Âge : 29 Emploi : Il en a beaucoup: Voleur, chasseur, guide d'expéditions en Afrique. Aujourd'hui, il tient une librairie à Southwark, non loin de la limite avec Whitechapel Informations : 1m83, 80kg
Droitier. Fumeur. Voix claire. Avatar : Leonardo Dicaprio Quartier Résidentiel : Southwark Messages : 265Date d'inscription : 03/01/2018
Quèk’part dans Londres.. euh.. date ?... On s’en fout !
Le Chasseur n’était pas du genre à se laisser perturber par des interventions extérieures qui marchaient sur ses allées et les paroles murmurées de la jeune femme qui venait prendre la défense du petit embourgeoisé à la conscience par trop volubile ne reçu de sa part qu’un regard discret mais étrangement pétillant d’espièglerie et net pour quelqu’un d’aussi saoul. Ivre, assurément, Allan l’était, mais pas incapable de réfléchir et de manœuvrer, masquant son jeu tel un habile joueur de poker un peu embrumé. Il avait bu, mais il avait encore une bonne netteté d'esprit. Même s'il n'était pas à 100%, ses instincts nés d'années d'expérience à survivre autant dans la rue que dans la jungle compensaient quelque peu.
Qu’ils étaient mignons, ces deux-là, essayant de prendre la défense l’un de l’autre. -Tu me tirerais presque la larmiche à l’œil, la géraldine ! Murmura-t-il avec la même discrétion… et un petit rire amusé. Ses états d’service, j’m’en fous complètement et c’était pas une question. J’voulais juste lui montrer que quand on a des trucs à cacher, on ferme sa grande gueule devant des paires d’oreilles dont on n’sait rien du degré de confiance à accorder, bordel. Même si ça perd en charme romantique du drame fataliste de la mort façon Roméo et Juliette, on évite quand même d’leur donner l’impression qu’il y a à bouffer dans la chaumière, si on a un poil d'jugeotte.
Il regarda le Roméo en question avec cette même lumière dans les yeux : -T’inquiète pas, mon gars. Ch’uis pas du genre à m’défendre en pointant les autres du doigt… tant qu’on m’joue pas c’te valse en retour. Si on l’fait, j’me gêne plus. Mais fais gaffe quand tu causes quand même, okay, cul d’pélican ? Toute sa vie, Allan avait été un pragmatique, faisant peu cas de sentiments, surtout des siens propres, mais cela ne l’empêchait pas d’être réglo. D’aucun qui l’avait côtoyé le savait : il ne caftait pas tant qu’on ne caftait pas sur lui. Mais si on commettait cette erreur, il avait toujours des « dossiers » à fournir et savait à qui les fournir.. et il mettait un terrible sadisme revanchard à mettre dans les pires ennuis quiconque avait tenté de le mettre, lui, dans les ennuis. Mais cela ne l'empêchait pas d'avoir des élans de quelque chose qui se rapprochait de la générosité... et un bon conseil ne tapait pas trop fort dans le portefeuille. C'était son bon côté, d'une certaine façon. Allan avait beaucoup de défauts, mais il n'était pas vraiment un mauvais bougre.
Après un petit clin d’œil à l’adresse des 2 et sans attendre de réponse en particulier, il s’apprêta à s’éloigner quand quelque chose lui frappa l’esprit, il regarda l’homme puis la femme, et alterna ainsi quelques secondes : -Attends ! Comment tu l’as appelé ?! Fit-il à voix haute, cette fois-ci. Il regarda plus attentivement le jeune homme qu’il avait enlacé quelques instants auparavant. Il se disait que sa tête lui parlait, mais… ce n’était pas possible ! Il fit un écran de ses mains pour n’avoir que le visage de l’homme dans son champ de vision, faisant abstraction des vêtements... et titubant légèrement, essayant de le rajeunir mentalement. -Nom d’un…
Alors ça ! Si on avait parié qu’il retrouverait un vieil ami en pareille circonstance, il n’en aurait pas douté, vu son passé quelque peu tumultueux, mais n’aurait pas misé sur autant de temps avec celui-ci. Au moins cette arrestation surprise avait quelque chose de bon. -Ewen ! C’est pas vrai ! C’est toi ? T’es encore vivant ? Bordel qu’ça fait plaisir d’te r’voir ! S’exclama-t-il en faisant, cette fois-ci une franche accolade et parlant à la vitesse d’un train fou. -Bon sang ! J’t’avais pas reconnu, attifé comme ça ! Non mais r’gardez-moi ça ! Mais t’es beau comme un Pape ! Où t’as déniché ces nippes ?! J’veux l’adresse de ton tailleur ! Ben merde alors !
L’adresse du tailleur était un vieux code de la rue pour dire qu’il y avait un endroit bon à « visiter », passant facilement pour un truc complètement anodin. Détournée, cette expression était même passée dans les hautes sphères, tantôt sincère, tantôt sous-entendant "...Que je n'y ailles jamais" quand on trouvait le vêtement moche mais qu'on était trop hypocrite pour le dire en face au nom des empereurs de l'hypocrisie: les convenances. A moins que ce ne soit l'inverse: une expression de salon passée au fil du temps dans la fange et la crasse des bas-quartiers la moquant en la détournant... mais on s'en fout, au final. Bien qu’Allan n’avait pas l’intention de retourner dans la délinquance, il avait cependant gardé certaines de ces expressions réflexes... et elles revenaient d’autant plus vite qu’avec le petit O’Hara, il ne s’était pas contenté de jouer aux billes et regardé les bateaux passer. Compagnons d’infortune qui allaient chercher ce qui manquait là où il se trouvait, sans forcément demander la permission aux propriétaires des lieux. En un temps de lucidité, il se souvint qu’il était partit il y a presque 10 ans. Et qu’il n’était qu’un jeune adolescent à l’époque. Du coup, il était possible qu’Ewen ne l’ai pas reconnu.. quoique.. il avait prononcé son nom, donc non : il l’avait reconnu… bien plus physionomiste que le Allan, l’animal.. ou alors moins aviné ! -Comment tu m’as r’connu après tout c’temps ? Et qu’est-ce que tu deviens, mon vieux ? il regarda la jeune femme qui accompagnait son vieux complice, même s’ils n’étaient pas arrivés en même temps, ils semblaient se connaître.. et même très bien se connaître. -Et c’est qui, la damoiselle qui semble pas avoir trop l’profil à s’retrouver dans c’genre de merdier ? Demanda-t-il avec un sourire coquin qui signifiait « Petit canaillou d’cachottier. Alors, on court la fille en douce des potes ? »
Je n'aime pas me décrire...mais on me dit quelqu'un de gentil, tolérant envers beaucoup de choses; et il est vrai que le Seigneur m'aide à voir le bien dans le cœur de tous. Cependant, cette même capacité me rends aux yeux des gens très fanatique et naïf. Je n'avais jamais vu les choses sous cette angle, mais il faut croire que les gens ne voient en moi qu'un pasteur de pacotille. S'il y a une facette de moi que j'apprécie particulièrement, c'est le fait que je sois quelqu'un de très romantique ! Même si tout le monde préfère dire que je suis quelqu'un de niais...mais ne croyez pas que je sois stupide, car il m'arrive d'être très fier et impulsif. Je ne suis pas très courageux, mais je ferai toujours de mon mieux pour protéger les gens que j'aime, comme mon petit frère. J'ai aussi une profonde attirance pour les rousses. On me surnomme Quasimodo à cause de mon apparence quelque peu trapu -et certes poilu bien que blond, par opposition à la magnificence de mon frère. Avatar : Ewan McGregor Quartier Résidentiel : Whitechapel Messages : 255Date d'inscription : 13/10/2016
Voilà bien une demi-heure que Jonathan attendait, anxieux, à son bureau dans la sacristie de son église. Il préparait, comme à son habitude, un sermon qui prendrait à la gorge les métaphysiques éculées d’une Bible trop lointaine de son peuple. Mais aujourd’hui, il était incapable de se concentrer, car sa douce était partie dans les ruelles mal-famées de Whitechapel. Le pasteur aurait voulu le lui interdire, prétexter que c’était beaucoup trop dangereux et qu’elle était à présent mieux ici. Sa renarde sauvage aurait pu lui répliquer qu’elle connaissait le quartier comme sa poche et qu’elle y avait survécu depuis bien plus longtemps que lui-même ne la connaissait. Elle aurait eu raison… mais il n’appréciait pas cela. Le pasteur était pétrifié à l’idée qu’elle ne puisse être forcée de reprendre son ancien travail, et espérait que ce ne fut qu’une sortie pour acheter des légumes – ou pour rendre visite à une amie.
