★ About a girl :
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➣Ouverte à tous les plaisirs de ce monde Avatar : Isolda Dychauk Quartier Résidentiel : City of London Messages : 222Date d'inscription : 21/12/2017
Sujet: Re: Compagne de fortune [Ambro] Dim 25 Nov - 12:02
Compagne de fortune
Jeanne & Ambrosine
Lorsque l’on se promenait dans les rues de Londres, on ne pouvait confondre la boutique de Madame Moulin avec aucune autre tant elle se démarquait par ses extravagantes décorations qui avaient toujours eu le don de dessiner un sourire amusé sur mon visage lorsque j’en passais les portes. En cliente fidèle, il suffit de quelques secondes aux vendeuses pour me reconnaître et me rejoindre à l’entrée pour m’inviter cordialement à pénétrer à l’intérieur du magasin coloré. On n’eut besoin de me le répéter une fois de plus que déjà, je prenais mes aises en l’attente de la propriétaire que je savais pour sure enthousiaste à l’idée de m’accueillir elle-même. Il n’était pas rare que l’on échange ensemble des banalités, et moi-même appréciais-je énormément les histoires que la dame pouvait me raconter lorsqu’elle se montrait un peu trop bavarde au goût des clientes et de sa propre progéniture qui semblait préférer la compagnie de ses romans. Si je ne pouvais le lui reprocher je comprenais aisément la frustration de la mère qui ne trouvait pas en son enfant un public ouvert à ses historiettes. Mère et moi-même avions maintenu jusqu’ici des relations plutôt froides et distantes que l’idée d’un prochain mariage avaient assouplies, et nous avions toutes deux amèrement regretté cette conséquence inévitable au comportement que je m’étais trouvé forcée d’adopter afin d’échapper aux liens accablants du mariage. Durant ces moments de doute, Jeanne s’était trouvée être une conseillère aux ressources insoupçonnées, et une confidente à l’écoute, ce que ma génitrice avait cessé d’être. Depuis, j’appréciais converser avec la quadragénaire sans doute autant qu’elle aimait être écoutée.
Ne l’apercevant point depuis l’atelier où je la savais pertinemment se trouver, j’attendais patiemment en refusant le thé et les biscuits que ses employées me proposèrent instinctivement – par réflexe ou injonction de leur patronne, je l’ignorais, ce qui ne m’empêchait pas de me montrer sensible à ces délicates attentions qui s’étaient transformées en un rituel quotidien. Si dans un autre contexte, j’aurais sans hésitation cédé à la tentation, j’avais pris l’habitude de partager des sucreries en compagnie de la propriétaire de l’établissement que je savais adorer les friandises autant que moi. Ma présence annoncée, mon amie ne tarda pas à me rejoindre, m’interpellant parmi les clientes qui déambulaient autour de ses créations comme si nous n’étions que deux en ce lieu. J’ignorais si cela était commun en France, son pays natal, mais je m’étais habituée à son accueil démonstratif.
- Jeanne, vous me voyez ravie de vous revoir, lui répondis-je chaleureusement. Mais regardez-vous travailler avec autant d’acharnement. Ne vous reposez-vous donc jamais Madame ?
Sur ces mots je m’avançais à sa rencontre afin de la saluer dans les formes. Ajustant légèrement l’un de ses chapeaux de façon à le remettre à la place qui lui était dédiée, j’inclinais la tête en signe de respect bien plus que par convention, mon rang supérieur à celui de la vieille femme. Elle restait cependant mon aînée, et une femme que j’admirais pour sa créativité et son travail acharné, auprès de laquelle j’entendais bien respecter toutes les convenances qui se seraient appliquées face à une dame au titre similaire. Quant à son invitation alléchante, je l’acceptai sans y réfléchir à deux fois : il n’était pas rare qu’elle me propose de contempler à ses côtés fils et tissus, et si j’avais accepté en premier lieu uniquement dans le but de ne pas la froisser, j’avais appris à ses côtés à apprécier la délicatesse et la beauté des matériaux avec lesquels elle travaillait chaque jour.
