Tour de Londres, 1891.

« Il s'appelle William ! »

Lança Indianna à la femme qui venait de laisser ses tripes sur le sol. Déjà qu'elle n'était pas fichu de rester sur ses jambes, mais en plus, elle se permettait d'enfoncer le pauvre garçon l'appelant tel un chien. William, c'était le nom que son jumeau avait sortie plutôt, et même si jusque-là elle n'avait pas prononcé son nom elle ne l'avait pas oublier. Indianna s'était mise un peu en retraite de la cage, laissant les hommes et surtout un frêle mais assez grand homme prendre en charge le dit prisonnier William. Cela lui faisait si mal au cœur de voir ce jeune ainsi traité, mais elle en avait fait la proposition, elle en avait fait le choix aussi. Pour leur bien à tous avec un semblant de logique. Le laisser libre alors que lui seul sans égratignure semble comme régner au-dessus d'une pile de cadavres frais. Il y avait toujours cette question, pourquoi lui est-il sain et sauf ? Parce qu'il est l'auteur de tout cela ? Indianna refusait d'y croire, touché en plein coeur par son attitude, celle de son jumeau compagnon de l'aventure aussi. Elle lui lança d'ailleurs un regard désolé, tout comme au prisonnier. Puis avait baisser le visage impuissant de toute autre décision pour le moment.

Tous remontaient déjà pour sortir par où ils étaient tous entrée. Mais alors qu'Indianna échappait enfin à l'odeur putride et cette visio d'horreur qui régnait en bas, elle ne put que constata comme le reste de la troupe que la porte qui les avait mener ici était à présent close. Avalant bruyamment sa salive elle resta à sa place. Elle s'était déjà bien trop fait voir jusque-là et surtout elle n'avait aucune solution de secours. Elle avait suivi une ombre, Percy, tel une bergère veillant sur un mouton fuyard. Mais à présent, bergère et mouton était prit au piège d'une tour, d'une prison bien garder. Et si cette porte était fermée, c'est que quelqu'un, peut-être le monstre qui avait fait ses horreurs en bas les avaient enfermer ici. Ou peut-être, une autre personne était derrière cela, un garde qui avait vérifier les accès ouverts... Tant de questions sans réponse. La voix du prisonnier leur indiqua un autre chemin que la troupe suivit sans autre solution pour contrer ses dires.

L'air frais qui enfin venait caresser le visage de la pâle Indianna. Elle ferma un instant ses yeux. Ses pas continuant de la mener jusqu’en haut, gravissant la dernière marche qui mènerait à un semblant de liberté. Elle ne pensa même pas à la possibilité qu'il y ait des gardes. Mais de toute évidence, ses yeux ouverts de nouveau ne pouvaient que constater avec une horreur nouvelle que le toit de la bâtisse était lui aussi le théâtre d'une scène macabre. Elle manqua de pleurer, ses yeux s'embuèrent, de colère, de peine. C'était trop, trop de cadavres, de retenue. Mais elle ne voulait pas craquer, pas maintenant. Elle se retenu de pleurer. Se contentant de lever le visage vers le ciel comme pour un instant oublié l'horreur qui se jouait d'elle à ses pieds et sous ses pieds. Cherchant un instant d'évasion dans le ciel gris et orageux de Londres.

Tour de Londres, 1891.

