phrasé à elle était d’une authenticité à duper un natif ; il lui avait fallu des années pour maîtriser et jouer de son accent à convenance. À présent, Hestia était capable de moduler sa voix avec une telle aisance qu’elle ne se souvenait parfois plus très bien d’où elle venait. Elle n’appartenait ni à Londres, ni à quelque pays d’Europe. Pour autant, elle ne regrettait pas d’avoir vécu comme elle l’avait fait avec son père. Elle avait aimé cette liberté.

— Vous êtes si candide et grave à la fois, à tel point que je ne sais plus parfois avec quels mots vous répondre… Vos aspirations sont celles d’un enfant – et n’y voyez-là aucune critique –, tandis que vos mots sont ceux d’un homme qui tente de trouver où est sa place. Maintenant, posez-vous une question… Avez-vous jamais été heureux ? Je ne me mets guère en danger en disant que la réponse est l’œuvre de toute une vie. Et bien souvent – devrais-je dire toujours ? -, nous mourrons sans l’avoir trouvé ou en ayant l’illusion d’avoir atteint le but.

Hestia n’aimait pas – allons jusqu’à dire qu’elle détestait – l’idée qu’un enfant n’ait pas connu les joies de l’innocence et les doux rêves de jeunesse. Elle avait d’ailleurs toujours tout fait pour que le sourire de sa fille ne s’efface jamais… Peut-être était-ce justement là son problème. Helen n’avait manqué d’absolument rien, et pourtant elle avait d’elle-même tourné le dos à la vie. Alors Hestia s’était remise en question, bien plus d’une fois depuis. Il s’agissait-là d’un échec, son échec et uniquement le sien. En tant que mère. Elle n’avait peut-être rien compris à la maternité, après tout. À la maternité, mais aussi au mariage. Tout ce qu’elle avait fait par la suite pour sauver son mari était vain… Elle s’était persuadée être la fautive de toute l’histoire. Qu’elle n’était pas assez pour qui que ce soit, d’où ce désormais abyssal manque de confiance en elle.

Mais ce dont elle se savait capable, c’était bien d’être empathique. Elle les écoutait tous, ces adultes à l’enfance avortée, ces êtres errant entre deux âges. Dans un silence réconfortant, par un regard protecteur. Elle aimait beaucoup Tobias, et certaines gens y verraient une quelconque affection particulière ; Hestia savait qu’il n’était pourtant qu’un parmi tant d’autres. Une intention bien cruelle, n’est-ce pas ? Au contraire, elle considérait ce geste comme de l’altruisme. Elle les écoutait tous, oui… Elle les rassurait, les conseillait de son mieux, puis elle les laissait partir, les uns après les autres. Inlassablement. Il le fallait, ils devaient vivre. C’était le rôle qu’elle s’était trouvé – un rôle proche d’une mère, sans attache néanmoins. Bien qu’elle ne veuille pas revivre sa descente aux Enfers, elle avait trop d’émotions en elle. Disons les choses comme elles sont, ils lui servaient d’exutoire. Et qui d’eux s’en plaignaient ? Aucun. S’en rendaient-ils même compte ? Elle relâcha le souffle qu’elle n’était pas consciente d’avoir retenu, tandis que les paroles du jeune homme faisaient leur bout de chemin dans son esprit.

— Comprenez-les… Vos amis de l’usine se sont confiés à vous, et vous avez partagé ensemble les rudesses de la vie d’ouvrier. D’une manière ou d’une autre, ils vous ont sûrement confié leurs peines et leurs rêves. Ils vous ont fait confiance. Bien sûr qu’ils se sont sentis trahis, dès lors que vous vous êtes échappé de cette situation, vous retournant à peine, trop heureux de voir un rayon de soleil. Comment ne le pourraient-ils pas ? Et qui pourrait vous blâmer au fond ? Voilà une réaction tout à fait humaine, autant la vôtre que la leur. Quant à vos nouveaux collègues, ils ne peuvent voir en vous qu’un danger imminent. Il nous est impossible de ne pas avoir peur de perdre des privilèges acquis – parce que nous nous sommes aussi battus pour les avoir, on aurait tendance à l’oublier. En vous élevant dans la société, vous leur montrez que le changement est toujours possible. Que tout changement est possible. Eux aussi peuvent changer… et tout aussi bien tomber de leur piédestal du jour au lendemain. Ne croyez pas que notre monde est idyllique, malgré les atours dont nous nous parons, loin de là. Vous vous battez davantage avec vos poings, nous… Nous sommes entourés de manipulations sordides et de menaces murmurées entre deux faux sourires. Des mots, nous en avons fait des lames tranchantes et des poisons parfois plus mortels que des blessures physiques.
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MessageSujet: Re: What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] Icon_minitimeSam 11 Aoû - 21:08