- Que vous êtes fine observatrice ! N’est-elle pas superbe ? Je n’ai pas pu résister à l’envie d’en commander une robe. Je suis vraiment enchantée qu’elle vous plaise, commentais-je flattée sous son regard approbateur. Jeanne était une femme de goût dont les suggestions vestimentaires étaient bien souvent exactes et pertinentes.
- Mais trêve de bavardage, ajoutais-je, me connaissant assez bien pour savoir qu’il ne m’en fallait que peu pour m’inciter à déblatérer sur mes parures. Guidez moi donc vers la fameuse dentelle dont vous m’avez si souvent parlé !
Mais Jeanne m’avait déjà abandonnée, se faufilant à travers les ouvrières affairées à leurs taches respectives jusqu’à sa propre table de travail afin de m’apporter le tissu en question. Celui-ci se trouva être comme annoncé, d’une splendeur inégalée, à tel point que je trouvais ma propre dentelle bien terne à côté de celle qui m’était présentée.
- Je ne peux que vous donner raison chère amie, je n’en ai jamais vu de telle ! Je déplore sincèrement d’être née anglaise alors même que la France nous offre de si belles étoffes, me plaignais-je en suivant son conseil, laissant mes doigts glisser lentement sur le tissu réputé pour être excessivement précieux et de ce fait, particulièrement onéreux, même pour une famille telle que la mienne. Le simple fait qu’elle m’offre l’opportunité de le toucher ainsi était un privilège qu’elle me réservait pour la raison évidente que je savais l’apprécier à sa juste valeur.
- Je serais curieuse de savoir ce que vous souhaitez en faire. Vos chapeaux sont de pures merveilles ! La complimentais-je, convaincue que la chapelière méritait amplement les louanges dont j’étais bien peu avare en sa présence. La raison de ma venue aujourd’hui était d’ailleurs en partie liée à ses dernières créations qui m’avaient tapé dans l’œil lorsqu’elle les avaient placées en vitrine ; autant que pour l’affection que j’avais pour sa personne. C’était pourtant l’invitation à partager un repas avec la famille de mon fiancé qui m’avait incitée à acheter un nouveau chapeau pour accompagner la robe que Mère avait fait faire à mes mesures pour l’occasion : je savais pertinemment que Jeanne aurait l’accessoire parfait pour ajouter la touche finale à la parure que j’avais prévu de porter ce jour-là.
- Je suis justement à la recherche d’un chapeau aux teintes douces pour agrémenter un nouvel habit, pensez-vous qu’il serait possible de me confectionner l’une de vos magnifiques couvre-chefs ? Lui demandais-je en acceptant sa proposition gourmande, piochant quelques dragées dans le sachet qui avait été disposé face à moi, afin les déguster avec mon amie.
Si j’aurais pu me rendre dans n’importe quelle échoppe, Jeanne était consciente que je ne jurais que par ses œuvres, et ce, depuis la première que je lui avais commandée. Il est de ces créateurs dont l’on ne peut se passer, et je comptais bien investir à ma manière dans le commerce de mon amie autant qu’il m’était possible de le faire, convaincue de la qualité et de l’originalité de son travail.
- Je dois rencontrer sous peu la famille de mon futur époux et je voudrais être élégante pour l’occasion, vous comprenez. Je suis certaine que vous serez la plus à même de répondre à ma demande, me trompe-je ? Lui demandais-je en agrémentant ma question du sourire complice de celle qui connaît déjà la réponse à sa propre question.
Je doutais qu’elle ose nier mes propos. Ma confiance à son égard n’avait aucune borne, à la manière de l’enthousiasme dont elle faisait preuve à chacune de mes requêtes.