Sa crainte le rendait irrémédiablement nerveux, et ses doigts tapotaient sur le bois, sur sa bible, sur sa croix et sur le parchemin. Tout un ensemble de cliquetis contre des ongles bien entretenus, qui donnait quelques rythmes à la danse endiablée de son pessimisme. Il avait un mauvais pressentiment, celui-ci ne faisait que grandir tandis que chaque seconde s’accordait en accord mineur qui battait dans son coeur. Bientôt, il ne put même plus écrire un mot supplémentaire et savait que tout ce qu’il venait d’écrire dans l’heure serait à jeter.
Jonathan avait besoin de la présence de Lucy à ses côtés, de sa douceur et de la tendre inexpressivité mélancolique de son visage. Non, ce n’était pas pour la contrôler – cherchait-il à se rassurer – ce n’était que pour la protéger, par peur que quelque chose ne lui arrive… elle lui était si précieuse. C’était tout nouveau pour lui, ce profond sentiment violemment coloré, empli de la forme la plus pure et la plus incroyable de l’amour. Et la personne qui éveillait et réconfortait ses élans terrifiants se trouvait quelque part dans le brouillard du bas-fond londonien, sous la pluie, avec trente minutes de retard. Être ami avec Felix Adler l’avait rendu tatillon sur ce genre de détail.
Quelques secondes plus tard et il ne tint plus. Il se saisit de son manteau-cape, l’accrocha autour de ses épaules et prit son ridicule chapeau de pasteur – qui malgré tout protégeait très bien de la pluie, pour ensuite foncer dans les ruelles humides. Il n’y avait pourtant pas âme qui vivent, tous se cachaient de ce misérable crachin qui clapotaient dans les flaques, confondant les contours. Peut-être s’était-elle réfugiée dans une taverne plutôt que d’affronter le froid, ce qui serait parfaitement normal. Passant devant les vitrines de quelques établissements, le pasteur affronta sans sourciller les regards suspicieux des clients qui l’observèrent de haut en bas, le scrutèrent jusqu’à ce qu’il quitte leur champ de vision. Ce n’était pas une scène anodine. Jonathan commençait à perdre patience ; étonnement, il n’était pas vraiment connu pour cette vertu. Son regard se baissa vers chaque petite silhouette encapuchonnée qui pourrait correspondre. Il chercha l’éclat de ses cheveux dans le moindre chapeau, le moindre parapluie, le moindre renfoncement de porte aux coins d’un tournant. Pris d’un découragement, l’homme de foi se posa sous un balcon et se frotta les yeux. Qu’il était bien ridicule. Peut-être était-elle déjà à l’église, pendant que lui se damnait à chercher une ombre dans les murs ; tout ça parce qu’il était devenu terriblement paranoïaque depuis la seconde où ils s’étaient enfin avoué leur amour.
Jonathan soupira d’un coup, comme pour pouvoir expulser tout le stress qui grondait en lui. Peine perdue. Il se sentait capable d’inculquer la bonne parole d’un coup de poing bien placé si le moindre ivrogne venait lui souffler son immonde jus de vers dans le visage. Stratégique. Il devait penser stratégique. Tout quartier possède ses sous-quartiers, pâtés de maison, ruelles… au moment où le pasteur se faisait une carte mentale de Whitechapel, des passants se mirent à courir en direction d’une ruelle bondée. Sentant ses tripes se nouer et la fièvre lui mordre le cou, Jonathan se mit à courir avec eux.
Milles mots ne sauraient pouvoir décrire d’une façon originale la scène que trop habituelle qui se dévoilait sous les yeux curieux des badauds. Un meurtre, un de plus. Le pasteur ne fit pas attention à sa force quand, poussé par la peur panique d’une mauvaise nouvelle, il écarta plusieurs passants d’un grand mouvement du bras qui en fit tomber quelques uns, bien malingre, au sol. Voilà que ce n’était pas sa bien aimée étendu sur le sol, Jonathan revint aussitôt vers les pauvres gens qu’il aida à relever tout en s’excusant platement. Mais sa voix tremblait encore de la panique qui avait étreint tout son esprit. Voilà exactement pourquoi il ne supportait pas de ne pas savoir où elle se trouvait. Ce quartier était un coupe-gorge. Il avait réussi à se tenir à l’écart de ses ténèbres, mais à présent que son coeur avait été capturé par une de ses ombres, il ne pouvait plus faire l’impasse. Serrant les dents, il vit quelques policiers s’emparer d’une femme qu’ils commençaient à emmener vers l’une des rares cliniques encore debout du quartier. Pourquoi donc ? Jonathan s’approcha de l’un d’entre eux, resté en faction et demanda :
— Excusez-moi mon brave, pourquoi emmenez-vous cette femme à l’écart ?
Le policier remua sa moustache dans sa direction et dodelina de la tête vers son collègue avant de revenir vers lui :
— Rév’rend, c’est pas vraiment d’votre ressort. Laissez-nous faire not’travail.
Il mangeait ses syllabes d’une façon si désinvolte que Jonathan dut faire appel à la toute la compassion du Seigneur pour ne pas se craquer les doigts de nervosité. Il lui arrivait de bégayer sous la gêne, mais c’était car il voulait faire de son mieux pour être bien compris – et ne pas marmonner dans sa barbe, le tout sans élégance. Jonathan baissa la tête, et en la redressant, fit son plus beau sourire de bonimenteur et poursuivit :
— J’aimerai voir les personnes que vous avez emmené. — Allons Rév’rend, soyez pas bête, laissez-nous travailler...
Le pasteur prit une profonde inspiratioN. « Que le Seigneur me vienne en aide. »
Une porte s’ouvrit à la volée dans la clinique, et tous ceux qui n’étaient pas soit mourant, soit alcoolisé, se retournèrent en direction de celle-ci. N’ayez crainte, Jonathan ne s’était pas jeté dans un combat éperdu contre un agent de police uniquement pour être jeté dans la clinique. Ce n’était pas là qu’il aurait été mis mais directement en cellule de dégrisement. Non, le pasteur avait fait preuve d’un peu plus de subtilité. Il n'y avait aucun malentendu qu'un bon vin de messe ne pouvait régler. Un rapide coup d’oeil lui permit aussitôt de discerner la personne de ses pensées. Elle irradiait de sa beauté en toute circonstance, même à cet instant. Il était impossible de la manquer, tant elle ressemblait à une véritable bougie qui dépérissait dans un timide coin de la salle, à éviter la peste et les gens. Jonathan n’attendit pas une seule seconde de plus. Il referma la porte derrière lui pour ne pas laisser s’enfuir les autres – qui pouvaient potentiellement être vraiment d’immondes suspects dans cette affaire. Il s’approcha d’elle et sans se soucier une seule seconde des regards alentours, comme s’ils n’étaient plus qu’eux deux dans cette puanteur maladive, il l’étreignit de toutes ses forces, rassuré. Tout le stress accumulé durant cette lourde recherche s’évapora d’un coup d’un seul dans les airs.
— J’ai eu si peur… murmura-t-il.
Jonathan caressa ses cheveux et à chaque mouvement, son angoisse s’échappait. Bientôt, il se sentit suffisamment calme et de retour à la condition première de son coeur doux pour s’écarter d’elle – ses mains toujours sur ses épaules :
— Que se passe-t-il ? Pourquoi tu es ici ? Tu n’es quand même pas considérée comme une suspecte, c’est stupide...
Tout en disant cela, le pasteur passa un rapide coup d’oeil – moins détaillé mais plus ouvert, sur tous les autres. Il remarqua son frère et voulut s’approcher de lui, Lucy à son bras :
— David, toi aussi tu es ici… tu en sais davantage ?
plumyts 2016
David P. A. Williams
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Âge : 35 Emploi : Chirurgien. Informations : Est né en Écosse. • Vient d'une famille de petits bourgeois. • Son père est pasteur. • A été abusé par sa mère pendant plusieurs années. • Santé fragile. • A passé quelques semaines à l'asile à cause de son homosexualité. • A un très fort caractère. • Arrogant parfois. • Se drogue. • Fume occasionnellement. • A tenté de suicider. • En a conservé les cicatrices sur son avant-bras. • A des marques de piqûre au niveau du coude. Avatar : James McAvoy Quartier Résidentiel : City of London. Messages : 84Date d'inscription : 27/09/2016
Le temps était long, l’air lourd, l’ambiance insupportable. David ne croyait pas au destin et pourtant, quand il voyait tout le monde se retrouver, se connaître, il ne pouvait pas croire à la simple coïncidence. Cela l’agaçait presque. En particulier l’épouse et ce qui semblait être son amant. L’ivrogne était en plus familier avec le jeune homme peu fortuné. Harry qui avait déjà rencontré cette femme, qui avait fait partie des patientes de David avec la prostituée. Silencieux et amer, il regardait vaguement la plainte au bas du mur marqué par de vilaines taches noires, rongé par l’humidité. La pourriture étendait son étreinte sur la pierre de la clinique, contaminant le calcaire devenu anthracite par la pollution aux fumées de charbon des usines de Southwark. Le chirurgien souhaitait juste rentrer chez lui. Il n’avait pas envie qu’Harry le touche, même subtilement. S’il préférait parler à la dresseuse de fauves d’O’Farrell, grand bien lui fasse, mais David n’avait aucunement envie d’en être mêlé. S’il voulait retrouver rapidement son appartement dans la City, il allait devoir se montrer docile, même s’il y avait de fortes chances pour que tous passent la nuit ici au milieu des mourants. Il poussa un profond soupir las.