Malgré le fait qu’il ait dit qu’il prenait les devants, Gerald fut retardé par l’appel du vétérinaire pour libérer le prisonnier. Ils avaient donc pris une décision apparemment. C’était une bonne chose. Ainsi, il pourrait avancer et découvrir enfin l’identité de celui qui était responsable de tout ceci. Il n’avait pas remarqué que l’un des hommes était allé réconforter le fautif de la chute des armoiries. À vrai dire, dans sa hâte, sa précipitation et sa hardiesse, il passait à côté d’énormément de détails et sûrement très importants mais que pouvait-il faire de plus ? Il était ainsi, à foncer tête baissée dans un probable mur sans s’en soucier. Inutile de dire que Gerald était du genre à improviser pleinement, ne se souciant guère de savoir cela allait fonctionner ou pas. Ce qu’on pouvait lui accorder, c’était sa force physique qui compensait généralement avec les ennuis qu’il s’attirait. Au moins, il pouvait facilement abuser de sa force pour se sortir des situations délicates mais quelque chose lui disait que cela ne serait pas si facile cette fois-ci. Il n’était pas entouré de membres aguerris de la Tribu comme à son habitude mais d’adolescents, de vétérinaire et de voyante… Parmi eux, certains savaient sûrement se battre, mais la probabilité que tous soient des champions du fer l’étonnait.

Une fois ledit William libéré, il reprit la tête de la marche, son sabre en avant. Il ne tremblait pas, ne ressentant pas la peur. Il n’était certes pas rassuré mais il mettait un pied devant l’autre dans l’escalier sans difficulté. Ils finirent par arriver sur les toits et la scène de carnage des cachots ne s’arrêta malheureusement pas là. En effet, de nombreux cadavres jonchaient le toit de la White Tower, rendant l’atmosphère lourde et pesante. Gerald eut un profond soupir, presque désespéré, de voir que tant de gens avaient perdu la vie pour satisfaire. Cependant cela lever un doute sur son cœur bien que cela paraissait sûrement évident pour tout le monde : ce n’était pas Jack l’Éventreur qui avait fait tout ceci. Gerald en avait toujours eu l’image d’un homme lâche s’attaquant à plus faible que soi. Et il n’aurait clairement pas pu venir à bout de tous ses hommes, gardes ou prisonniers. Il se passa une main moite sur le visage, ne pouvant que regarder impuissant la scène de désolation. Il se retourna alors vers la petite troupe, se disant qu’ils avaient peut-être fait une erreur de venir ici. Il les regarda un à un et eut une moue songeuse et triste. Il soupira de nouveau et se tourna vers leur prisonnier pour prendre la parole :

— Et maintenant ?

Il n’était pas très sûr de tout ceci et commença même à développer un mauvais pressentiment, lui qui agissait constamment à l’instinct.

— Où est le responsable de tout ceci ? Il n’a pas pu aller bien loin !

Sa voix était montée, commençant à s’échauffer devant tant de vies gâchées et devant l’absence de coupable. Il enjamba certains corps pour essayer de chercher des indices, bien que Gerald n’est vraisemblablement pas ni la patience, ni le sens de l’observation et de la déduction pour être un minimum efficace.

15 mai 1891

Dans l’ensemble, tout le monde semblait trouver l’idée d’Indianna plutôt bonne. Percy était donc résolument le seul à trouver barbare d’enchaîner le rescapé d’un tel massacre, et restait mutique au milieu des protagonistes qui discutaient d’un ton léger de l’entrave la mieux adaptée pour ligoter le prisonnier déjà à demi-mort. Gérald ne put s’empêcher une réflexion sarcastique envers les deux personnes qui avaient fait un bruit épouvantable, arguant qu’il était bien inutile de lui intimer de parler à voix basse alors que d’autres provoquaient un tel capharnaüm. Après s’être exclamé qu’il se lavait les mains du sort du pauvre malheureux en cage, il se baissa vers les armoiries qui étaient tombées avec un effroyable fracas, ramassa une épée et se proposa de mener la petite troupe, muni de cette arme.

