Jolie petite histoire...Richard Hamilton était assis à son bureau. Celui-ci était couvert de vieux journaux et de coupures d’articles des dernières années : Un faux Jack l’Éventreur… Le mariage d’un Lord lui étant totalement inconnu… De la propagande au sujet de vampires… De nouvelles victimes d’assassinat à Whitechapel… Un massacre à la campagne… Le décès de Sherlock Holmes… Les nouvelles mesures gouvernementales…
Les sourcils froncés, le journaliste de profession, avait d’abord organisé les articles par date, puis par sujet avant de les éparpiller sur la surface de son bureau pour se concentrer à l’observation des photographies. Depuis que, de son Amérique natale, Richard avait entendu parler des évènements étranges de Londres, il était déterminé à faire la lumière sur ces mystères qui le fascinaient. Peut-être osait-il prétendre être un meilleur journaliste que les Anglais ou tout simplement plus logique que leur défunt Sherlock Holmes…
Quoi que pensât réellement monsieur Hamilton, il avait décidé, sur un coup de tête, de venir s’établir à Londres et y résidait depuis déjà plusieurs mois.
Un bruit sourd de ferraille vint perturber sa concentration suivie d’un cri de joie chantant qui, lui, s’approchait. L’homme se recula dans son fauteuil, soupirant d’exaspération et d’impatience et leva les yeux vers la porte ouverte de son bureau au moment où une femme échevelée au visage noircit par la cendre, mais au sourire éclatant y faisait son apparition.
Aussitôt, Richard Hamilton sembla de meilleure humeur et sourit à son épouse; Clara Hamilton, bien que prévisible et parfois contrariante, avait un don pour attendrir les émotions les plus sombres.
«
C’est un échec! », annonça la jeune femme d’un ton joyeux. «
N’est-ce pas merveilleux? J’étais persuadée que mes calculs étaient justes et il y eut des flammes! Des flammes, Richard! », poursuivit-elle avec une euphorie contrôlée. «
Imaginez un seul instant ce qui se serait passé si je n’avais pas effectué de tests préliminaires! Des flammes! ». Cette fois, Clara éclata de rire et s’approcha du bureau de son mari. Par réflexe, celui-ci posa les mains sur les pages de journaux pour leur éviter d’être salies ou mises en désordre par sa femme. « J
e dois tout recommencer! Depuis le début! », conclut-elle en tournant les talons, la conversation à sens unique étant terminée.
Richard observa son épouse quitter son bureau et entendit ses pas précipités dans l’escalier qui la menait à la cave de la maison mitoyenne qu’ils habitaient. Avec beaucoup de volonté, Clara avait réussi à s’y créer un espace de travail. En déménageant à Londres, les Hamilton avaient dû se départir de leur humble, mais plus grande, maison américaine, et de beaucoup de leurs biens puisque les maisons de Lambeth étaient plus modestes. Secrètement, Richard avait espéré que le manque d’espace soit un argument convaincant pour que Clara abandonne sa passion pour la création de machines étranges, mais l’effet avait été contraire.
Depuis qu’elle possédait un atelier dans une cave où la seule source de lumière naturelle provenait d’une petite fenêtre donnant sur la rue passante, au niveau du trottoir, et qu’elle pouvait y travailler jusqu’à tard dans la nuit (ou tôt le matin) sans trop déranger son époux, la jeune femme semblait plus déterminée que jamais à inventer des choses au risque d’explosion plus important…
Mariés depuis douze ans, Clara et Richard Hamilton n’avaient pas d’enfants. Après plusieurs fausses-couches et un bébé mort-né, les Hamilton avaient tout simplement renoncé au rêve de fonder une famille et avaient concentré toutes leurs énergies à leurs projets personnels : le journalisme pour Richard et les inventions pour Clara.
Richard prit une grande inspiration et rapporta son attention au contenu de son bureau. Il y avait des années maintenant qu’il avait renoncé à son épouse; Clara et lui vivaient sous le même toit et partageaient les mêmes repas, mais jamais leur lit. Lorsque cette situation matrimoniale avait débuté, près de dix ans plus tôt, Richard s’était montré compréhensif; Clara souffrait beaucoup de la perte de ses bébés… Mais la jeune femme n’était jamais plus revenue vers lui et il n’avait jamais été capable de lui exprimer sa frustration.
Au fil du temps, il ne restait plus rien de l’amour et la passion qu’ils avaient éprouvés, l’un pour l’autre, et leur relation était devenue celle d’amis sincères et respectueux.
Un élément sur l’une des photographies éparpillées sur son bureau attira l’œil de Richard et… BOOM!
Pris de panique, Hamilton se leva de son fauteuil et contourna son bureau si rapidement, pour sortir de la pièce et courir à la cave, que le déplacement d’air fit voler les pages de journaux dans tous le sens. Il lui sembla n’avoir touché aucune des marches de l’escalier qu’il descendit vers la cave et lorsqu’il arriva dans l’espace restreint au plafond bas et au sol de terre battue, une épaisse fumée l’empêchait de voir quoi que ce soit.
«
CLARA! »
Richard l’a trouva rapidement : Clara était étendue sur le dos, au sol, à quelques mètres de l’endroit où s’était produit l’explosion.
«
Nom de Dieu! Clara! Clara? »
L’homme s’agenouilla auprès de son épouse. Cette dernière avait les yeux ouverts et ne semblait que sonnée par l’explosion (qui ne l’aurait pas été?) et par sa chute. Clara cligna quelques fois des yeux et son regard se posa enfin sur celui effrayé de Richard : «
Rich… Il y a eu une explosion… ». Par nervosité, le journaliste étouffa un petit rire et sourit à la jeune femme. «
Une explosion, Richard… J’ai créé une machine qui explose… ».
Les yeux de Clara se mirent à briller et soudainement, elle se mit à rire à gorge déployée. Richard Hamilton s’assit sur ses chevilles, détourna le regard pour regarder le nuage de fumée qui se dissipait et soupira alors que Clara continuait à rire comme si l’explosion de son invention était la plus belle chose qui lui était arrivée dans sa vie : Clara Hamilton était folle…