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under the midnight sun | Lydess

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Fergus Lynch
Fergus Lynch

Âge : 35
Emploi : Fondeur
Informations : Orphelin déposé au seuil d'une institution quelques semaines après sa naissance ✘ Ignore tout de ses origines, et n'y accorde aucune importance ✘ Fraie dans le monde de la petite délinquence depuis sa plus tendre enfance ✘ Ancien chef d'une bande gosses aventureux, à présent dissolue ✘ Suite à ça, a passé plusieurs mois en maison de correction ✘ La mort d'un de ses meilleurs amis, atteint de syphilis, a suffi à le convaincre de ne pas s'approcher des prostituées, règle qu'il suit toujours ✘ A fondé la Tribu, gang des rues sévissant à Whitechapel, dont il connait les moindres recoins ✘ Participe régulièrement à des combats illégaux organisés dans des bars, desquels il tire un joli pactole, ainsi que quelques petites cicatrices sur tout le corps ✘ Amateur d'armes blanches, il se sépare rarement de son couteau de boucher, tout comme de son vieux chapeau melon ✘ Se moque bien des forces de police, avec lesquelles il n'hésiterait pas à en découdre ✘ Ne voue que mépris à l'aristocratie et aux autres parvenus, mais grâce aux paiements reçus en échange de l'aide de son gang, il recrute de plus en plus d'adeptes, et accroît l'influence de la Tribu : son ambitieux objectif n'est autre que de faire tomber sous sa coupe Whitechapel et Southwark, pour mieux leur donner un second souffle, ainsi qu'une capacité de réponse envers les injustices infligées par les strates plus aisées de la société.
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MessageSujet: Re: under the midnight sun | Lydess under the midnight sun | Lydess - Page 2 Icon_minitimeMar 22 Aoû - 22:05



Under the midnight sun

« Hold infinity in the palm of your hand. »

Cirque O'Farrell, 1890

L'Angleterre avait rarement porté en son sein d'individu plus déroutant que Fergus Lynch. Autant à certains moments, sans crier gare, le criminel pouvait prendre la mouche en moins de temps qu'il n'en fallait à une balle tirée d'un révolver pour fendre l'air et atteindre sa cible, sans que le sujet de départ parût propice à générer un vif mouvement d'humeur de sa part, ou que son interlocuteur eût particulièrement cherché à l'asticoter, autant de pures marques d'insolence pouvaient recevoir de sa part un amusement tranquille, comme s'il estimait pleinement mériter les piques plus moins amènent qu'on lui lançait comme des couronnes de lauriers. Comment décidait-il de quand se rebiffer et gifler de sa verve l'importun, connaissait-il au moins la raison motivant tantôt l'expression de son humour, ou celle de sa susceptibilité, voilà qui demeurait profondément mystérieux, plus encore que les marées provoquées par l'attraction de la Lune, ou le grondement des entrailles du globe.

À la vérité, peut-être Fergus entretenait-il à dessein ce côté déconcertant, par plaisir voire par calcul, ou bien laissait-il faire sa nature sans chercher à la brider, lui lâchant la bride pour mieux lui permettre de s'exprimer dans toute l'étendue de sa complexité incongrue, déstabilisante, difficile à suivre, juste pour voir ce que ça allait donner. Les gens qui comptaient pour lui le connaissaient suffisamment pour savoir qu'un élan cinglant de mauvaise humeur venant de lui ne signifiait pas qu'il ne les appréciait plus, de même que l'ouvrier savait reconnaître une taquinerie quand il s'en trouvait la cible, et ainsi de décider s'il avait envie de se montrer beau joueur ou nom. Fergus se trouvait en effet fort loin de se considérer comme un ange, au contraire : il se savait parfaitement capable de se comporter comme une belle ordure, un extrêmement irritant petit malin donnant l'air de tout savoir mieux que tout le monde, ou encore d'un bel enfoiré se moquant bien de la sensibilité des autres, et de la peine qu'il pouvait causer en se montrant aussi égoïste. On en se refaisait pas, surtout à son âge, et après tant d'années à se comporter comme un galopin de première : excuser les impertinences d'autrui rééquilibrait un peu la balance, si tant était que quelqu'un s'amusât encore à tenir les comptes.

-Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse... répondit l'Anglais en haussant nonchalamment l'épaule gauche, arborant une légère expression faussement désolée. Ne me dis pas que personne ne t'a appris à t'amuser, Lydie, ça serait trop triste.