Une nouvelle personne fit son entrée dans la clinique et David crut qu’il allait pousser un juron agacé en voyant son frère. En temps normal, le chirurgien appréciait énormément son aîné, ce dernier ayant toujours été là pour lui et étant peut-être l’âme la plus pure que cette terre ait porté. Mais sa présence parmi eux vint souligner cette insupportable coïncidence où tout le monde semblait connaître tout le monde. Mais la surprise fut plus grande encore quand son pasteur de frère se tourna vers la prostituée que David avait soignée. Les deux personnes s’étreignirent sous l’œil médusé et dégoûté du benjamin des Williams. Une profonde envie de vomir lui saisit la gorge, ses poings se serrèrent sur ses cuisses. Comment Jonathan pouvait-il tenir une prostituée dans ses bras ? Cette femme était agressive et froide, sûrement véreuse et vénale. Jonathan était trop prude, trop naïf, trop seul pour ne pas voir la supercherie d’une femme de joie. David ne pouvait pas concevoir que cette catin fut été uniquement une amie du pasteur. Celui-ci avait toujours été tactile. Mais jamais comme dans un cas comme cela. Peut-être était l’esprit mauvais du chirurgien qui lui jouait des tours. Jonathan se tourna alors vers lui et posa une question qui finit d’anéantir les derniers efforts de son frère pour demeurer courtois.
— Pourquoi en saurai-je davantage ?
Le ton était tranchant, agressif et l’œil était mauvais. D’un regard bref, il vit son frère s’approcher de lui mais, par l’azur électrique de ses iris, il lui fit bien comprendre que cela ne valait pas la peine pour le pasteur d’approcher davantage. David se leva même pour, se soustrayant à la portée d’Harry pour mettre le plus de distance possible entre les deux hommes. Il voulait juste rester dans son coin, fermer les yeux sur cette scène grotesque et se faire oublier et surtout oublier ce qu’il venait de voir. Il ne pouvait s’empêcher d’avoir une image de cette putain, capable de refiler la moindre maladie à Jonathan rien qu’en le touchant. Il se moquait bien du possible amour sincère qui pouvait les unir. Pour David, cela été clair : elle voulait un toit pour dormir et de quoi manger tous les jours et quoi de mieux qu’un pasteur candide. Son abruti de frère était trop accroché à ses valeurs d’amour véritable qui ne pouvait pas voir le mal chez sa compagne. Comme il n’avait pu le voir chez son ex-épouse. Dégoûté, il partit s’appuyer sur un autre mur, loin de Jonathan et sa pute, loin d’Harry et son amie la garce du cirque, loin de l’ivrogne et son ami, de l’amante de ce dernier. Il y avait l’autre pauvresse qui n’avait rien fait de mal mais David était peu enclin à s’ouvrir aux autres.
Il était profondément déçu par Jonathan et n’avait pas envie de faire le moindre effort pour être courtois envers la cliente de Harry. Les bras croisés, ne voulant même pas poser ses yeux sur cette femme qui lui donnait la nausée rien qu’en la regardant, il préféra fermer ses paupières, posant ce voile noir protecteur sur sa vision. Vu son état, s’aveugler volontairement était toujours préférable que de l’être par ses propres émotions, comme c’était sûrement le cas de Jonathan. Il n’avait pas envie de rentrer en conflit avec lui. Le pasteur ne comprendrait d’ailleurs probablement pas ce que David leur reprochait à tous les deux. Il n’avait pas envie d’entendre les sermons interminables sur les voies impénétrables du Seigneur qui les avait volontairement poussés à tous être réunis en ce jour et en ce lieu. Le chirurgien ne croyait pas au destin. Dans son esprit pratique et cartésien, il n’expliquait que cette situation par une sorte de complot étrange. Ou alors une insolente coïncidence. Mais la situation était absurde, désagréable.
L’air putréfié couplait à cette vision sordide de son frère enlacer une putain lui tordaient les entrailles, lui donnait le goût amer de la bile dans le fond de sa gorge. Peut-être devait-il relâcher le tout plutôt que d’éructer sa colère par des mots acérés. Le renvoi des sucs gastriques serait facilement justifiable par l’odeur intenable ou la vision des corps. Cela faisait mauvaise mine pour un chirurgien cependant, lui qui avait vu des choses bien pires tout au long de sa vie, des corps bien plus abimés et écorchés que de simples tuberculeux. Mais il ne pouvait s’empêchait d’imaginer son frère dans une de ces cliniques si celui-ci venait à devenir un client régulier et privilégier de la catin. Son jugement était peut-être biaisé par ses nuits courtes dernièrement et le fait d’être accusé injustement pour un crime qu’il n’avait pas commis. Sa condition d’homosexuel était également une épée de Damoclès qui pesait au-dessus de lui et qui suffirait à le faire pendre, prouvant que les séjours à l’asile étaient infructueux sur sa personne. De plus, il était indéniablement frustré de ne pas avoir pu sa sortie romantique avec Harry qui risquait de les griller à la vue de tous car David était également nerveux à l’idée d’être ainsi exposé à la vue de tous en présence d’Harry qui était beaucoup trop insouciant pour avoir conscience de la « maladie » qui les concernait tous les deux. Ainsi, se tenir à l’écart de tout le monde était peut-être la plus sage décision à prendre pour l’humeur de tout le monde.
plumyts 2016
Lucy E. Wood
Âge : 30 Emploi : Fille de joie Avatar : Eleanor Tomlinson Messages : 512Date d'inscription : 15/02/2017
Sujet: Re: EVENT N°4 - BEHIND CLOSED DOORS Ven 3 Jan - 14:58
Event n°4 – Behind Closed Doors.
« Whitechapel »
Octobre 1892
L’air putride, vicié par la toux des agonisants, inquiétait bien plus Lucy que cette stupide démonstration de force d’une police exécrée qui l’avait traînée sans ménagements au cœur de cet infâme mouroir. Et le danger d’une telle promiscuité avec les misérables tuberculeux qui gisaient çà et là était tel que la fille de joie en venait à se demander s’il ne s’agissait pas là d’une manœuvre habile, destinée à se débarrasser des potentiels suspects dans cette affaire de crime sordide de prostituée. Si l’aversion de la jeune rousse pour les milices royales frisait la paranoïa, force lui était d’admettre que cette déduction restait malgré tout tirée par les cheveux, et que cette haine même de la police s’exacerbait aujourd’hui par le choc causé par l’abominable contemplation du supplice de sa comparse d’infortune. Mais Lucy était en colère surtout. Parce que Jonathan l’attendait, parce qu’elle était déjà en retard, et parce qu’elle le savait si inquiet de sa minable petite personne qu’elle pouvait trop bien se l’imaginer en cet instant, à se triturer les mains et à faire les cent pas, à se demander si la prostituée misérable dont il s’était entiché ne gisait pas au fond d’une quelconque ruelle de Whitechapel.
Un regard vers le ciel l’irrita plus encore. Le soleil, boudeur, ne montrait pas la moindre lueur de ses rayons pâles étouffés par l’acier des nuages gonflés de pluie qui crevaient sur la capitale. L’atmosphère de sépulcre, grisâtre et triste, n’aidait guère Lucy qui, de fait, n’avait aucune notion de temps, elle qui repérait l’heure grâce au soleil, ne sachant pas la lire sur un cadran. Aucun moyen donc pour la fille de joie de savoir si Jonathan s’impatientait de son léger retard, si l’inquiétude commençait à poindre son voile noir en son cœur trop tendre ou si, complètement affolé, il ne s’était pas déjà précipité sur le parvis de l’église, dans le but d’arpenter Whitechapel à sa recherche. Le soulier droit de Lucy battait le sol, dans le geste inconscient et anxieux de quelqu’un qui cherche à contrôler ses nerfs sur le point d’exploser. C’était d’un grotesque, de se retrouver ainsi cloîtrée de force pour le meurtre sordide d’une de ses acolytes, quand les affres de la peur terrible d’un sort similaire lui avaient rongé les entrailles de longs mois durant !