La chute de ces armoiries semblait avoir mis l’homme que Percy prenait pour un agent de police dans une sombre colère, si bien qu’il se mit à violemment tempêter contre le malheureux fautif, qui était déjà secoué et en larmes, dans une langue que le jeune roux ne comprenait pas. Mais ils semblaient se connaître tous les deux, car le policier s’approcha de lui et lui essuya sans douceur une larme qui coulait sur ses joues tout en continuant de lui beugler dessus sans que Percy ne comprenne un traître mot de ce qui se disait. Le jeune roux se détourna vite de cette scène incongrue lorsqu’Indy prit de nouveau la parole, expliquant qu’il ne fallait pas s’attarder ici, et qu’elle ne laissera pas ce pauvre garçon en pâture au monstre qui avait massacré et mutilé si horriblement tous ces corps que Percy s’efforçait de ne pas regarder. Il ne put empêcher le léger sourire qui se dessina sur son visage lorsque son amie répliqua à l’insulte de l’homme sans sourciller. Elle redevenait l’Indianna impulsive, courageuse et naturelle qu’il connaissait et qu’il aimait tant. Le bâtard Mortimer lança une œillade attendrie à sa cadette qui portait la main à sa flamboyante crinière rousse. Avec grâce elle délia sa chevelure et offrit d’utiliser son ruban en guise de lien improvisé pour maintenir leur prisonnier, puisque personne ne proposait d’alternative. L’agent de police avança vers le mur du fond, trouva une paire de menottes qu’il brandit devant Indianna, lui expliquant que l’entrave serait beaucoup plus appropriée qu’un ruban pour cheveux. Ensuite, il approuva l’idée de Gérald, décrétant qu’il fermerait la marche.

Percy, quant à lui, ne pouvait détacher ses yeux de la jeune femme couverte de sang dont le visage se décomposait en regardant ses mains, en étant imprégnée de l’épouvantable odeur qui devait embaumer son corps tout entier, et c’est avec une tristesse et un dégoût profondément empathiques qu’il la vit courber l’échine, saisie de violents vomissements forts compréhensibles. Les supplications du frère du prisonnier vinrent fendre le cœur de Percy. Il fallait à tout prix que ce malheureux soit libéré, et, bien que le jeune homme soit contre l’idée de l’entraver comme un animal de foire, il avait décidé avec bon sens de se taire. La libération du pauvre bougre était en jeu. Le détenteur de la carte libéra donc le prisonnier affaibli, qu’il menotta les mains dans le dos. Le malheureux n’opposa aucune résistance, prouvant l’intuition de Percy, à savoir qu’il était complètement inoffensif.

Comble de l’horreur ; lorsque lui et Indianna, entre autres, avaient tenté de rebrousser chemin, ils s’étaient aperçus que la porte par laquelle ils étaient entrés était à présent fermée à double tour. Ils se retrouvaient maintenant, tous, pris au piège comme des rats dans ce théâtre d’un massacre sans nom, enfermés ici sans doute par l’auteur de tous ces crimes atroces. Le sang sembla quitta le visage et les mains de Percy. Il se rapprocha de son amie qu’il ne voulait quitter pour rien au monde, et remerciait en son for intérieur la femme rousse qu’il avait houspillé tout à l’heure, pour avoir sacrifié un de ses bâtons d’encens afin de purifier la pièce. Reclus au fond de cette pièce, nul doute que sans ces agréables embruns de sauge, l’atmosphère serait vite devenue irrespirable. Les plus couards et les plus faibles, ou peut-être les plus sensés, renoncèrent donc au demi-tour qui leur était désormais impossible et rejoignirent les rangs de ceux qui n’avaient jamais eu l’intention de fuir. Le prisonnier semblait coopératif. Il répondait docilement aux ordres qu’on lui intimait, les guidant vers un escalier en colimaçon qui devait mener vers les toits. La femme recouverte de sang, visiblement paniquée, se prit à harceler de questions le dénommé William, et Indianna, retrouvant sa nature altruiste et quelque peu sauvage, lui répliqua assez sèchement qu’il avait un prénom et qu’elle pourrait l’appeler par celui-ci. La jeune fille montait les escaliers de pierre devant Percy, et il la sentit inspirer profondément une fois arrivée en haut, se délectant de l’air frais et vespéral de la nuit londonienne.