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Sujet: Re: Compagne de fortune [Ambro] Jeu 9 Juil - 16:51
Compagne de fortune
Jeanne & Ambrosine
Prétendre avoir choisi l’atelier de la chapelière pour une raison autre que la propriétaire elle-même n’aurait été que mensonge éhonté : si j’avais toujours apprécié le talent de madame Moulin et la qualité que promettait chacune de ses œuvres d’art sous forme de couvre-chef, c’étaient bel et bien son œil affûté et ses suggestions pertinentes que je recherchais lorsque ma route me menait à la porte de sa boutique. J’avais beau me répéter que mon fiancé ne prêterait probablement autant d’attention que j’y accordais en ce moment même au chapeau que je porterais ce soir-là, je n’arrivais pas à éloigner mon esprit des doutes et de l’inquiétude : et si je lui laissais une mauvaise impression ? Loin de moi l’idée de passer pour une coquette durant ce dîner. Mais ne pas porter de chapeau ? Ce serait insensé ! Aucune jeune femme bien éduqué n’aurait osé sortir sans. Force était d’admettre que j’ignorais parfaitement ce que je recherchais lorsque j’avais décidé de me rendre chez ma commerçante favorite ; au fond de moi, j’espérais qu’elle puisse m’aider à retirer ce poids de mes épaules, à l’inverse de ma mère qui se faisait une joie à l’idée de ce futur mariage, à tel point qu’elle me répétait sans cesse à quel point cette rencontre avec la famille de John serait décisive pour notre futur.
- Je vous reconnais bien là, chère amie ! Je n’insisterai donc pas si c’est ce qui vous rend heureuse. Qui serais-je pour vous le reprocher alors même que je serais la première à pleurer votre départ.
L’idée de la retraite ne l’effleurait pas encore, même si, je le savais pour en avoir discuté avec elle au cours de mes visites hebdomadaires, la chapelière n’ignorait pas que ce moment si redouté approchait à grands pas. J’aurais aimé pouvoir la rassurer ou lui prêter main forte mais j’étais incapable de le faire financièrement ou même moralement : il n’aurait pas été bien chrétien de lui mentir et de lui promettre que tout s’arrangerait. Elle avait choisi un métier manuel, et bien que j’aurais cent fois préféré la voir derrière un bureau à superviser toutes les petites mains qui étaient en mesure – sûrement plus rapidement et facilement qu’elle à ce jour – de donner naissance aux inventions de son esprit grandiose, elle avait toujours désiré concevoir ses chapeau du début à la fin, quitte à s’évertuer elle-même à la tâche. N’importe quel commerçant se serait plu à laisser les tâches ingrates à ses employés sous qualifiés, qui n’avaient pour eux que force et jeunesse à défaut d’éducation – mais pas Jeanne, qui faisait fit des études et de la culture pour le mérite qu’elle voyait en ses vendeuses et couturière qui se montraient digne de sa confiance. C’était, je le crois bien, l’une des choses que j’appréciais le plus dans la boutique de la quadragénaire : cette atmosphère agréable et conviviale que l’on ne trouvait que dans les échoppes qui savent maintenir des relations cordiales entre employeurs et employés. Certes, il y avait bien mademoiselle Moulin, qui venait troubler cette ambiance plaisante par sa présence fantomatique lorsqu’elle avait le malheur de quitter ses appartements, mais qui aurait donc pu en tenir rigueur à la jeune femme, qui n’avait pas su répondre aux attentes de sa mère ? J’étais bien placée pour savoir qu’une telle chose n’était pas simple, moi qui m’efforçai de ne pas croiser la mienne dans les couloirs de notre demeure lorsque j’en avais l’opportunité. Elle ne s’était jamais montrée mauvaise avec moi, malgré les ennuis que j’avais pu lui causer – mais cela n’excusait pas ses demandes bien trop exigeantes et les droits qu’elle s’accordait sur ma vie, et cela, sans même me consulter. Je me demandais parfois si j’aurais été une femme différente si elle m’avait laissé mener ma vie comme je l’entendais. Aurais-je été une femme mariée ? Aurais-je eu des enfants ou me serais-je perdue, comme beaucoup d’autre ladies avant moi ? C’est l’esprit occupé par ces questions rhétoriques que je répondais mécaniquement à mon interlocutrice au sujet de ma robe du jour.
- N’est-ce pas qu’elle me va bien ?
J’attendis son retour pour lui raconter une anecdote qu’elle apprécierait à coup sur.
- Pour tout vous dire, lui dis-je du ton des confidences, en m’approchant délicatement d’elle et en baissant de quelque peu le volume de ma voix. Elle était destinée à éblouir l’un de mes prétendants. Vous savez comment est Mère, elle ne reculerait devant rien – et surtout pas le prix – pour convaincre un homme de m’épouser. Je donnerai cher pour connaître sa réaction si elle me voyait parcourir ainsi les rues de Londres alors même que j’ai refusé de porter cette parure pour un homme. Mais n’êtes vous pas d’accord Madame, que cette dentelle est bien trop précieuse pour être destinée seulement à séduire ?