Et il y’avait cet homme qu’elle s’évertuait à ne pas confronter du regard, honteuse d’une ingratitude à son égard qui ne lui ressemblait pas, mais qu’elle mettait sur ses nerfs, rendus à vif à l’époque par les sévices infligés à ses comparses par ce dénommé Jack L’Eventreur dont la police, jamais, n’avait pu retrouver la moindre trace. Aussi gardait-elle son regard baissé, non sans avoir adressé un léger sourire à la toute jeune fille blonde, qui, à n’en pas douter, faisait partie de ses infortunées collègues. Et ses yeux d’azur polaire se baissaient de nouveau vers la pointe de ses souliers, luttant contre la colère de s’imaginer l’angélique pasteur se ronger les sangs sur son minable sort, et de ne rien pouvoir y faire, coincée là, résignée à subir la sinistre symphonie de la toux et des râles des agonisants, qui se mêlait aux cris paniqués de la noble dame qui, enfin, avait cessé de s’humilier en tambourinant sur la porte de ses petits poings fermés.
La porte de la clinique de fortune s’ouvrit à la volée, avec une violence telle que Lucy releva la tête brusquement, son cœur tambourinant avec frénésie dans sa poitrine frêle. Et il était là, surplombant la scène désolante et grotesque de toute sa splendeur blonde, embrassant d’un regard effaré les protagonistes improbables réunis au sein de cette clinique désaffectée qui laissait agoniser ses malades entassés sur des brancards de fortune. Il ne lui fallut que quelques secondes pour la repérer, malgré ses efforts pour se faire petite au beau milieu de cette piteuse scène, mais beaucoup trop reconnaissable, le visage auréolé de cette tignasse flamboyante et brouillonne qui luisait à l’air libre, le châle noir détrempé par la pluie ayant glissé sur ses épaules lors de sa vaine lutte avec l’agent de police de la Reine. Lucy avait à peine eu conscience qu’il était bien là, lui, le pasteur à la splendeur rayonnante, dont la candeur des traits se tiraient du masque de cette colère inquiète qu’elle lui avait parfois vu, et qui pouvait se révéler terrifiant. Et elle ne s’était même pas remise sur ses pieds encore, et les battements de son cœur n’avaient pas repris leur rythme régulier et monotone, qu’elle se sentit presque soulevée de terre, et que son visage s’écrasait contre l’épaule large de Jonathan qui la serrait à l’étouffer, révélant là la véracité des craintes de Lucy. Sans doute l’avait-il déjà crû morte, pour s’être ainsi enfoncé dans les ténèbres putrides de Whitechapel, et si vite suivre son sillage jusqu’à cette clinique désaffectée, dans laquelle avait pénétré en trombe :
- Mais non…Ce n’était rien…Comment tu as fait pour me retrouver ?
Lucy marmonnait cela à demi-étouffée dans la chemise d’encre du pasteur, ne sachant guère s’y prendre pour le rassurer. Sa présence ici, en vie et entière, suffisait sans doute à apaiser les inquiétudes de Jonathan qui, déjà semblait se remettre de ses émotions, passant dans la crinière rousse une large main dont le tremblement s’amenuisait à chaque passage. Et une fois ses esprits recouvrés, il écarta de lui-même le frêle qu’il avait enlacé avec la fougue de la panique et la joie du réconfort de savoir ses plus terribles craintes infondées. Les larges paumes recouvrirent les épaules maigres de la fille de joie, tandis qu’il la surplombait de toute sa hauteur, faisant là part de son ahurissement face à cette scène si ridiculement improbable qu’elle en devenait presque grotesque. Et c’est une Lucy sous le choc, qui s’était fait la plus discrète possible jusqu’à maintenant, qui tenta d’expliquer la situation, une colère teintée d’horreur perçant sa voix :
- Il y’a eu un meurtre…A Whitechapel…Une…Une…femme, je ne sais pas si tu l’as vue…Oh Jonathan, c’était encore pire que dans mes cauchemars ! Moi je passais juste…J’allais à l’Eglise…Et puis cet imbécile de policier…Il m’a attrapée et il m’a pas laissé le temps de m’expliquer…Ils nous ont enfermés là sans explications, et on attend sans rien savoir !
Devant Jonathan, honteuse comme toujours, le qualificatif de ce qui avait été son gagne-pain durant tant d’années n’était pas parvenu à s’extirper de ses lèvres pâlies par l’atrocité d’un spectacle qu’elle avait tant redouté, et elle tremblotait encore un peu des pieds à la tête en évoquant la scène de crime abominable dont elle avait été un des témoins malheureux. Et comme de coutume avec Jonathan et la foi aveugle qu’elle lui vouait, elle se laissait entraîner sans réfléchir dans son sillage, tandis qu’il glissait un bras sous le sien, et elle ne s’aperçut que trop tard qu’il la menait tout droit à l’homme dont elle avait pris soin d’éviter le regard depuis qu’ils étaient cloîtrés ici. Et ils étaient très familiers, à en juger par le naturel avec lequel Jonathan l’abordait, et Lucy devenait pivoine, parce que le médecin du St Bartholomew’s Hospital les embrassa d’un regard chargé d’un tel mépris qu’elle comprit que malgré sa générosité lors de leur première rencontre, il ne lui avait pas pardonné l’affront qui lui avait été fait. La fille de joie déglutit, oscillant entre colère, malaise et honte, devant le ton employé par le chirurgien pour s’adresser à Jonathan. Et c’est bien parce qu’elle avait la conscience honteuse qu’elle ne répliqua rien, pour s’être montrée ingrate et agressive envers un homme qui, malgré sa mauvaise humeur, avait été une des rares personnes à lui octroyer un service sans rien lui demander en retour. Lucy n’avait guère de rancœur, plutôt même de la gratitude envers ce médecin dont le ton injurieux, s’il l’avait profondément mise en colère sur le moment, était oublié depuis longtemps, effacé par les sévices bien plus sordides qu’elle devait essuyer chaque nuit et devant le service qu’il lui avait rendu sans même la connaître. Pourtant il semblait lui garder une rancune terrible, ou peut-être était-ce envers Jonathan, ou bien aux deux, parce qu’il s’écarta du couple soudainement et avec un tel mépris que Lucy ne parvenait pas à croire que seule son altercation sans gravité avec le Docteur Williams était cause d’un tel dédain. Docteur Williams. Révérend Williams. Ce fut à cette seconde que l’illumination, enfin, se fit dans l’esprit perturbé de Lucy, et un nœud sembla se former au creux de son estomac, dépitée par une telle malchance qui lui écrasait les épaules. Pour une fois, une des fois rarissimes où la fille de joie aux nerfs aguerris perdait le contrôle d’elle-même, il fallait que ce fut face à un membre de la famille de Jonathan. Lucy déglutit de nouveau, rivant ses yeux au sol tandis qu’elle profitait de l’éloignement de l’homme pour confesser sa faute aux oreilles du pasteur de Whitechapel, qui, elle l’espérait, accueillerait son aveu avec tolérance ;
- Jonathan…Je…Cet homme…C’est ton frère ?
Lucy avait parlé à voix basse, les joues cramoisies, dépitée mais résignée à devoir avouer sa mauvaise conduite, ne désirant guère que l’angélique pasteur ne se tourmente en se demandant ce qu’il avait bien pu faire à son propre frère, quand son courroux n’était dû qu’à elle seule.
Je n'aime pas me décrire...mais on me dit quelqu'un de gentil, tolérant envers beaucoup de choses; et il est vrai que le Seigneur m'aide à voir le bien dans le cœur de tous. Cependant, cette même capacité me rends aux yeux des gens très fanatique et naïf. Je n'avais jamais vu les choses sous cette angle, mais il faut croire que les gens ne voient en moi qu'un pasteur de pacotille. S'il y a une facette de moi que j'apprécie particulièrement, c'est le fait que je sois quelqu'un de très romantique ! Même si tout le monde préfère dire que je suis quelqu'un de niais...mais ne croyez pas que je sois stupide, car il m'arrive d'être très fier et impulsif. Je ne suis pas très courageux, mais je ferai toujours de mon mieux pour protéger les gens que j'aime, comme mon petit frère. J'ai aussi une profonde attirance pour les rousses. On me surnomme Quasimodo à cause de mon apparence quelque peu trapu -et certes poilu bien que blond, par opposition à la magnificence de mon frère. Avatar : Ewan McGregor Quartier Résidentiel : Whitechapel Messages : 255Date d'inscription : 13/10/2016
Sujet: Re: EVENT N°4 - BEHIND CLOSED DOORS Dim 12 Jan - 23:32
Event n°4 – Behind Closed Doors.