Quelques secondes plus tard ce fut au tour du jeune roux de respirer à pleins poumons un oxygène non vicié, contemplant l’astre lunaire avec l’adoration de celui qui ne l’a pas vu depuis des années. Puis il baissa les yeux, et le nouveau souffle de vie qui l’avait quelque peu ragaillardi s’évapora aussi vite qu’il était venu : des corps, encore des corps, de nombreux corps gisaient au sol, soigneusement amassés au centre des toits de Londres. Ils n’étaient pas mutilés et semblaient même endormis, mais cette atmosphère faussement paisible était peut-être plus agressive encore pour les nerfs. De plus, il y’avait tant de morts que la situation devenait absurde, grotesque, insultante, incompréhensible, révoltante. Indianna semblait ressentir la même chose, car lorsque Percy leva les yeux vers elle, il vit les siens, d’azur clair, s’embuer de larmes, et la douleur de son amie lui causa une tristesse plus profonde encore. Alors qu’elle levait son regard vers les cieux orageux de la capitale, sans doute pour échapper à l’horreur de la situation, le jeune roux, qui, entre la peur et l’horreur de la mort, n’avait plus assez de place en son âme pour se laisser envahir par la timidité, réagit instinctivement, comme pour rendre la pareille à Indianna, elle qui l’avait tant de fois réconfortée pour des choses bien plus bénignes. Son bras glissa sur la taille fine et, avec une hardiesse que seule une situation aussi dramatique pouvait lui conférer, il attira sa douce amie dans ses bras et la serra aussi fort qu’il put. Enivré par l’odeur de ses cheveux, la douceur de sa peau et la finesse de sa taille, plus rien n’avait d’importance à présent que cette étreinte, et Percy ne parvenait même plus à se demander si ce geste ne relevait pas plus de l’égoïsme que de l’empathie. Calmé comme par magie, les évènements extérieurs lui paraissaient considérablement amoindris, la peur comme provisoirement paralysée, tant et si bien qu’il ne prêtait même plus attention aux beuglements de Gérald, au prisonnier enchaîné, aux cadavres ou même à la Bête qui, visiblement, en voulait à leurs vies.

Tour de Londres, 1891.

Dans les ténèbres du cachot, faiblement éclairé par la lueur de la lune qui s'abaissait faiblement au fur et à mesure que le temps passait. Il n'était plus le moment de tergiverser sur leurs actions, Harry finissant par se sentir étrangement opressé dans cette pièce, depuis la seconde où ils avaient décidé du sort du prisonnier. L'odeur, bien que masqué par la douce senteur des encens dont Lydess avait le grand secret, commençait à lui monter au cerveau. Il avait toujours eu un odorat un petit plus affiné mais également tellement plus tolérant que les autres. Il le fallait bien quand on était un vétérinaire passant sa vie avec tous les animaux possibles et inimaginables. Serrant la chaîne qui maintenait les menottes en plus, Harry aida le fameux prisonnier à monter les escaliers malgré le peu de forces qu'il semblait avoir dans les muscles.

William de son prénom, leur indiqua l'escalier suivant à parcourir, et pas même le vétérinaire ne s'inquiéta de la porte fermée. Il refusait de sortir tant qu'il n'aurait pas trouver l'individu coupable de tout ce carnage. De la main qui ne tenait pas le prisonnier, il tenait encore son long couteau de boucher, fermement. Les traces de sang séchés sur les bords de l'escalier ne lui échappèrent pas, et cela le réconforta dans le fait que le prisonnier savait ce qu'il faisait. Ou en tout cas où il les menait.

Malgré tout, ça ne l'inquiéta pas une seule seconde. Les marches lui parrurent durer une éternité, tandis que la pie était revenue sur son épaule. La pauvre petite avait refusé de descendre dans les cachots, ce qui ne pouvait que se comprendre. Comment pouvait-on demander à un animal aussi libre d'aller sous le niveau de la terre, respirer les effluves sanglantes sans rien dire ? Harry était bien content cependant de l'avoir retrouver. Ce furent donc ensemble qu'ils montèrent jusqu'au sommet de la Tour, dans cet immense terrain vague, dallée.