Tobias ne se sentit pas humilié ou rabaissé quand Hestia lui inculqua la bonne prononciation des noms français qu’il avait cités. Le libraire chez qui il avait acheté le livre l’avait également corrigé sur la prononciation du nom de l’auteur, lorsqu’il l’avait acheté. Il avait ajouté qu’on ne devait jamais avoir honte lorsqu’on se trompait dans la prononciation d’un mot, car cela voulait dire qu’on l’avait appris en lisant et que c’était tout à fait louable de s’adonner à la pratique de la lecture. Tobias approuvait. De plus, il aimait apprendre et s’améliorer dans des disciplines qui l’intéressaient. Parler des langues étrangères était fascinants. Il ne parlait que l’anglais et un tout petit peu d’italien, qui lui avait été nécessaire pour jouer un rôle durant toute une partie de sa vie.

Il secoua légèrement la tête aux dires d’Hestia en entendant le mot enfant. Il n’était pas tout à fait d’accord. Ses aspirations n’étaient pas enfantines ou innocentes, elles étaient simples. Les bourgeois avaient tendance à se compliquer la vie et a passé à côte d’une beauté à leur porté mais qu’ils ne pouvaient plus voir. Il savait que leur monde n’était pas rose, mais il s’inquiétait parfois de choses qui ne méritaient pas leur temps. Tobias savait qu’il n’avait que dix-sept ans, même s’il en paraissait plus, mais il ne se souvenait pas d’avoir pu être un enfant, d’avoir pu se permettre l’innocence. Cela l’avait peut être un peu vexé d’être associé à un enfant, mais il n’en voulait pas à Hestia car elle ignorait une partie de sa vie, qu’il avait préféré ne pas lui dévoiler. En était-il honteux  car après tout, il n’avait pas eu le choix. Non, c’était plutôt qu’il n’avait pas trouvé d’utilité au fait de tout lui dévoiler. Et peut être aussi, voulait il s’éviter une déception. Les bourgeois aimaient la loi et l’ordre. Pouvait-il comprendre la criminalité ?

- C’est une question difficile. J’ai connu des moments où je me suis senti heureux et où la conviction que je pouvais l’être encore plus et de manière constante me rendait comme... empli de joie. Mais être heureux me semble désigner un état plus long que ces brefs moments, et ça je ne pense pas l’avoir pleinement vécu.