... Oui, bon, d'accord, concernant le fait de faire amende honorable en toute humilité, il lui restait pas mal de progrès à mener, bien que l'intention fût là -ou à peu près là. Quelque part, cesser d'asticoter ses proches ne lui aurait pas ressemblé, ni même reflété, au final, le point auquel le criminel les appréciait : de telles camaraderies nécessitaient d'être démontrées régulièrement, en fait dès que possible, et sans ménager ses efforts. Quel ami aurait-il été dans le cas contraire, je vous le demande ?

La proximité qu'instaura la jeune femme entre eux le surprit l'espace de quelques secondes, avant que son esprit de comprenne ce qu'elle avait en tête et ne calme son instinct, quasiment félin lorsqu'il était question de veiller à sa propre sécurité. Sa vie était devenue trop aventureuse pour que le réflexe de se prémunir de toute attaque, quelle qu'elle fût, ne lui vienne pas naturellement, même en bonne compagnie ; flirter avec le danger laissait des traces indélébiles, ce que peu auraient été à même de comprendre, car rester aux aguets constamment paraissait inhumain, si diamétralement opposé à la vie heureuse et tranquille à laquelle tous, selon la croyance commune, aspiraient avec plus ou moins de force. Fergus n'avait pas l'âme au repos ; ça ne datait pas d'hier chez cet être aspirant depuis toujours aux turbulences, et ça ne risquait pas de s’amoindrir avec le temps, si bien qu’il n’avait d’autre choix que de vivre en se méfiant de sa propre ombre, en ne baissant sa garde qu’une fois pleinement assuré que ses jours ne se trouvaient pas en danger. Lydess était loin de compter parmi les inconnus sur lesquels garder un œil relevait de la prudence élémentaire : ils s’étaient toujours très bien entendus, les remontrances de la belle à l’époque de l’orphelinat ayant même renforcé leur lien, puisque Loban et lui avaient causé tant de tracas, à cette brave fille qui ne demandait qu’à veiller sur eux. Cependant, le temps ne se gênait pas pour se montrer des plus injurieux, et changer en rancœurs profondes ce qui hier fleurissait sous le signe des affections les plus solides –David Williams en était la triste preuve, sans que quoi ce fût ait pu lui assurer que les choses, entre eux, pouvaient s’améliorer-, et préjuger de quoi que ce fût, en estimant que leur belle fraternité n’avait pas au fil des années pu métamorphoser sa cadette adoptive en une créature froide, prête à tout pour en finir avec lui… La possibilité-même que la jeune femme ait reçu pour mission de lui régler son compte en échange de la solution à tous ses problèmes –argent, drogues, rapt d’une être cher, la liste s’avérait malheureusement être longue- ne se trouvait pas non plus à exclure, s’il avait souhaité se montrer totalement lucide. Pourtant, le sourire de la jeune femme n’avait pas changé d’un pousse, et si celle-ci avait fomenté quoi que ce fût contre lui, Lynch demeurait certain, à tort ou à raison, qu’il aurait décelé dans ses yeux ou le son de sa voix les signes avant-coureurs de la catastrophe.

Le pari, audacieux malgré tout, fut pris en moins de temps qu’il ne fallait pour le réaliser, en accord avec cette instinctive bienveillance que la diseuse de bonne aventure faisant naturellement naître dans son cœur. Si, une fois passée dans son dos, elle se mettait en tête de l’étrangler ou de lui briser la nuque, eh bien le criminel ne pourrait s’en prendre qu’à lui-même, ce qui lui convenait, puisque son sort, comme toujours, aurait résulté d’un de ses choix, et uniquement de ça. Sans faire de manières, il la laissa glisses ses mains dans le col de sa chemise, loin d’être mal à l’aise comme certains bienpensants auraient été à même de le faire : peu farouche, Fergus n’avait pas peur des femmes, pas plus qu’il ne se sentait mal dans sa peau, au contraire ; chez les pauvres, la promiscuité ne se connaissait jamais vraiment de fin, et tous apprenaient à vivre avec, par nécessité plus que par goût. Lydess avait les mains douces, en plus de savoir s’y prendre, si bien qu’en un rien de temps, ses muscles se détendirent. Yeux clos, le fondeur laissa même l’arrière de sa tête tomber doucement en arrière jusqu’à ce que l’arrière de son crâne vienne reposer contre le ventre de la demoiselle. Un chat, à sa place, aurait ronronné doucement ; lui ne fit que profiter de l’instant, sa lourde carcasse à l’entière merci de Hentswig : il y avait si peu d’occasions de relâcher la tension quasi omniprésente de son quotidien de la sorte, ne pas en profiter aurait été bien dommage.

-Si jamais tu te demandes pourquoi continuer… souffla-t-il tout bas, … surtout, ne t’arrête pas.