- Mais celle que vous m’avez apportée ? C’est une pure merveille. Celle qui vous achètera un chapeau qui en sera orné sortira de cette boutique cent fois plus distinguée, je peux vous l’assurer. J’en suis témoin, rien de tel que l’un de vos couvre-chefs pour mettre une femme en valeur.
Mon regard était attiré par la nouvelle matière que je n’avais encore vue nul part ailleurs. Plus je l’observais, plus je m’en entichais et m’imaginais la porter sur l’un des modèles que me décrivait en détail madame Moulin. Que j’aurais aimé un tel chapeau, une telle prestance ! Mère m’en aurait fourni les moyens si je lui avais demandé – si j’avais prétexté vouloir le porter pour le dîner en compagnie de la famille Wicker, par exemple – mais pouvais-je vraiment me permettre de telles extravagances alors même que j’essayais de prouver à mon mari que je n’étais pas l’une de ces précieuses que l’on trouvait dans chaque boutique prisée, ces dernières années ? J’abandonnais le tissu à sa détentrice en un long soupir : ce n’était probablement pas très avisé.
- Suis-je bête, je ne vous l’ai même pas décrite encore cette robe ! J’ai demandé à madame la couturière quelque chose de très simple et de rafraîchissant. Nous avons choisi ensemble des soies jaunes et ivoire qui mettent mon teint et mes cheveux en valeur, lui expliquai-je en commençant à regretter amèrement de ne pas avoir choisi une teinte plus conventionnelle qui aurait pu se marier avec cette nouvelle dentelle.
Bien heureusement, la proposition de la chapelière me rendit ma bonne humeur : un chapeau fleuri. Évidemment, que c’était ce qu’il me fallait. Rien de mieux pour souligner mes joues roses et le vert de mes yeux qu’une charmante composition florale qui ferait une coiffure charmante pour peu que l’on m’attache joliment les cheveux pour l’occasion.
- Une fois de plus, voilà que vous m’épatez Madame. Je viens vous voir sans savoir encore ce que je veux et vous me proposez ce qui convient parfaitement à la situation que je vous explique. Vous êtes sans contexte une experte en la matière ! La complimentais-je en piochant une fois de plus dans le sachet tentateur à mi-distance entre moi et mon amie, qui semblait profiter autant que moi de ses sucreries qui n’auraient pas du être au menu à une telle heure de la journée. Mère aurait été dévastée de me voir ainsi manger entre les repas – à quelques semaines du grand évènement, qui plus est ! Jeanne et moi nous étions décidément bien trouvées.
- Mais… commençais-je ma phrase avant de prendre une grande inspiration, comme pour rassembler le courage qui semblait me manquer pour prononcer cette phrase que je n’aurais jamais cru m’entendre dire un jour.
- Ne pensez-vous pas que ces soieries et ces chapeaux seront de trop ? Mon fiancé est un homme simple, qui n’aime pas les fioritures. Je m’efforce de correspondre à ses attentes, mais j’ai bien peur que Mère ne s’emporte et me force à porter bien trop d’artifices. Rassurez-moi, chère amie, les couleurs se prêtent-elles à une telle occasion ? Vous avez du être invitée à nombre de dîner et je n’ai aucun doute sur le fait que vous ayez été une femme très courtisée. Dites-moi Madame, pourrais-je lui plaire, apprêtée ainsi ?
Plus la date approchait, plus je m’interrogeais sur la question. John m’avait vue dans mes plus beaux habits à l’église ainsi qu’en tenue d’équitation, mais jamais encore je n’avais eu à m’habiller pour plaire à d’autres yeux que les miens, et cela me terrifiait au plus haut point. J’avais peur d’exagérer ou de ne pas accorder assez d’efforts à ma présentation. Que dirait mon fiancé ? Qu’en penserait sa sœur cadette ? Mon cœur menaçait de défaillir, rien qu’à cette idée.