Il pensait à Rose-Ann en disant cela. Il s’était imaginé un bonheur avec elle. Bien sûr, aujourd’hui, il était conscient que s’il avait réellement aimé Rose-Ann du plus pur et sincère amour qui soit, il devait sans doute aussi être tombé amoureux de l’idée qu’elle représentait. De sa douceur, de sa gentillesse, de sa beauté. De toutes ces choses qui faisaient ce qu’elle était, et qu’il n’avait pas vraiment connu auparavant. Mais, il l’avait aussi aimé pour elle, dans son unicité car il était indéniable qu’elle avait quelque chose d’unique qui manquait cruellement à son monde actuel.
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Tobias écouta Hestia lui répondre. S’il était d’accord avec la crainte de ces collègues devant cette idée vivante de changement possible qu’il représentait, il n’était cependant pas d’accord avec sa première supposition ; Il ne s’était pas vraiment fait d’amis à l’usine. Il n’avait pas pris le temps de s’en faire et se sentait de toute façon déjà étranger de ce monde qui était pourtant plus au moins le sien. Il avait peu en commun avec les autres ouvriers et n’avait jamais vraiment eu l’impression de leur ressembler. En portant l’uniforme, ce qui l’attristait un peu était qu’on l’associe immédiatement à la bourgeoisie, aux violences policières, à un opposant, chose qu’il n’était pas. Il avait gardé l’esprit ouvert en parlant avec Hestia, une bourgeoise qui n’avait rien en commun avec lui. Il déplorait que les ouvriers ne puissent pas garder l’esprit ouvert et voir sa sincérité et sa bienveillance. D’un autre côté, il ne pouvait que les comprendre. Le monde n’était généralement pas bienveillant et leur méfiance était justifiée. Quant à la jalousie de ceux qui attendaient dire qu’il venait du bas de la pyramide et qu’il se retrouvait là, en uniforme, ils les comprenaient aussi. Il comprenait qu’ils se sentent trahis ou qu’ils trouvent cela injuste. Ne trouvait il pas injuste que les bourgeois soit nés dans l’opulence quand lui trimait déjà à sept ans devant des machines ? Il ne pouvait d’ailleurs être complètement d’accord avec Hestia sur le fait que les bourgeois avaient mérités leur place. Pas tous.  La plupart n’étaient que les fils d’autres bourgeois et n’avaient rien eu à faire pour vivre à l’abri du besoin voir dans la richesse. Mais c’était le monde, et le monde n’était pas juste.

Le monde des bourgeois paraissait en effet plus hypocrite que celui de la caste inférieure mais cela ne voulait pas dire pour autant que le prolétariat était un idéal de franchise et d’authenticité. La manipulation régnait partout, à divers degrès et sous diverses formes.

- Oh, je n’idéalise pas le monde bourgeois ; l’argent ne fait pas tout. Mais il me semble toutefois que la classe bourgeoise a plus d’opportunité de connaître le bonheur que la classe prolétaire. La plupart du temps, les ouvriers ne sont rien d’autres que des outils pour les machines. Un outil ne peut pas être heureux. Le temps qu’ils ont pour construire leur bonheur est fugace, voir inexistant. Je pense que les bourgeois ont plus de temps à consacrer à cela ainsi qu’à leur bien être et à leurs loisirs. Un ouvrier n’a pas le temps de penser à son bonheur, en réalité. Il ne peut penser qu’à gagner de l’argent pour se nourrir et se chauffer. – Il fit une pause puis répondit à ce qu’elle avait dit en premier lieu - Je n’avais pas beaucoup d’amis à l’usine, je n’ai pas vraiment pris le temps de m’en faire. Et si je déplore que les ouvriers qui justement ne me connaissent pas me perçoivent comme ennemi, je ne les blâme pas. La bienveillance ne court pas les rues et leur méfiance ne vient pas de nulle part.  Je le déplore toutefois car cela ne colle pas à ce que je suis et que pourtant c’est ce que je renvoie habillé ainsi. Mais finalement, ça m’encourage d’autant plus à leur montrer que je ne suis pas un policier corrompu aux hostiles à leur condition.
Après avoir dit cela, Tobias voulut revenir sur ce qu’Hestia avait dit plus tôt. Il sentit le besoin de clarifier certaines choses le concernant lui, son vécu et sa pensée. Il n’était pas d’accord avec la vision enfantine qu’Hestia avait de ses aspirations ou d’une part de lui et pensait qu’elle l’avait peut être mal cerné sur ce point.
- Je ne me souviens que vaguement d’avoir été un enfant. J’ai du devenir un ouvrier avant de devenir un homme et devenir un homme… bien avant d’avoir de la moustache. Et j’ai de la moustache depuis quelques années déjà. - Il dit cela sur un ton léger et avec le sourire, pour détendre l’atmosphère et envoyer à Hestia le signal qu’il ne prenait pas mal ce qu’elle avait dit, bien qu’il ne soit pas d’accord. Il le dit peut être aussi sur ce ton car il s’apprêtait à parler de choses moins amusantes que sa moustache. Il n’avait pas caché à Hestia qu’il avait grandi dans une workhouse et que c’était pour cela qu’il avait été un enfant ouvrier. Il savait qu’Hestia connaissait le mot. Il savait qu’elle savait que ces bâtiments étaient les endroits où les plus démunis de la capitale se retrouvaient et finissaient par faire le boulot dont personne ne voulaient afin d’avoir un lit et un bol de soupe au soir pour affronter une autre journée le lendemain. La plupart des bourgeois se vantaient d’ailleurs de l’existence de ces endroits, qui évitaient à certains de vivre dans la rue et idéalisaient ces endroits, n'ayant aucune idée de ce qu’était vraiment une workhouse. Après avoir pris une inspiration, Tobias posa donc une question à laquelle il était persuadé qu’Hestia répondrait par la négative.
- - Etes-vous déjà entrée dans une workhouse, Madame Saint-Clair ? Son ton n'était pas accusateur et ne s'apparentait pas non plus à un ton de reproche, loin de là. Il était doux et courtois, loin d'être dans le jugement d'autrui. Il était sûr qu'Hestia n'était jamais entrée dans une workhouse et il n'allait pas la juger pour sa méconnaissance de ce lieu. Il était loin de tout connaitre et d'être allé partout. Hestia avait indéniablement des choses à apprendre à Tobias. Elle connaissait milles auteurs, milles poèmes, les langues étrangères, les noms des rois et l'histoire des pays. Elle en savait sans doute beaucoup, également, sur les gens, sur le monde bourgeois, sur la vie. Il avait d'ailleurs déjà appris des choses de leurs conversations. Mais, cela dit, Tobias restait persuadé qu'il savait aussi des choses qu'elle ignorait, notamment sur ce qui se passaient à Southwark, à Whitechapel ou dans certains coins de Lambeth. Des choses sur ce monde ouvrier qui faisaient tourner, dans l'ombre, les machines de l’étincelante première puissance économique mondiale du XIXième siècle. Des choses que l'on cachait dans les lieux où personne n'irait s'aventurer.
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MessageSujet: Re: What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] Icon_minitimeSam 18 Aoû - 22:33