Pour ses combats comme pour trimer à l’usine, son corps n’était pas franchement traité tendrement, si ce n’était dans les bras de belles que Lydess venait de traiter avec une pointe de mesquinerie : c’était certain, les nantis, eux, avaient les moyens de s’offrir des huiles délicates, des masseurs malais et des journées entières aux bains, sans avoir grand-chose d’autre à faire de leurs journées qu’à se reposer, s’amuser ou à gérer leurs affaires, autant de tâches plutôt clémentes quant à leurs tenons, leurs os, leurs articulations, à ce monceau de chairs que tout à chacun devait traîner avec lui jusqu’à son dernier soupir… La vie n’était pas accommodante de la même manière avec tout le monde, pour sûr.

Lorsque la voyante, pourtant, termina son altruiste office, le Britannique la laissa filer, un léger frisson parcourant la courte distance entre le haut de sa nuque et la naissance de ses omoplates, avant de rouvrir les paupières, presque somnolent. Heureusement que le café commençait à faire son effet, sans quoi, même en s’étirant, il serait resté un brin groggy, comme attiré par le chant des sirènes du sommeil, le mélange d’alcool et de fatigue dans son sang n’aidant pas spécialement à résister. Un petit jeu sans conséquence finirait de le réveiller : s’amuser rendrait bien moins attrayants les bras de Morphée, et la délicieuse compagnie de Lydess méritait qu’il se donne du mal pour l’honorer comme il se devait.

-Ne t’en fais pas, tu peux parfaitement partir du principe que je n’y connais rien,
la taquina Lynch, sans mentir pour autant, néophyte incroyant devant l’Eternel quel que soit le culte considéré, depuis le noble Christianisme jusqu’à la lecture du marc de café. C’est juste pour rire.

Oui, parce que bien sûr, vu que lui-même ne faisait pas grand cas de l’art pratiqué par Lydess, celle-ci se trouvait autorisée à ne pas prendre sérieusement la petite séance improvisée que Fergus lui soutirait presque tel un caprice… Le Londonien ne comptait lui manquer de respect, à elle ainsi qu’à sa raison de vivre qu’avaient depuis toujours incarrnée ses cartes, mais comme nous le disions tantôt, difficile de cacher sa nature profonde, encore plus lorsqu’on ne se forçait nullement à le faire. Lydess avait vécu à ses côtés pendant pas mal d’années, il ne restait plus qu’à espérer qu’avec le temps, elle avait fini par plus ou moins s’habituer aux manières –ou plus exactement à l’absence de manières- du hors-la loi, quand ce dernier avait décidé de ne pas faire franchement d’effort.

Souriant toujours comme s’ils s’étaient engagés tous deux dans une bonne plaisanterie, dans la veine d’un pierre-feuille-papier-ciseau, il se pencha légèrement en avant, après s’être autorisé à s’avachir sur son siège sous les câlineries de l’Irlandaise, pour que cette dernière puisse choisir pour quelle paume se lancer dans le décryptage occulte des messages y ayant été cachés par l’adversité. Lydess choisit sa main gauche, et si l’ouvrier avait été un tant soit peu ouvert d’esprit quant aux pratiques occultes, il l’aurait appuyée dans son choix, la main gauche chez les hommes représentant l’inné –le plus intéressant-, la droite l’acquis, à l’inverse des femmes. Etant de plus droitier, Lydess venait de décider de travailler sur la paume traitant de son futur, mais là encore, Fergus, ignorant complet en la matière, n’aurait pu le lui faire remarquer.

Le travail à l’usine avait bien évidemment laissé des traces, griffures, petites cicatrices, cals et autres anciennes marques de brûlures ici et là, pas de quoi le rendre laid, mais suffisamment pour qu’aucun doute ne soit permis quant à l’âpreté de son existence. Les trois lignes traditionnellement lues en chiromancie demeuraient néanmoins très bien visibles, et même agrémentée d’une quatrième, pourtant réputée rare, et ayant trait au destin du sujet.

Sa paume, carrée, portait de longs doigts que l’on aurait pu s’attendre à retrouver plus chez un pianiste que chez un fondeur. L'implantation du pouce était basse, et la longueur de sa paume inférieure à la longueur de ses doigts. Sa peau, quant à elle, était plutôt sèche, mais quoi de plus normal, chez un ouvrier n’ayant clairement pas de quoi se payer crèmes onéreuses et onguents parfumés pour prendre soin de lui ?