I’ll fight every circles of Hell to get to you.
Octobre 1892 – Clinique de Whitechapel
— Tu étais en retard, j’ai paniqué, c’est tout…
Jonathan était rarement laconique dans ses paroles, bégayant bien trop et reprenant souvent ce qu’il venait de dire une fois qu’il parvenait enfin à finir une phrase sous la gêne… avant de la poursuivre et d’expliquer ce qu’il venait de réussir à dire avec tant d’efforts. Mais tout ce qu’il désirait à présent, c’était mettre de côté ce malencontreux événement et rentrer tous les deux à l’église. S’il s’expliquait avec les gardes, nul doute qu’ils les laisseraient partir tous les deux. En tout cas l’espérait-il, bien naïf qu’il était. Mais voir son frère parmi les emprisonnés ici avait changé son plan ; pourquoi pas faire d’une pierre deux coups, se disait-il tout heureux. Après tout, même si l’environnement laissait à désirer, pourquoi ne pas rendre ce passage obligé un peu plus agréable ? Tandis que Lucy lui expliquait la désastreuse situation dans laquelle ils étaient retenus captifs, Jonathan l’emmenait galamment auprès de David. Il était si content de pouvoir se présenter à son frère au côté de celle qu’il entendait bien faire devenir sa future femme. Leur relation était encore si fragile et sensible, tellement de barrières restaient encore à abattre – principalement à cause du passé tumultueuse de la demoiselle à la crinière sauvage, mais le pasteur voulait y croire de toutes ses forces. Cet amour était la preuve que quelque chose de vraiment plus grand que l’être humain pouvait être à l’œuvre, que les épreuves de Dieu n’étaient qu’une préparation à un plus grand bonheur encore. Il en était persuadé.
Mais voilà que son frère ne faisait que peu preuves d’enthousiasmes, et c’était un euphémisme de le dire. Jonathan pouvait comprendre que ce dernier avait des choses plus intéressantes à faire que lui parler, à en juger rien qu’à la présence de son cher ami Harry, mais réagir comme ça n’en était pas moins désagréable. Sans ouvrir la moindre possibilité au dialogue, il s’écartait déjà, s’éloignant à la fois de lui et de sa bien-aimé mais également du vétérinaire – ce qu’il ne comprenait vraiment pas. Cela aurait put en rester là, mais Jonathan était quelqu’un de têtu – surtout ce qui concernait son frère. Têtu, et légèrement fanatique quand il s’agissait de le défendre ; lui qui l’avait connu depuis tout petit, veillant sur lui malgré qu’il était plus faible, moins combatif, moins intelligent et moins beau. Mais la femme qu’il tenait à son bras portait dans son coeur cet amour aveugle qui faisait de lui l’être le plus fort, le plus combatif, le plus intelligent et le plus beau que la Terre ait jamais porté, tout ça au travers de ses beaux yeux. Il voulait fièrement montrer qu’une personne comme elle pouvait exister et l’aimer. Après le fiasco monumental qu’avait été son mariage arrangé, que David n’avait pas approuvé, Jonathan voulait lui prouver qu’il ne refaisait pas les mêmes erreurs que de laisser sa vie être dicté par autrui. Leur père n’approuverait certainement pas cette alliance et c’était tant mieux. Difficile de se dire rebelle une fois la trentaine passée pourtant.
La petite voix de Lucy le ramena sur terre, lui demandant si c’était bien son frère. Elle avait l’air si profondément inquiète, les joues rouges se mélangeant aux mèches de ses cheveux. Le pasteur aurait pu fondre de colère s’il n’était pas au courant des préférences sexuelles de son frère, mais heureusement, il n’en était rien. La panique de sa bien-aimée le fit donc doucement sourire, tandis qu’il prenait l’une de ses mains entre les siennes :
— Oui, c’est mon petit frère ! Mais pourquoi cet air inquiet… ? L’aurais-tu... approché... comme lors de notre première rencontre... ? Ah… mais je ne m’inquiète pas, ce n’est pas du tout son genre.
Les mots étaient difficiles à sortir lorsque l’on devait en venir au précédent métier de Lucy - mais il fallait que Jonathan acceptait qu’il eut exister. La jalousie le brûlerait pourtant toujours au plus fort des feux de l’Enfer, même s’il fallait remettre les choses dans leur contexte : les clients du stupre avaient permis, deniers par deniers, à faire survivre la jeune femme qu’il tenait aujourd’hui dans ses bras. Mais plus le temps de penser à ça ! Jonathan suivit la marche de David, embarquant sa bien-aimé sur sa route.
— Voyons ! Ne t’enfuis pas comme un voleur, je voulais te présenter ! s’exclama-t-il avant de se positionner à côté de lui, le rouge aux joues – n’importe qui aurait pu deviner qu’il était trop heureux de le dire : Voici Lucy Wood, ma… ma fiancée !
Abrupte, oui. Mais il semblait encore un peu évident et convenu aux yeux de Jonathan – aussi puritain qu’il était dans sa vision de l’Amour, que sa vie était désormais liée à celle de l’ancienne prostituée. Il lui semblait également normal qu’ils finissent par se marier, parce que ce serait le point final qui mettrait un terme grandiose à l’existence misérable de cette dernière et enfin, Jonathan pourrait ne plus craindre pour sa vie. C’était en tout cas ce qu’il s’imaginait. Ce n’était peut-être qu’un anneau et un serment, mais pour le pasteur, cela signifiait beaucoup – c’était l’un des versants les plus importants de son métier, et il y mettait un grand soin. Ce n’était que la continuité naturelle de leur amour, et même s’ils ne s’étaient avoués que depuis trop peu de temps et qu’ils n’avaient jamais été au-delà des chastes caresses et des baisers passionnés. Jonathan baissa la tête, un peu gêné :
— Je sais que ce n’est peut-être pas le meilleur moment ni le meilleur endroit mais… je voulais que tu sois le premier au courant et c’est si rare en ce moment qu’on se croise… je pensais t’inviter à dîner avec nous deux la semaine prochaine, j’allais écrire la lettre.
Plus le temps passait, plus l’inconfort se faisait sentir. S’il n’y avait eu que les malades encore, soit – mais de nouvelles personnes ne cessaient de nous rejoindre ; des gens que mes compagnons d’infortune connaissaient, des gens avec qui ils conversaient, parfois comme si de rien était. Comme si nous n’étions pas enfermés pour suspicion de meurtre. Je leur en voulais d’être si insouciants alors même que nous risquions prison et maladie, pour aucune autre raison que celle de s’être trouvés au mauvais endroit, au mauvais moment.
Chaque nouvel arrivant venait compléter l’enquête de sa propre expérience, dont je n’avais que faire : je ne travaillais pas avec les forces de l’ordre que je sache, ce n’était pas à moi d’interroger les suspects ni même de récolter des indices. Pourtant, par la force de l’habitude, je prêtais tout de même une oreille distraite aux conversations autour de moi, qui ne m’inspiraient pas plus de d’amusement que d’antipathie. Les amis qui s’étaient rassemblés, les couples réunis ; ils ne faisaient que me rappeler ma propre solitude. Dans d’autres circonstances, cela m’aurait été égal ; mais aujourd’hui, alors que tous étaient présents les uns pour les autres, disposés à se soutenir mutuellement, je me rendais compte que j’étais bien seule. Une seconde de réflexion me suffit pour conclure que mes parents ne viendraient pas me chercher ici, à moins qu’ils n’y soient forcés par les autorités et ma sœur se moquerait sans doute de me savoir en danger. Avec une certaine ironie, je me rendis compte que le premier individu à se rendre compte de ma disparition serait mon client du jour, qui ne me verrait pas arriver au point de rendez-vous. Un parfait inconnu, qui pourtant, m’accordait plus d’attention et d’estime que ma propre famille. Serait-il prêt à venir me sortir de là, s’il savait où j’étais enfermée ? Probablement pas. Cependant, il s’en inquiéterait, ne serait-ce que l’espace d’un instant, lorsqu’on lui annoncerait que la zone était fermée du temps de l’enquête policière.