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« Souviens-toi du jour »

Cimetière de Highgate, 1891

D’un geste nerveux, la jeune femme resserra sa capeline sur ses épaules ; le temps se réchauffait à peine ce matin-là, alors que le vent se faisait explicitement frais. Elle se traita intérieurement de tous les noms d’avoir oublié – ou perdu, elle ne savait toujours pas – ses gants. D’ici quelques semaines, la ville vêtirait son masque d’automne et d’humidité poisseuse. À mesure que les jours passaient, Hestia voyait d’ailleurs sa santé dangereusement décliner, elle qui n’avait pourtant jamais été de constitution fragile. Mais à peine une assiette de soupe comme repas et des heures de sommeil abrégées par le souvenir encore net d’un soir maudit pouvaient-ils réellement l’aider ? Sans ses vêtement de tailleur et ses manières parfois trop délicates, Hestia aurait assez facilement pu passer pour une patiente du sanatorium. Elle ne faisait bonne figure que grâce à un peu de volonté et quelques cosmétiques à la composition suspecte qui risquaient davantage de la tuer plus qu’autre chose.

— Si l’on suit votre pensée, on ne serait jamais heureux alors… Qui pourrait se prévaloir d’être en état de joie et de sérénité à long terme ? Même parmi les plus grands de ce monde – ceux qui n’ont à se soucier ni du contenu de leur assiette, ni d’un toit sous lequel vivre –, je mettrais ma main au feu qu’il n’y en a pas un seul réellement heureux, et pourtant ils ne manquent de rien et sont plus entourés qu’un nouveau-né. Néanmoins, ce que vous dites n’en a pas moins de sens. Et vous allez peut-être trouver cela hypocrite ou complètement absurde, mais vous avez des libertés que nous, bourgeois, ne connaîtront jamais. Vous cherchez à améliorer votre situation, et c’est tout à votre honneur, mais songez qu’il y a parfois des gens nées dans l’opulence qui ne cherchent qu’à fuir leurs responsabilités. Le monde est ainsi mal fait.