Sa ligne de cœur, dont le départ paraissait peu net, semblait commencer à mi-chemin sous son index et son majeur. Longue, elle se trouvait cependant clairement ondulée, bien qu’elle parût suivre cahin-caha le tracé de sa ligne de tête. Celle-ci, séparée de sa ligne de vie, était longue, profonde et droite, quoi qu’émaillée de nombreux petits croisements, visibles si l’on y prêtait suffisamment attention. Sa ligne de vie, multiple et non unique, formait une un ensemble de plusieurs courbes plongeant en demi-cercle, longues et profondes. Enfin, sa ligne de destin, qui à elle seule suffisait déjà à le rendre un peu exceptionnel, sans même avoir besoin de considérer son tempérament de feu et ses projets fous, commençait sur sa ligne de vie et s’avérait profonde, presque telle une coupure.

Enfin, lorsque Lydess lui replia les doigts pour faire apparaître ses différents monts : seuls ceux de Vénus et de Saturne ne donnait l’air de n’être ni vraiment développé, ni complètement absent, à l’inverse des trois autres, bien visibles. Cependant, là encore, l’usage intensif de ses pognes pouvait expliquer ces marques, elles qui servaient sans relâche pour aussi bien se défendre que produire, telle la bonne petite fourmi ouvrière que les grands patrons souhaitent qu’il soit, tout ce dont l’Empire pouvait bien avoir besoin. Fergus se servait souvent de ses poings, au service d’une noble cause ou non selon le point de vue, et il n’était pas dit que cela n’impactait pas puissamment ce que dictait sa bonne étoile, jusque dans les entrelacs serpentant sur ses paumes.




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MessageSujet: Re: under the midnight sun | Lydess under the midnight sun | Lydess - Page 2 Icon_minitimeSam 26 Aoû - 11:55



under the midnight sun

« behold the future »

L'avancé de la nuit par dela la grande capitale à peine endormi laissait transparaître des rayons de lumière lunaire à travers les interstices abimés de la bancale roulotte. Il n'aurait fallu que d'un courant d'air pour apporter oxygène à leurs poumons encrassés par la pollution des fumées noires. Surtout en ce qui concernait le fameux bandit au coeur bien caché, qui travaillait dans une fournaise semblable au centre de la Terre. La cartomancienne l'ignorait, bien entendu, mais elle sentait à son odeur de souffre mêlé à la virilité de sa transpiration au bois de santal, les traces noirs autour de son cou et de sa peau tannée si agréable au toucher, que son ancien grand frère de cœur travaillait au plus proche de ses capacités physiques qu'elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer indéniable. Toute cet aura, ce charisme qu'il avait toujours eu même lorsqu'il n'était qu'un adolescent revanchard de l'orphelinat, Lydess avait toujours su que cela deviendrait quelqu'un; peut-être pas au sens où l'on souhaiterait l'entendre. Mais dans le sens où à présent, au moment où l'on posait ses yeux sur cette formidable masse de muscle et sur son sourire de requin, il était par la suite impossible de ne pas se souvenir de cette personne. Même la fameuse oracle, à qui l'on prêtait pourtant l'incapacité de se rappeler sur le long terme des visages, pouvait se souvenir de cet aura.

Combien de fois pourtant à l'orphelinat l'avait-elle prié de ne pas se faire trop remarquer, que l'on ne gagnait rien à recevoir moult coup de savate par les gardiennes qui n'appréciaient pas ses fuites nocturnes. Elle avait eu tant de peine à essayer d'empêcher Loban de suivre son exemple, alors que des fois l'enfant si petit essayait de suivre l'herbe applati du parc, sur les traces de son idôle. Mais l'homme semblait avoir changé à présent, et c'était plein d'audace qu'il vivait à présent sa vie de flibustier ouvrier. Alors qu'elle passait derrière lui pour caresser ses épaules, ses trapèzes, descendant ses mains longuement sur la naissance de ses pectoraux en dessous de sa chemise d'un blanc sale et de ses lacets défaits, son oreille attentif écouta la pique de Fergus. Haussa d'un sourcil qu'il ne pouvait pas voir, la cartomancienne se pencha vers le lobe de son oreille dégagé et rit doucement, d'un ton tout aussi coquin que grognon.

- Oh, crois-moi, le Cirque m'a bien appris à m'amuser. Car ce n'est pas en vivant dans la rue qu'une femme apprend le rire et le plaisir.