J’aurais aimé avoir moi aussi un amant, un ami ou un parent pour m’aider à surmonter cette épreuve. Je posais un regard jaloux sur les personnes qui m’entouraient dans cette salle exiguë - peu m’importait de savoir qui ils étaient ou ce qu’ils faisaient là, ils étaient présents et cela suffisait pour leurs compagnons qui ignoraient sans doute la chance qu’ils avaient de pouvoir profiter de leur présence et de leur soutien. J’avais bien reçu un sourire d’une jeune femme rousse que je n’avais jamais vue auparavant, mais elle aussi avait retrouvé un être cher et ne s’était plus préoccupé que de lui. Je ne lui en voulais pas, j’aurais sans doute agit de la même façon si j’avais été à sa place. Mais je ne l’étais pas et ne le serais jamais vraiment en tant que Polly, la catin des bas quartiers. Peut-être m’aurait-on mieux traitée si j’avais été vêtue en Pauleen, jeune fille bien élevée ; peut-être que l’on m’aurait adressé la parole et que l’on aurait daigné me dévisager avec courtoisie plutôt qu’avec dégoût. Mais Pauleen ne sortait pas à ces heures là, elle laissait la place à celle qui lui permettait de vivre une existence heureuse et prospère ; celle qui risquait bien plus à se faire arrêter par les officiers.
Une fois de plus, la panique me gagnait et je fermais brutalement les yeux afin de retenir les larmes qui menaçaient de couler le long de mes joues et qui viendraient détruire le maquillage que j’avais perfectionné pendant de longues minutes ce jour-là – j’en avais déjà fait l’expérience. J’abandonnais tout espoir de sortir d’ici avant le lendemain matin et me voyais déjà tenter d’expliquer à mes amies de Westminster pourquoi je n’avais pas pu les rejoindre pour l’afternoon tea.
Sans mots. Voilà ce qu’elle fut au moment où Allan et Ewen se sautèrent dans les bras. Quelques secondes avant, elle cherchait encore dans sa tête une manière de clouer le bec à cet ivrogne qui, malgré son état d’intoxication, maniait habilement ses paroles telle une arme. Il voyait trop de choses, il entendait trop de choses et il comprenait trop de choses. Néanmoins, qu’il ait raison ou non, Clara n’avait pas apprécié qu’il se moque de la naïveté de son domestique à parler trop franchement. C’était précisément ce qu’elle aimait d’Ewen le fait qu’il soit honnête et franc.
Cela n’avait maintenant plus d’importance puisque les deux hommes étaient visiblement d’anciens amis.
L’attention d’Ewen n’était plus vers elle et étrangement, Clara en ressentit un peu de jalousie. Le moment était mal choisi pour des retrouvailles amicales… Cet Allan n’en demeurait pas moins un suspect dans cette histoire de meurtre… Un ivrogne à la langue de vipère… Un témoin de la trop grande proximité entre madame Hamilton et son domestique… D’accord… Clara n’était pas seulement un peu jalouse du manque d’attention d’Ewen envers elle… Elle en était contrariée.
L’Irlandais n’avait pas le droit d’oublier le lieu où ils se trouvaient… D’oublier qu’ils étaient tous deux suspects comme les autres… D’oublier qu’ils risquaient d’attraper une maladie qui les tuerait… De l’oublier, elle…
Clara se détourna des deux hommes pour se ressaisir mentalement; ses pensées étaient égoïstes et elle le savait. Heureusement que personne ne pouvait les lire.
Son regard se porta sur la jeune femme blonde qui, contrairement à la majorité des gens réunis dans cette pièce, semblait bien seule. Clara ressentit un élan de sympathie pour cette pauvre fille qui aurait certainement donné n’importe quoi pour être, elle aussi, légèrement mise de côté par la réunion de deux amis d’enfance.
Madame Hamilton lui offrit même un sourire qu’elle ne sembla pourtant pas remarquer. Son regard se faisait lointain… De l’endroit où elle se trouvait, Clara ne pouvait pas voir la détresse qui humidifiait le regard de la jolie blonde et si elle l’avait vu, aurait-elle été à sa rencontre? Probablement pas. La présence d’Ewen était la seule chose qui l’empêchait de succomber au désespoir…
La surprise d'Ewen était si totale qu'il en avait oublié qu'il pouvait de nouveau s'exprimer, observant tour à tour son ancien ami qu'il croyait perdu, et le questionnait à présent; et celle qui était sa maîtresse, plus encore peut-etre, et qui lui demandait de se taire. Il fallut quelques secondes à la confusion du O'Hara pour se dissiper, et qu'il ose de nouveau reprendre le contrôle de ses réflexions. Chacun, dans cet endroit, semblait plus ou moins reconnaitre son voisin, et les conversations commençaient à aller bon train, suspicieuses ou non, apaisées ou non. Ainsi, personne n'avait sans doute porté beaucoup d'attentions à l'ivrogne, pas après les premières démonstrations de son langage fleuri, qui en avait fait soupirer certains, et avaient, finalement, incité la plupart à détourner les yeux, en les levant au ciel, ou en l'ignorant totalement.
- J'ai rien à cacher dans c't'histoire, assura encore Ewen, avec fermeté, aux deux jeunes gens qui lui tenaient à présent compagnie, comme s'il voulait mettre fin à la tension qui semblait s'être dressée entre eux. Les émotions de l'irlandais étaient complètement désorganisées, et il ne voulait pas en rajouter en subissant un écartèlement entre deux personnes auxquelles il s'était attachées, chose qu'il venait presque de découvrir, en tout cas pour le plus récent. J'arrive pas à croire qu't'es là...
Il rendit son accolade à Allan, toujours un peu ahuri de le retrouver là, non seulement parce qu'il l'aurait surement déclaré mort s'il lui était venu à l'idée de penser à lui, et parce qu'il était finalement bien heureux de constater que ce n'était pas le cas. Se lier d'amitié à un autre enfant des rues n'était jamais une bonne chose, non seulement parce que les trahisons étaient fréquentes, mais parce que l'espérance de poursuivre une existence durable était menue... Et la tristesse n'était pas un sentiment qui aidait à avancer, dans ses conditions. Ainsi, Ewen avait préféré oublier, passer à autre chose, lorsque leurs chemins s'étaient séparés, et il avait évité de revenir sur l'interrogation de sa destinée depuis. Si lui avait fini en prison, il y avait eu de grandes chances qu'Allan ait terminé pendu, ou pire, après tous leurs méfaits... En cela, le O'Hara s'était toujours trouvé chanceux de n'avoir pas eu de condamnation plus définitive.
Sentant Clara s'éloigner de lui, Ewen ne la retint pas, rappelé à la réalité par les propos de son camarade : comment justifierait-il sa proximité avec la femme de son maitre ? Leurs retrouvailles n'étaient visiblement pas passées pour platonique aux yeux du brigand bien avisé. Allan avait toujours été perspicace, mais aussi loyal, parmi tous les membres de leur groupe d'adolescents, dont plusieurs avaient vendus leur honneur contre quelques sous... Et ce n'était pas par manque de confiance que le O'Hara ne tenait pas à mettre de mot sur sa relation si ambigu avec la jeune femme, mais bien parce qu'il ne savait lui-même pas comment la qualifier sans risquer de les soumettre tous deux à bien d'autres problèmes.
- J'pense qu'c'est tes jolis vers qui t'ont vendus, t'as toujours été un fameux poète, répondit Ewen à son ami, en célébrant son langage fleuri, qu'il avait été forcé de trouver bien familier. A vrai dire, tout deux avaient changés physiquement, devenant des hommes, s'ils n'avaient pourtant jamais été d'innocents bambins. Dix ans d'bagne m'ont donné l'envie dev'nir quelqu'un d'respectable... Commença-t-il à mi-voix, pour que personne ne s'offusque de son passé plus qu'inquiétant. Pour plus jamais y r'tourner, conclut-il enfin, avec un sérieux plus sombre encore que le trou qu'il évoquait ainsi. Et toi, qu'est-c'que tu d'viens ? On est jamais trop mal quand on a l'sous pour un verre, j'imagine donc qu't'as trouvé ta voix pour t'en sortir aussi...
Et sur cela, il était des plus directs - si Allan comptait lui proposer une nouvelle alliance, il valait mieux l'arrêter immédiatement sur sa lancée : il n'était pas intéressé. Bien entendu, les priorités n'étaient pas là, et avant d'imaginer un avenir théorique, leur présent devait être résolu, et ils devaient sortir de ce piège, dans lequel aucun n'était à son avantage.