Les paroles du jeune Wright ne pouvaient être plus véridiques. Quels que soient les progrès des uns et la déchéance des autres, ouvriers et bourgeois n’avaient certainement pas le même regard sur le monde. Et ils auraient beau essayer de se mettre à la place de leurs antonymes, rien ne leur permettrait de saisir l’essence même de la situation opposée. Quand l’un doit lutter pour ne serait-ce qu’avoir un quignon de pain, on sert dans les grandes sphères une multitude de plats riches et élaborés. De même, certains auront la liberté de se promener librement, tandis que d’autres seront contraints de se tenir droit durant l’heure du thé et ne de piper mot jusqu’à ce que leurs aînés se retirent. Vous trouverez sans doute ce dernier exemple risible, mais qu’est-ce qu’un corps retenu prisonnier, alors que l’esprit n’a de cesse de chercher des réponses sur le monde ? De ses jeunes années, Hestia pouvait s’estimer chanceuse d’avoir traversé tant d’horizons.

Monsieur Saint-Clair – son père, donc, puisqu’elle avait repris son nom de jeune fille – était ce que l’on pouvait appeler un « illuminé ». À la fois par ce qu’il était très érudit, et tout autant de par son excentricité remarquable. Enfant, Hestia lui avait trouvé de drôles de manies et ce n’était pas sa mère qui aurait dit le contraire. Fort heureusement pour lui, cela lui donnait aussi un charme particulier que les femmes de sa vie n’auraient changé pour rien au monde. Le fait est que le côtoyer en tant qu’amiral de la Royal Navy et dans le privé étaient deux choses diamétralement opposées. Les hommes sous ses ordres lui vouaient un respect total et lui accordaient une entière confiance. Rares étaient les gradés à aussi bien représenter les valeurs fondamentales de l’être humain.  En revanche, s’il vous était arrivé de le croiser en compagnie de sa famille, lors de ses rares permissions, vous  auriez difficilement reconnu l’autoritaire chef.

Quid de son air fermé et de son regard bleu acier, le voici qui sautillait avec sa petite tête blonde de fille sur les épaules. Et ils riaient comme s’il n’y avait rien de plus amusant, tandis que son épouse soupirait d’un air faussement ennuyé. Un drôle de duo qu’elle avait sur les bras. Ce n’était pas un, mais deux enfants qui grimpaient tout en haut du mât pour se rapprocher du ciel et des étoiles. « Si un jour tu t’égares sur des chemins inconnus, petite Hestia, souviens-toi de suivre, à la nuit tombée, l’étoile du Berger. » lui disait-il souvent, tandis que ses yeux de petite fille retraçaient les constellations. Cela faisait plusieurs années qu’Hestia ne parvenait pas à verser une seule larme, mais en cet instant elle se sentait proche de la rupture. Ce n’est jamais bon de penser à Père, songea-t-elle. Et pourtant, elle se sentait étrangement mieux. Ce n’est que la question de Tobias qui la rappela sur Terre :

— Êtes-vous déjà entrée dans une workhouse, madame Saint-Clair ?

— Il faut bien le dire, je ne m’y suis en effet jamais rendue. Le monde ouvrier tel que vous le connaissez m’est totalement inconnu. Voyez plutôt, vous êtes dans certains domaines plus intelligents que nous
, dit-elle en un faible sourire – mais il y a, après tout, des choses que l’on préfère ignorer, n’est-ce pas ? Cependant, j’ai plus appris en mer et dans nos colonies qu’entre les murs de nos manoirs londoniens. Alors, certes, ce que je pourrais voir dans une workhouse m’effraie, mais à mon tour de vous poser une question. Avez-vous la moindre idée des choses qui ont lieu sur les marchés de nuit ? dans les champs de coton ? dans les navires revenant d’ici et d’ailleurs ? Si seulement vous saviez, je suis persuadée que vous vous estimeriez chanceux. Ces horreurs vont au-delà de tout ce dont vous avez entendu parler, cela vous dégoûte de l’être humain. Et on m’avait prévenu que ce n’était pas quelque chose qu’une dame devait voir, et malgré tout j’ai insisté… Croyez-moi, j’ai rendu tripes et boyaux ce jour-là. Ainsi, il peut arriver que l’on se haïsse d’avoir des privilèges, se haïr au point de vouloir renier tout ce que nous possédons jusqu’à notre dignité…