Ses mains habiles n'arrêtèrent pas la caresse, loin de là, massant au mieux les tendons et les nerfs fatigués d'un homme au physique trop solicité. Elle avait toujours aimé s'occuper des gens qui l'entouraient, leur offrir des tasses de cafés ou tout simplement masser leurs épaules endoloris par les trop longs entrainements qu'ils se faisaient subir à eux-même pour les biens du Cirque. Car après tout, tout comme l'Orphelinat avait été une famille pour elle, le Cirque en était une autre; une particulière, avec ces gens qui viennent et qui vont, parfois qui restent. Aussi la promiscuité, ainsi que l'on pouvait aisément le dire, ne lui faisait pas plus peur qu'à notre cher ouvrier. Le vivre-ensemble se vivait très clairement autrement que dans les hautes couches de la société et Lydess pouvait le voir à chaque seconde où un bourgeois passait le pas de sa roulotte, cherchant conseil dans une vague histoire d'argent ou de coeur, chose que la cartomancienne détestait le plus. L'héritage d'une famille sur le déclin, un remariage sans amour pour porter leur famille à l'honneur. Y'avait-il réellement plus de bonheur à dormir dans des draps de soie quand on était au final plus seul avec soi-même que ne le serait jamais un pauvre ? La solidarité n'était l'arme que de ceux qui n'avaient rien au final.

Quand Monsieur Lynch finit par renverser la tête en arrière, yeux fermés d'un plaisir que l'on ne pouvait feindre ainsi, Lydess eut un grand sourire. Elle appréciait curieusement, dans la joie de faire le bonheur d'un autre, cette main mise qui plaçait désormais la cartomancienne dans une position de supériorité. Là où elle avait le contrôle. C'était agréable, aussi continua-t-elle pendant quelques minutes, jusqu'à ce que ses propres poignets soient bien trop fourbus pour se tenir sur cette peau rugueuse. S'installant alors en face de lui, regrettant pourtant ce rapprochement à présent fini, lorsqu'elle eut prit la main gauche de son merveilleux interlocuteur, son visage fit une moue. Ainsi allait la vie et à présent recommencer le présent. Ce qu'elle observa en premier, bien loin du reste de ce qu'elle était censée observer, c'était évidemment les cicatrices. Ces choses l'avaient toujours incroyablement attiré comme un acte irréfutable de virilité magnétique. La trace subtile des creusets dans la peau, signé d'une marque sombre et délicatement grossière. Ses différentes lignes de mains suivaient pourtant exactement la description qu'elle se faisait de l'ouvrier. Cela en était d'ailleurs si drôle qu'elle ricana en lui jetant un coup d’œil.

- J'ai l'impression de voir ton reflet dans ta main, quel stupéfiant miroir, malgré la rigueur de ta peau. Une grande main qui possède, un grande main qui travaille. Un cœur qui s'éteint, un raisonnement bien trop intellectuel, tu réfléchis plus que tu ne ressens... c'est tout naturel, quand on lutte pour sa vie jour après jour. Bougon, mais à la vie tumultueuse... j'ai l'impression que tu me caches des choses, tu n'es pas devenu qu'un simple ouvrier d'usine n'est-ce pas ? En tout cas... je n'y connais pas grave chose, mais de ce que j'arrive à lire... tu es un être tout aussi exceptionnel que tu en as l'air.

Se disant, la voyante replia les doigts de Fergus, appréciant leurs flexibilités et toujours encore leurs soigneuses callosités. D'un regard tout aussi mutin que son sourire, elle plongea ses iris bleus dans ceux de Fergus, déposant un petit baiser -comme de ceux qui guérissent les blessures, sur les doigts repliés de celui-ci.

- Ne fais pas cette tête désabusée, voyons, tu n'aimes pas les compliments ?

Riant alors de bon cœur, Lydess relâcha la menotte de Fergus, s'en retournant coinçant son dos contre le dossier de la chaise. Pourquoi n'avait-elle pas le droit de se détendre également, et loin d'elle l'envie d'embêter davantage ce pauvre ouvrier.

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MessageSujet: Re: under the midnight sun | Lydess under the midnight sun | Lydess - Page 2 Icon_minitimeMar 21 Nov - 15:29



Under the midnight sun

« Je me donne l'air d'être revenu de tout pour mieux
masquer le fait de n'avoir jamais réussi à aller nulle part. »