- Clara Hamilton est... J'suis à son service, la présenta Ewen, en osant à peine la regarder. Dans ces conditions, son affection et son inquiétude à son égard étaient plus qu'évidentes, et il se savait trop piètre menteur pour se jouer d'Allan, qui connaissait ses faiblesses depuis toujours, ainsi que leurs expressions. Il soutint donc plutôt les prunelles de ce dernier, avec l'air d'ajouter "pas ce genre de service"... Au cas où l'embarras du couple lui aurait néanmoins échappé. J'crains d'avoir failli à mes obligations, pour l'coup... S'excusa-t-il presque, en destinant ces mots à la demoiselle, qui semblait désormais lui en vouloir, pour une raison sur laquelle il se méprenait.
plumyts 2016
David P. A. Williams
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Âge : 35 Emploi : Chirurgien. Informations : Est né en Écosse. • Vient d'une famille de petits bourgeois. • Son père est pasteur. • A été abusé par sa mère pendant plusieurs années. • Santé fragile. • A passé quelques semaines à l'asile à cause de son homosexualité. • A un très fort caractère. • Arrogant parfois. • Se drogue. • Fume occasionnellement. • A tenté de suicider. • En a conservé les cicatrices sur son avant-bras. • A des marques de piqûre au niveau du coude. Avatar : James McAvoy Quartier Résidentiel : City of London. Messages : 84Date d'inscription : 27/09/2016
Combien de temps David allait-il encore supporter rester enfermé ici ? Tel un fauve dans une cage trop étriquée, il ne pouvait faire les cent pas sans tomber sur des visages qu’il n’avait pas envie de voir, familier ou non. Rester calme lui demandait un effort inconsidérable, n’osant même plus regarder son frère et sa catin. Il ne devait pas les voir. Il ne devait pas le voir ou ça finirait par dégénérer dramatiquement. Il ne voulait pas couper les ponts avec la seule famille qui lui restait, il ne désirait pas atteindre un tel niveau de crise. Pourtant, rien de ce qui se déroulait ne lui plaisait. Il ne supporterait pas le voir au bras de cette femme, aussi attentive et aimante qu’elle pouvait être. Son corps restait vicié et déshonoré et le chirurgien se moquait bien de savoir ce qui avait pu la mener sur de tels sentiers de perdition. Cela dépassait son stade de tolérance et de loin. Ses poings se serrèrent instinctivement, se retenant de se fracasser sur la mâchoire de la pute. Le mur serait une cible plus sage, sûrement. Harry derrière, trop occupé avec sa catin également, désapprouverait mais le chirurgien ne pouvait s’empêcher de se sentir trahi.
Tandis que David essayait vainement de fuir ce couple répugnant, Jonathan s’interposa, tout enthousiaste et ce qui l’annonça brisa quelque chose chez son frère. Ce petit mot qui promettait l’union de la vie de son aîné avec la prostituée fit sérieusement si tout ceci n’était pas une blague, si son frère ne se moquait pas ouvertement de lui. Il connaissait le parcours de son benjamin et que les filles de joie avaient indirectement laissé une cicatrice mal refermée dans le cœur du chirurgien. David eut du mal à déglutir en regardant son frère dans les yeux. L’azur du frère en colère était glacial, électrique, et dénotait avec l’enthousiasme naïf et joyeux de son frère. Il l’aurait fusillé son aîné sur le champ s’il le pouvait. L’effort pour ne pas en venir aux mains était inconsidérablement difficile à fournir et il n’avait pas d’échappatoire possible à cette colère qui avait planté profondément ses griffes dans sa nuque. Il ne voulait pas être dictée par elle. Il ne voulait dire ou faire des actes qu’il regretterait sûrement par la suite. Mais les faits étaient là : en se mariant avec elle, les chances que Jonathan se condamne lui-même étaient omniprésentes.
— Tu te fous de ma gueule ?
Il eut une moue. La colère l’avait dépassé. Bien sûr que non, Jonathan ne se moquait pas de lui. Il était même tristement honnête et trop heureux d’avoir trouvé ce qui pouvait ressembler à de l’amour. Cependant, rien ne prouvait que la putain n’en eût pas après l’argent du pasteur qui vivait certes modestement, mais qui avait largement les moyens pour améliorer son confort de vie. Et il le ferait certainement pour sa dulcinée. Le dégoût étranglait la gorge de David. Il ne pouvait pas se défendre face à cette forte nausée qui lui donnait envie de rendre ce qu’il avait dans son estomac serré. Mais Jonathan insista, l’invitant même à dîner avec eux. Un sourire mauvais se dessina alors sur les lèvres de son frère, incapable de restreindre cette haine en lui. Il jeta brièvement un regard mauvais vers Lucy avant de regarder de nouveau le pasteur dans les yeux. Non, il n’irait pas à se dîner. Il n’irait pas non plus à son mariage, ni au baptême de leur môme qui sera, sans insulte, un fils de pute, déjà condamné par les maladies que portent déjà sa catin de mère.
— Je sais comment elle s’appelle, je le connais. Ton pote Felix aussi, d’ailleurs. Invite-le plutôt moi, ce sera mieux.
Aborder le fait que Felix connaisse Lucy était totalement gratuit. Les deux interlocuteurs savaient parfaitement que l’horloger n’était guère intéressé par ces choses-là et que jamais il n’aurait pu être client d’une quelconque façon d’une des comparses de Lucy. Mais David avait un besoin irrépressible de cracher son venin empli d’une bile acerbe qui l’étouffait et lui brûlait la gorge. Son regard fou de colère se perdit au-dessus de l’épaule de Jonathan, à côté de lui, au sol, cherchant un endroit où s’ancrer pour éviter de céder à la rage. Essayant de calmer son souffle, il estima que peut-être Jonathan avait besoin d’avoir la mémoire rafraichie. Peut-être que dans son enthousiasme, il en avait oublié les fondamentaux de la santé :
— Ta Lucy, là, qu’est-ce qui te fait dire qu’elle n’a pas autant de saloperies sur elle qu’un des rats de Londres ? C’est une pute, Jonathan, elle va te tuer, c’est déjà trop tard pour elle. Tu veux que je te dise le nombre de victimes de la syphilis qu’on ramasse chaque jour ? Les chairs qui se putréfient pendant que tu agonises lentement mais sûrement, aux yeux de tous. Que diraient tes fidèles, hein ? Si leur pasteur en était venu à se taper une prostituée. Quel exemple. Il n’y a pas d’amour, juste toi qui t’aveugles encore et elle qui cherche un toit définitif pour se protéger de la rue.
Car certains dangers rôdaient encore la nuit. Jack l’Éventreur n’était pas le seul meurtrier de Londres et d’autres criminels tout aussi violents sévissaient à chaque croisement de ruelles. Ce serait dommage que quelque chose de regrettable arrive à la Lucy. Il finit par lancer un regard plein de haine, de mépris et de dégoût à la jeune femme. Il l’avait certes gracieusement aidé une nuit mais cela avait été contre son gré, Felix Adler ayant mis son grain de sel dans cette rencontre qui n’aurait jamais dû arriver. Cependant, cela aurait-il améliorer la situation actuelle ? Aurait-il mieux accueilli la nouvelle que venait de colporter son frère ? Après tout, il n’aurait pas su qu’elle était une prostituée, juste une pauvresse qu’il aurait sorti de la rue. Il savait que Jonathan se serait bien gardé de dire la profession de sa fiancée, sûrement par connaissance des antécédents de David avec cette profession. Mais ce dernier n’ignorait pas qui était Lucy et ce que sa présence dans la vie de Jonathan pouvait annoncer. Il avait oublié tous les autres abrutis présents dans la pièce avec eux. Sa colère avait fini par les emmurer tous les trois et le rendait sourd et aveugle à tout ce qu’il pouvait se passer autour de lui.
plumyts 2016
Lucy E. Wood
Âge : 30 Emploi : Fille de joie Avatar : Eleanor Tomlinson Messages : 512Date d'inscription : 15/02/2017
Sujet: Re: EVENT N°4 - BEHIND CLOSED DOORS Mar 3 Mar - 13:37
Event n°4 – Behind Closed Doors.