Dans ses poumons, une grande bouffée d'air frais vint se déposer dans ses organes, bien qu'il jetait un coup d'oeil paniqué aux nuages orageux qui commençaient à recouvrir la lumière de la Lune. Bientôt les ténèbres viendraient prendre le siège de la Prison Londonienne. Harry n'avait pas peur des orages, contrairement à son ancienne fiancée, mais il gardait une peur panique et enfantine du noir qui n'allait pas en s'arrangeant -surtout dans ce genre de situation. Il gardait les mains pourtant le plus ferme possible et s'avança au centre de la place. Serrant les dents, le vétérinaire ne pouvait pas se permettre de hurler la question qui lui bruler les lèvres, par peur d'attirer les gardes en bas. Bien qu'ils furent pourtant bien éloigner du plancher des vaches.

- Montre toi... je sais que tu es dans cette tour.. quelque part... Je sais que tu n'es pas Jack l’Éventreur... jamais il n'aurait accompli un tel massacre sans aucun sens, aucune subtilité... Je ne sais pas qui tu es... ni ce que tu es. Mais je te trouverai et me vengerai pour le faux espoir que tu m'as salement offert.

La pie lui chatouilla l'oreille de sa queue et s'enfuit dans la nuit, laissant Harry seul avec les êtres humains qui l'accompagnaient. Son coeur battait fort, trop fort peut-être pour pouvoir entendre jusqu'au vent qui leur soufflait dessus de plus en plus fort.

15 mai 1891

Lydess remarqua bien vite que la porte était fermée, à son grand damne. Sa main tenait la poignet de la porte et tentait vainement de l'ouvrir. Une fois, deux fois. Elle s'en était approchée si vite et voilà à présent que sa rapidité ne lui rapporta aucune aide. Aucune magie ne pouvait aider à défaire une fermeture aussi solide et ancienne, presque moyenâgeuse, et c'était dire pour l'époque. Et tout ceux qui auraient eu l'intelligence ou la force de crocheter une telle porte, s'en allaient déjà dans l'escalier qui les mènerait, d'après ce qu'elle avait pu entendre, au toit. Mais elle ne voulait pas aller aux toits, elle voulait s'en aller, partir. Les choses avaient basculer, tout ce sang, ces cadavres. Ce n'était pas prévu. Serrant les dents, c'est en voyant tout le monde partir dans les escaliers jusqu'à la laisser seule qu'elle décida finalement de monter à son tour. Hors de question qu'elle reste seule dans un endroit pareil, nul ne savait de quel côté la créature qui avait fait... cet abomination pouvait frapper. Rester seule était la plus mauvaise idée du siècle. La cartomancienne suivit d'un pas peu rassuré les autres jusqu'à prendre à son tour une incroyablement bonne bouffée d'air.

Ce n'était pas Byzance, surtout avec le nombre de cadavre qui s'y trouvait encore, mais le vent qui fouettait leurs vêtements et leurs cheveux arrangeaient grandement la qualité de l'air. Parlons-en, de ceux-ci. Tout à fait différent de leurs homologues aux cachots, Lydess fronça aussitôt les sourcils, regardant Harry partir au centre de la place, appelant au monstre de se faire voir. Mauvaise idée, très mauvaise idée. Ils n'auraient jamais du arriver jusqu'ici. Lydess sentait la présence malfaisante encore plus présente à cet endroit, comme un condensé de tout ce qu'il fallait éviter. Dans son rythme cardiaque augmentant avec les minutes, son regard tenta de capturer quelqu'un de ceux, entièrement morts, que l'on pouvait voir tout autour d'eux. Elle avait l'impression qu'ils les suivaient du regard. Très certainement un côté paranoïaque qui commençait à lui cerner les tympans. Elle voulait juste s'en sortir vivante à présent, pouvoir retourner à sa vie longue et ennuyeuse qui avait été la sienne depuis qu'elle était sortie du Cirque. S'approchant très légèrement d'Harry, contournant le prisonnier dont elle n'avait strictement rien à faire, elle déglutit:

- Harry... on devrait partir, ça ne vaut pas le coup... j'ai... j'ai un grappin dans mes affaires, nous pourrions tous descendre de cette tour et fuir... cela nous prendrait beaucoup de temps, faire ça un par un, mais... s'il te plait écoute moi...