Cirque O'Farrell, 1890

Difficile de dire ce que Fergus attendait réellement de cette séance improvisée, de surcroît demandée comme une plaisanterie improvisée, à mener par-dessus la jambe sans trop s’en faire ni se donner de mal… Pourquoi demander à Lydess de lui lire les lignes de la main, si dès le début il savait pertinemment qu’il n’accorderait aucun crédit à la prophétie que son amie lui annoncerait ? Une partie de lui, malgré son incurable athéisme, craignait-elle encore un peu la colère des forces grâce auxquelles l’univers tenait debout ? Malheureusement pour toutes les généreuses âmes priant pour que la foudre divine ne s’abatte pas trop durement sur ce pécheur impénitent –si jamais il en existait-, il existait bien peu de chances que Lynch, finalement, se découvrît soudainement une conscience religieuse, un respect des puissances occultes, ou simplement une pointe de curiosité envers ce qu’un tas de cartes pouvait bien avoir à lui raconter sur ce que lui réservait la suite des réjouissances. Libre te fer de l’être, le Britannique malgré son âge approchant la trentaine, ne s’était jamais départi d’une bonne dose d’insolence n’épargnant personne, pas même Dieu ou le Destin, selon comment les gens souhaitaient appeler ça. Par son incroyance non pas affichée mais mise en avant, rien de moins, il escomptait bien prouver par l’exemple que son impiété se trouvait pleinement justifiée. Depuis le temps qu’il bafouait les règles élémentaires de toute religion, méprisait les saints et se moquait éperdument des figures qui apparaîtraient sous leurs yeux, fruit du pur hasard selon lui, si tout cela avait un fond de vérité, n’aurait-il pas déjà dû mourir dans d’affreuses souffrances, frappé par la foudre, ou quelque chose du genre ? Il n’y avait bien que son affection pour Lydess, tout aussi indéboulonnable, pour ne subir les maintes plaisanteries déplacées et pas forcément drôles dont l’ouvrier ne tarissait pas en la matière.

Ce à quoi la belle s’amusait à occuper ses soirées, ou bien avec qui, à l’inverse, ne suscitait chez lui aucune envie de raillerie particulière, au contraire. Autant apporter du crédit aux images apparaissant sur des arcanes piochés au petit bonheur la chance lui paraissait risible, autant se donner du bon temps n’avait rien ni d’extraordinaire ni ne revêtait quoi que ce fut à propos duquel gloser. Vivre parmi les oubliés du Royaume vous débarrassait d’un certain nombre de choses, au rang desquelles figuraient bien souvent la pudeur, l’espoir ou encore le respect de vous-même, le bon comme le mauvais en somme, mais pour beaucoup des poses complètement inutiles, héritées des castes supérieures ou de toute moralité imposée par un culte parmi d’autres. Ainsi, le plaisir cessait de représenter un péché ou une avanie, pour reprendre, comme bien des travers devenus modes de vie ici-bas, ses lettres de noblesse, loin des convenances étriquées et de ce qui rendait les humains…. Humains. Quoi qu’il fût aussi intangible que les puissances cosmiques que manipulait la voyante, Lynch comprenait et approuvait le désir palpitant chez les autres comme chez lui-même, ces aspirations primales ramenant le plus pitoyable des mendiants comme le plus prestigieux des rois au même point, celui de leur nature à l’état brut. Nier cette évidence aurait été bien insensé, de même que de se fier aux inepties racontées par les étoiles ou des feuilles de thé au fond d’une tasse : question de maturité, de s’assumer comme on était réellement, sans fards ni mensonges destinés à se leurrer soi-même ; Lydess, tout comme lui, n’était pas faite de ce bois-là, malgré son affection particulière pour le tarot, ce qui ne contribuait que plus à renforcer la bonne intelligence entre ces deux arpenteurs des ombres.

Peut-être bien que dans une autre vie, s’ils n’avaient pas grandi ensemble ni ne s’étaient trouvés liés par l’affinité fraternelle innée inextricablement tressée autour d’eux, née de ces année d’orphelinat et de galères, peut-être bien que Fergus aurait cédé au charme piquant de son sourire, de cette solide douceur qui était la sienne, autrement plus séduisants que le flatteur décolleté de l’avinée demoiselle arrivée au cirque avec lui… Peut-être que tous deux auraient fini dans le même lit, juste pour un soir, voire même deux, juste pour la liberté de s’adonner au plaisir sans complexes ni promesses ampoulées sonnant creux. Après tout, dans le monde merveilleux de l’imagination, où un simple « si » avait le pouvoir de redéfinir le monde, pourquoi pas ? Malgré son piètre respect de la loi et son avis encore plus négatif concernant tous les dogmes possibles et imaginables, le hors-la-loi conservait encore des semblants de principes, très personnels et largement critiquables par nombre d’aspects, mais néanmoins parfaitement clair au sujet de la belle cartomancienne : celle-ci n’aurait pu constituer à ses yeux autre chose qu’une sœur, en une évidence dont la netteté surpassait de loin tout ce qu’une mère aurait pu lui offrir en matière de fratrie biologique, si elle avait eu le bon ton de le garder auprès d’elle après lui avoir donné la vie. Les amis, les vrais, formaient une famille plus unie et plus chaleureuse que tout ce que l’hérédité pourrait jamais produire, ce qui excluait la naissance du moindre désir à l’endroit de miss Hentswig, si ce n’était celui de la savoir heureuse, quelle que fût la vie qu’elle s’état choisie, à remuer ses cartes, boire du café par gallons entiers ou à coucher avec le premier venu, ce qu’il lui signifia d’un léger signe de tête approbateur. Le seul jugement que le Britannique se permettrait cette nuit-là à l’endroit de la diseuse de bonne aventure concernerait son propre avenir, ou du moins le portrait que dressaient de lui les petites protégées de papier de Lydess, un écart pleinement justifié puisqu’après tout, il était quand même le plus concerné.