» Pardonnez-moi
, reprit-elle après un court instant. Je ne sais même pas pourquoi je vous raconte tout cela. J’ai bien peur que l’état de ma vie actuelle n’ait raison de mon bon sens, j’en perds le fil de mon discours et mon optimisme. Je ne devrais pas vous accabler avec de telles sottises. Dites-moi plutôt : avez-vous réfléchi à ma proposition ? Mes salons vous seront toujours ouverts, vous êtes le bienvenu. Vous refusiez à cause de cette histoire de rang social – alors que nous avons, parmi nos charmantes petites têtes à remplir, des gens très différents les uns des autres –, mais à présent… Oserez-vous m’offenser en trouvant une autre excuse ? demanda-t-elle d’un ton léger. Réfléchissez bien à votre réponse, jeune homme, je ne saurais tolérer un comportement insolent, surtout venant de vous, l’avertit-elle faussement, ses yeux gris rieurs prenant une teinte ambrée – en plaisantant de la sorte, elle souhaitait faire oublier ses tristes mots, tant pour lui que pour elle-même.
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MessageSujet: Re: What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] What death can join together | Hestia & Tobias [Fini.] Icon_minitimeDim 26 Aoû - 17:48


Les moments de bonheur que Tobias avait connus n’avaient pas été totalement réels, il en restait persuadé même si l’argumentation d’Hestia était cohérente. Ces moments existaient dans le futur, un futur avec Rose-Ann qui n’était malheureusement jamais arrivé, un futur où il la libérait du joug de son mari et prenait soin d’elle, un futur où son sourire et son doux parfum l’accueillait chaque soir. Pour Rose-Ann, il serait devenu champion de boxe, si cela avait été nécessaire. Il aurait continué à se battre tout les soirs pour les foutus parieurs de Southwark.

Hestia lui répondit ensuite avec honnêteté ; elle n’avait, comme il s’en doutait, jamais mis les pieds dans les lieux que la couronne consacrait à l’abri des personnes les plus démunies. Des lieux d’esclavage modernes cachés derrière le terme incorrect de solidarité sociale.

- Cependant, j’ai plus appris en mer et dans nos colonies qu’entre les murs de nos manoirs londoniens. Alors, certes, ce que je pourrais voir dans une workhouse m’effraie, mais à mon tour de vous poser une question. Avez-vous la moindre idée des choses qui ont lieu sur les marchés de nuit ? dans les champs de coton ? dans les navires revenant d’ici et d’ailleurs ? Si seulement vous saviez, je suis persuadée que vous vous estimeriez chanceux. Ces horreurs vont au-delà de tout ce dont vous avez entendu parler, cela vous dégoûte de l’être humain. Et on m’avait prévenu que ce n’était pas quelque chose qu’une dame devait voir, et malgré tout j’ai insisté… Croyez-moi, j’ai rendu tripes et boyaux ce jour-là. Ainsi, il peut arriver que l’on se haïsse d’avoir des privilèges, se haïr au point de vouloir renier tout ce que nous possédons jusqu’à notre dignité…


S’il restait persuadé qu’Hestia ne s’imaginait pas l’ampleur des choses horribles qui pouvaient se passer à l’ombre dans son propre pays, Tobias décida de ne pas insister. Il ne cherchait pas la pitié, après tout. S’il se lançait dans l’énumération des choses injustes et traumatisantes qu’il avait vu se passer là bas, cela donnerait juste l’impression du contraire. De plus, Hestia était une des rares bourgeoises à ne pas se foutre totalement de la condition des plus pauvres qu’elles. Il ne voulait pas qu’elle se sente ensuite mal à l’aise de posséder l’argent qu’elle possédait alors que d’autres vivaient ainsi…Cela ne ferait que creuser davantage le fossé social entre eux.

Il n’eut pas le temps de répondre qu’Hestia s’excuser de se laisser emporter par le fil de ses pensées, dans cette conversation plutôt pessimiste.