« Whitechapel »
Octobre 1892
Lucy s’effrayait un peu de laisser cette question en suspens. Que Jonathan allait-il bien pouvoir s’imaginer de l’inquiétude menaçante qui planait autour de cette question jetée au vol, d’une voix angoissée, tandis que les joues blafardes de la jeune rousse devenaient cramoisies sous l’imminence du jugement ? Que penser d’une putain aguerrie qui sévissait dans les tréfonds du même quartier putride depuis près d’une décennie, lorsqu’elle évoquait l’angoisse dans la voix l’éventualité que cet homme soit le frère de son pasteur bien aimé ? Ah, si elle n’avait pas été si idiote, ah si elle avait été plus diplomate, comme elle aurait tourné la chose différemment ! Car bien sûr Jonathan allait songer à cela désormais, et il allait se mettre en colère, s’indigner, ou pire encore ; la déception pourrait venir ternir la pureté de son regard d’enfant. Et Lucy se serait giflée devant une telle sottise, tandis que le merveilleux Révérend Williams ne s’indignait pas au contraire, se saisissant d’une de ses mains avec une délicatesse précautionneuse, tout en affirmant ce qui ne semblait pas provoquer chez lui le moindre frémissement d’inquiétude et qui, même, paraissait presque l’amuser. Pourtant Lucy se sentit le devoir de se justifier précipitamment, parce que malgré la sérénité de Jonathan, elle se faisait un honneur de rétablir cette vérité, elle qui avait déjà tant de turpitudes à se faire pardonner de lui :
- Oh…Non…Jonathan, ce n’est pas ça…ça n’a rien à voir…C’est juste que…Oh c’est rien de très grave tu sais…Enfin…Je me suis montrée un peu désagréable avec lui une fois…J’ai peur qu’il m’en veuille…
Il était incontestable que le Docteur Williams en voulait à Lucy. Pourtant ce mépris terrible qu’elle avait lu dans son regard tandis qu’il s’éloignait avec dégoût ne collait pas à l’incident. Les réminiscences de cette soirée étaient fort lointaines, pourtant la jeune rousse, si elle se souvenait sans peine d’un échange certes à couteaux tirés, ne pouvait croire qu’une bagatelle pareille soit, à elle seule, la raison de l’aversion qu’elle semblait lui inspirer aujourd’hui. L’infâmie de sa condition, qui avilissait son frère de sa main à la blancheur traîtresse qu’elle avait posé sur le large bras, était, à n’en pas douter, l’unique raison d’une telle colère à son égard. En réalité Lucy se montrait plutôt compréhensive au regard de sa répulsion. Peut-être parce qu’elle lui était coutumière, peut-être parce qu’elle ne s’attendait plus à rien d’autre, peut-être parce qu’elle avait fini par croire qu’elle les méritait, ces injures qu’elle lisait au fond des regards depuis tant d’années qu’elle se surprenait encore à s’émerveiller de la bienveillance énamourée qu’elle lisait dans l’azur clair des yeux de Jonathan.
Aussi Lucy l’aurait laissé s’en aller, et même elle aurait tenté timidement et avec maladresse de faire rebrousser chemin à Jonathan, devant la lueur assassine qui avait brillé dans les prunelles de son jeune frère. Elle en était persuadée désormais. Il ne s’agissait pas de cette brouille idiote qu’elle avait déjà oubliée, il y’avait plus d’un an de cela. Cette haine latente lui avait transpercé l’âme avec une force instinctive, et augurait un inexplicable et funeste pressentiment, qui aurait convaincu Lucy de le laisser à son dégoût, cloîtré de force lui aussi au beau milieu de ces agonisants et d’autres pauvres hères de Whitechapel avec lesquels il semblait révulsé d’être mêlé.
Jonathan ne semblait rien avoir vu, pourtant. Et si c’était pour cela que Lucy l’aimait tant, pour cette innocence d’enfant qui ne voyait jamais le mal et s’émerveillait de trouver du beau partout, aujourd’hui elle aurait aimé pouvoir retenir son bras, et parvenir à lui expliquer que tout cela était précipité, qu’il était trop tôt, que son frère cadet allait tomber de haut en apprenant la liaison du Révérend Williams avec une prostituée de Whitechapel, fut-elle chaste et enamourée. Mais il l’avait entraînée si vite, avec toute la tendresse brusque qui trahissait ses excitations et ses joies, lorsque l’embarras et la hâte lui brûlaient les sens au point de le rendre si volubile et agité que Lucy ne serait, de toutes les façons, pas parvenue à le retenir.
Si l’appellation de fiancée du chaste et pur Révérend insuffla à l’âme désabusée de Lucy, qu’elle avait si longtemps cru morte sur le brasier froid et éteint de ce qui avait été sa vie de misère, l’exclamation indignée du jeune homme qui leur faisait face lui glaça l’échine, prenant là conscience des embûches terribles qu’ils allaient devoir affronter, inconcevables à ceux qui découvraient encore leur amour avec la joie de deux âmes esseulées qui semblaient s’être résignées à la solitude et à la mélancolie. La jeune femme leva un regard profondément triste et désabusé, qu’elle plongea dans l’océan de colère des prunelles d’azur de l’homme. Le regard de Lucy, pourtant, n’en était pas exempt non plus, d’une colère qui ne trouvait pas sa racine au mépris qu’il semblait lui vouer, à elle et à sa condition ignominieuse dont elle s’était fait raison. Non. Ce qui lui martelait le cœur d’une rage sourde, c’était cette brutalité avec laquelle il brisait la candeur de l’enthousiasme de Jonathan, lui qui n’était que joie, amour et élans effrénés d’une âme trop pure pour ce bas-monde de fange et de turpitudes qui était sien.
Jonathan allait avoir mal. Et plus rien d’autre ne comptait désormais aux yeux de Lucy, qu’une indignation lancinante brûlait à mesure que le chirurgien déversait sa bile sans retenue aucune pour l’amour qu’il se devait de porter à son grand frère et aux élévations merveilleuses de son âme qui dépassait toutes les viles préoccupations qui faisaient battre le cœur ténébreux et flétri de Whitechapel. Et cette évocation de Felix était un tel coup bas que Lucy frissonna de colère elle aussi, à l’idée que, non content de l’injurier, le Docteur Williams ne s’amuse à insuffler au fond de l’âme inquiète de Jonathan un mensonge aussi éhonté. Et un sourire terrible, sans joie, s’étalait sur le visage du pourtant joli garçon, mais défiguré par une rage mauvaise, tandis qu’il l’injuriait de plus belle, et qu’il lui assénait le pire de tous les coups bas, en l’accusant d’être celle qui aurait raison de la vie merveilleuse de Jonathan, le prédisant gisant d’une de ces maladies terribles dont elle avait par miracle survécu, et qu’elle s’empresserait de lui transmettre, de par la souillure de son vice.
Lucy trembla de plus belle, son regard toujours solidement planté dans les iris d’azur qui, si elles étaient jolies, n’avaient rien de comparable à la douceur céleste qui se dégageaient de celles du merveilleux pasteur. Elle n’avait pas peur du frère de Jonathan, et si son esprit avait été moins aguerri par les privations et l’horreur, peut-être des larmes auraient afflué à ses yeux irrémédiablement secs, dans l’éventualité terrible de s’imaginer la coupable de l’agonie déchirante de l’immense pasteur ravagé par le fléau du siècle dont les victimes fleurissaient les cimetières. C’était peut-être la pire injure qu’il ait pu faire à Lucy, croire qu’elle attenterait ainsi à la vie de Jonathan, elle qui avait trouvé en cette âme immense son centre de gravité, elle qui s’était cru morte si longtemps avant de sentir son âme renaître de ces cendres, lorsqu’il se prenait à la regarder comme si elle était la plus belle chose qu’il lui ait été donné de voir. Lorsque Lucy lâcha le bras de Jonathan pour venir planter sa petite et maigre taille devant le chirurgien, elle ne tremblait plus, et c’est d’une voix éteinte par l’horreur d’une telle accusation qu’enfin elle se défendit d’elle-même :
- Je suis pas malade, et vous le savez. Vous avez vu aucune marque sur mon visage quand je suis venue vous voir. Vous savez très bien qu’on est défiguré quand on survit à la syphilis. Je vous interdis de dire que je pourrais faire du mal à Jonathan… Je suis pas idiote, et je préférerais mourir que lui faire prendre le moindre risque. Et puis vous savez que moi et cette fille, on a juste rencontré cet homme brun dans la rue alors qu’on venait de se faire agresser, et que comme il savait pas quoi faire, il nous a prêté de l’argent et donné votre nom. C’est pas drôle, de faire croire des mensonges à Jonathan !
Lucy se défendait mal, comme une enfant attaquée qui recrache des arguments qu’on lui a exposé avec patience. Pourtant elle était sûre d’elle. Elle en avait vu, des prostituées marquées à vie par la syphilis, et elle avait tant redouté ce fléau qui l’avait épargné qu’elle avait passé de longues heures à contempler l’apparition d’éventuelles marques sur son visage émacié. Elle n’avait jamais rien eu, alors était-ce maintenant qu’elle était chaste qu’elle faisait prendre un risque à Jonathan ? Il aurait été évident à une âme plus aguerrie aux échanges sociaux et à la diplomatie que le jeune frère, blessé et déçu, cherchait à faire du mal, et, en l’accusant de jouer avec la vie de Jonathan, il y était parvenu, et au-delà de ses espérances. C’était cela, plus que tout le reste, qui avait fait Lucy sortir de ses gonds, elle qui s’était jurée de s’en tenir au calme, devant la colère terrible qui s’étalant sans pudeur dans les yeux clairs du médecin.