Sa mine pas franchement convaincue n’échappa bien évidemment pas à la demoiselle, et ce fut une nouvelle fois que l’ouvrier laissa son attitude, dans les moindres détails, s’imprégner de nonchalance :

-C’est juste que j’espérais quelque chose de plus retentissant que de me faire décrire une personne que je connais mieux que personne… Mais merci quand même pour les compliments, ma belle. Tes clients doivent t’adorer.

Et surtout adorer s’entendre conter monts et merveilles sur leur compte… Tout aussi réaliste que son hôte, Lynch ne doutait pas que plus ou moins souvent, l’amatrice de divination se laissait aller à enjoliver des existences ma foi des plus banales, bien loin de contenir en leur sein de quoi laisser la moindre chance à un futur brillant, ou au moins intéressant, de voir le jour pour ces quidams faisant la queue pour connaître la volonté des astres à leur endroit. Il voulait bien croire que par déductions –et nullement par une quelconque magie-, Lydess soit capable, telle le meilleur des limiers de Scotland Yard, de lire dans le cœur et le crâne de ses visiteurs, pour y quérir de quoi rendre les atours d’une devineresse des Temps modernes, et leur donner des réponses qu’ils possédaient déjà, le tout moyennant finance. Tout le monde avait envie de croire à une destinée exceptionnelle à portée de main, et que valait toute une vie d’économies contre de belles paroles, parfois aussi efficaces pour étouffer les doutes et la haine de soi que le plus fort des alcools… Pas facile, en cette chienne de vie, de ne serait-ce qu’effleurer ses rêves, comme de trouver quelqu’un de sincèrement prêt à vous bercer de doux mensonges gratuitement jusqu’à votre dernier souffle.

-Mes affaires sont ce qu’elles sont : quand un gars de Whitechapel se lance, c’est rarement tout rose tout du long… Mais rien de bien extraordinaire. Et sinon, ça se passe bien avec O’Farrell ? Je n’ai pas beaucoup d’échos de ce qui se passe par ici, je me demandais.

Vu le nombre de gens avec des talents particuliers que le directeur du cirque avait rassemblés sous son aile, pas forcément riches mais assurément dotés de quoi intéresser la Tribu, il y avait de quoi faire pour Lynch, entre les lanceurs de couteaux, les contorsionnistes, les magiciens et autres marginaux qui, dans un tout autre contexte, brilleraient tout autant que sur la piste, assurément. Cependant, sa question n’avait rien d’hypocrite : sa sœur de cœur passait avant un hypothétique repérage de talentueux collaborateurs. Quelque part, il y avait même éventuellement une chance que Fergus ne lui expose pas de but en blanc l’existence de son gang également au nom de son bien-être, pour la préserver autant de la déception que des risques encourus lorsqu’on posait le pied dans le monde du criminel.




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MessageSujet: Re: under the midnight sun | Lydess under the midnight sun | Lydess - Page 2 Icon_minitimeDim 17 Déc - 18:41



under the midnight sun

« behold the future »

L'ambiance de leurs retrouvailles se faisait de manière terriblement intimiste. En la lune qui se trouvait haute dans le ciel, ayant certainement depuis longtemps dépassé son zénith; et avec les bougies qui les éclairaient avec nuance et d'un air fantasmagoriquement tamisé. Lydess aimait cette mise en scène pleine de spiritualité, qui lui donnait au coeur une nuance de l'ailleurs et de l'au-delà. Certains buvaient à en perdre l'esprit pour se retrouver dans une pareille émotion, jusqu'à s'oublier et prendre conscience de ce qu'il n'y avait plus, et en une fraction de seconde, s'endormir dans sa propre dignité étendue sur le sol avec des flaques de pluie et d'autres choses moins nobles. Lydess, elle, vivait d'encens, de bougies et de café, ce qui n'était absolument pas réducteur, loin de là. La cartomancienne de formation autodidacte n'avait pas déprécié l'exercice de la chiromancie que lui avait proposé Fergus, quand bien même c'était loin d'être son rayon. Vivre de nouvelles expériences faisait parti des choses qu'elle appréciait le plus faire. Découvrir et apprendre. Il n'y avait pas de meilleures choses au monde. Et à cette seconde, elle espérait en apprendre plus de Fergus que ce qu'il acceptait de lui dire. Elle ne pouvait pas croire une seule seconde qu'il n'était qu'un simple ouvrier dans les rues de Londres. Elle le lisait dans sa main, une destinée qui promettait d'être belle.