«  Dites-moi plutôt : avez-vous réfléchi à ma proposition ? Mes salons vous seront toujours ouverts, vous êtes le bienvenu. Vous refusiez à cause de cette histoire de rang social – alors que nous avons, parmi nos charmantes petites têtes à remplir, des gens très différents les uns des autres –, mais à présent… Oserez-vous m’offenser en trouvant une autre excuse ? »
, demanda-t-elle d’un ton léger. « Réfléchissez bien à votre réponse, jeune homme, je ne saurais tolérer un comportement insolent, surtout venant de vous. »

Tobias laissa échapper un léger rire. Il avait bien senti qu’Hestia prenait ce ton de l’humour pour détendre l’atmosphère après s’être remémorée des souvenirs dont elle regrettait visiblement l’évocation. Son rire n’en était pas moins sincère.
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« Oh, je ferais mal de me montrer insolent avec une dame maintenant que je porte l’uniforme », dit-il avec humour. Avide de connaissance et de discussions plus intellectuelles que celles dont il avait l’habitude, il avait, à vrai dire, secrètement espéré qu’Hestia lui repose la question. Son origine sociale ne changerait jamais, il le savait. Il y aurait toujours des gens, notamment des bourgeois, pour le regarder de haut et lui rappeler que cet uniforme ne changeait rien au fait qu’il n’était pas aussi cultivé qu’eux et qu’il venait des bas quartiers.

Cependant, ouvrier, la chose aurait été trop compliquée. Il aurait du se dépêcher pour arriver à l’heure à ces salons, après le travail, encore sale et transpirant. Il aurait été très gêné et aurait sans doute provoqué une grande gêne autour de lui également. De plus, la fatigue l’aurait sans doute souvent dissuadé de faire le trajet. Aujourd’hui, les choses étaient différentes. « Je vous remercie pour cette proposition et j’accepte avec plaisir. Si et seulement si… », ajouta-t-il. Il avait coincé son livre sous son bras et retirait ses gants. «…vous acceptez d’emprunter mes gants. »

Il avait remarqué qu’Hestia se frottait les mains à la recherche de plus de chaleur et qu’elle avait les doigts rougis. « Ne vous inquiétez pas, je n’ai plus les mains couvertes de charbons maintenant, ils sont neufs et très propres. Je les aie eus avec l’uniforme. Compris dans le prix, comme on dit. », ajouta-t-il, sur un ton de plaisanterie.

« Je voulais moi aussi vous demander quelque chose. »

Tobias n’avait pas oublié les livres qu’Hestia lui avait prêtés, et même pour l’un ou l’autre donné, et qui avaient occupés ses nuits d’insomnie  après le travail. « J’aimerais que vous acceptiez ce livre, comme cadeau de ma part ».

Tobias aurait pu être très attaché à ce livre, « Au Champs », parce que c’était le premier livre neuf qu’il avait été en mesure de s’acheter avec son salaire honnête. Cependant, il avait déjà, du haut de ses 17 ans, compris que les choses matérielles n’étaient pas les plus importantes. Et surtout, il était content de pouvoir à sa manière, rendre la pareille à Hestia, qui avait été bienveillante et généreuse envers lui. Il savait qu’elle comprendrait la valeur de ce cadeau et que lorsqu’elle verrait ce livre dans sa bibliothèque, parmi les nombreux autres, elle penserait à son ami des bas quartiers devenu policier, comme il pensait à son amie bourgeoise rencontrée au cimetière quand il voyait les livres qu’elle lui avait donnés. En offrant ce livre à Hestia, il le rendait encore plus spécial qu’en le gardant pour lui. Comme elles avaient rendus des livres comme les autres spéciales en les faisant déménager de sa grande bibliothèque à la modeste étagère en bois d’un ouvrier de manufacture londonien.

« Et puis comme cela, nous pourrons en discuter lors du prochain salon et je n’aurais pas l’air d’un homme inculte devant les autres membres ! »
, lâcha-t-il avant de rire. Hestia saurait bien sûr que ce n’était pas du tout la raison pour laquelle il voulait lui faire ce cadeau. Il avait d’ailleurs pensé à le faire avant qu’elle réitère sa proposition de rejoindre ses salons. Mais, comme elle l’avait fait plus tôt, Tobias utilisait l’humour pour l’empêcher de refuser par politesse.
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