Mais peut-être la révélation ne s'était-elle pas encore faite et voilà pourquoi il réagissait avec autant de dédain. Lydess ne pouvait alors qu'acquiescer en souriant furtivement pour le futur ensoleillé. Lorsque Fergus lui expliqua la raison de son air désabusé, la voyante ne put s'empêcher de rire avec sincèrité et grand bruits. Elle aussi, aimait les compliments, comme toutes les femmes. Mais ce compliment-ci la faisait tant rire de par la justesse de son propos, cachant en même temps une petite pique assez vénéneuse mais non dénué d'humour sur son métier. Elle ne put se taire davantage et s'obligea à lui répondre entre deux dialogues pour lui faire part de ses propres connaissances en la matière. Car l'on ne pouvait ainsi s'en prendre à la voyance sans faire face à la voyante.

- Tu sais que la divination n'est pas réellement un moyen d'en apprendre sur le futur... ? En tout cas, la cartomancie est surtout là pour donner des conseils sur les questionnements des clients. La chiromancie est plus là pour jouer sur la personnalité du client. Je reçois souvent des gens perdus, qui ne savent pas où ils en sont. Ils me demandent de l'aide pour apprendre à se connaître eux-même, savoir quoi faire face à des difficultés...

Elle rit doucement en plongeant son regard dans celui si profond et posé de son frère d'orphelinat. Il était évident que Fergus n'était pas le type de client à succomber à la volonté de se faire lire son avenir. Il était de ceux qui le créeraient eux-même, à la force de leur poignet. "S'être fait tout seul" semblait être une expression inventée pour lui.

- Tu es clairement quelqu'un qui sait ce qu'il est, ce qu'il vaut, ce qu'il veut. Pas mon genre de client.

Se disant, elle fit une grimace et l'envoya balader d'un petit geste de la main méprisante en direction de la porte, comme si elle le balayait de son espace vitale. Juste après, elle explosa de rire et le regarda avec beaucoup de tendresse. Elle était heureuse qu'il soit devenu ainsi au final. Elle écouta alors très attentivement ce qu'il lui disait, notant très bien l'utilisation d'une phrase "un gars de whitechapel qui se lance" mais qui se lancerait dans quoi ? Fergus était-il en train de monter une extraordinaire entreprise qui va changer la face du monde ? Elle sentit bien pourtant que l'homme avec un splendide H ne lui répondrait pas si facilement, tout plein de secret et de mystère qu'il était. Alors commença-t-elle en premier à s'ouvrir sur la vie qui la caractérisait:

- Oh, tu sais, tout se passe bien exactement. La sécurité de l'emploi est assez stable, si on ne nous demande pas de remplacer des numéros absents parfois, mais je n'ai pas de soucis à me faire. Suffit de me regarder pour savoir que je ne peux pas être contorsionniste. Je suis un peu mise à l'écart du cirque, autant géographiquement que dans l'esprit de groupe mais ça ne me dérange pas. J'ai besoin de calme et de silence pour interroger les cartes. Je suis très contente d'être ici, c'est clairement l'endroit qu'il me fallait... je pense même que c'est encore mieux que si j'avais monté ma propre boutique en ville, ici au moins, il y a un semblant de famille tu vois, un peu comme à l'orphelinat.

La cartomancienne sourit avec bienveillance, tapotant la table de ses doigts, ce qui semblait relever d'un tic nerveux particulièrement prenant. Elle avait l'habitude de le faire sur les cartes quand un sujet la troublait particulièrement et le faisait à présent autant naturellement que professionnellement. Elle regarda alors la bougie qui brulait en silence, prise dans une sorte de silence mélancolique qui les traversa comme un brouillard. Peut-être était-ce l'évocation de ce parallèle entre le cirque et l'orphelinat qui la mettait dans un tel soudain état. Comme si elle n'avait jamais été finalement capable de s'élever par elle-même mais qu'elle avait trouvé un moyen de se rattacher à un groupe qu'elle considérait comme une seule et unique famille immense, comme un seul coeur qui battait entre l'orphelinat qu'elle ne reverrait plus jamais et qui ne faisait déjà plus partie de son monde, et l'univers du cirque au-quelle elle ne parvenait pas non plus à parfaitement s'intégrer mais qui était ce qui ressemblait le plus à une semblable famille. Elle avait beaucoup d'amis là-bas, elle en maternait certains, comme autrefois même. Son regard finit par retourner voir celui de Fergus, avec ce petit sourire triste et tendre.

- Et toi, dans quel entreprise t'es-tu donc "lancé" comme tu me dis si joliment ?

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