Sa supplication semblait entrer dans l'oreille d'un sourd. Aussi jeta-t-elle un regard désespéré à Devlin, le cherchant avant tout du regard. Voudrait-il rentrer, lui, ou était-il tout comme le vétérinaire, pétri de cette conviction profonde qu'il fallait risquer sa vie pour la vérité ? Hors, ce n'était pas tant la vérité qui importait à cette jeune voyante, mais bien l'avenir. Et en cela, celui-ci semblait incroyablement mal compromis.

Event 2 : La Tour de Londres

 « That's a bad mistake! »

Tour de Londres, 1891


Cet escalier en colimaçon qui montait vers les toits était des plus angoissants pour tous. Un semblant de liberté, une avancée vers son destin, aussi funeste soit-il.

Devlin resta légèrement en arrière du groupe qui se mettait en route, cherchant à se concentrer, luttant contre les battements de son cœur.
Là-haut, il pouvait y avoir sa mort, sa terreur… ou rien.

Il n'avait cure des conversations, des avis de ceux qui voulaient partir, de celui de Harry qui semblait, petit à petit, sombrer dans une forme qu'il n'aimait pas: ceux qui sont teintés d'une obsédante pensée et qui perdent, petit à petit, leur sang-froid.
Le prisonnier était libéré mais entravé. La petite rouquine semblait flancher, mais le gamin aux convictions un peu trop exacerbées se précipita pour la réconforter, Devlin trouva d'ailleurs cela très touchant… durant 2 secondes, il trouva cela touchant.

Tous semblaient se demander s'ils n'avaient pas fait une erreur en venant ici… un peu tard pour y penser.
Le détective soupira de lassitude et, en retrait, il attrapa le bras de Joséphine pour lui parler tout bas, mais de sa voix plus habituelle: mélodieuse et douce, malgré les circonstances:
-Je sais que je n'ai pas pris de gants tout à l'heure et vous savez que ca n'a rien d'anormal.
D'accord, vous avez peur. Et vous savez quoi? J'ai peur aussi.
Il n'y a que 2 sortes de gens qui vous diront qu'ils n'ont jamais peur: les menteurs et les psychopathes suicidaires… je vous conseille de les éviter tous les deux!
Mais pour l'instant, il vous faut avaler votre peur, ne pas la laisser vous tétaniser comme tout à l'heure. Nourrissez-vous d'elle et changez-la en rage de vivre! J'ai besoin de vous, Jo! Je sais que vous pouvez le faire, alors… quoiqu'on trouve là-haut, il ne faudra pas vous laisser dévorer.

Il écarta légèrement un pan de la veste de Jo et sourit à la vue de la crosse du revolver. Elle avait bien apprit: la meilleure arme possible quand on ne savait pas à quoi s'attendre: puissante, précise, facile à recharger car il suffisait d'enlever le barillet "vide" pour le remplacer par un barillet "plein". Excellent compromis.
-Un Galand? Excellent choix! Enlevez le barillet et remplacez-le par un de ceux-là.
Il lui donna 3 barillets de Galand.
-Ce sont des balles chemisées au teflon, avec une poudre une peu... spéciale. Bien plus puissantes que les normales, même si l'arme ne va pas aimer ça et qu'il ne faut pas abuser des bonnes choses. Tant pis, je la remplacerai plus tôt.
Si on doit se battre, je retiens notre grand désosseur et vous l'ajustez. Si jamais je suis dans la ligne de mire, vous criez "Dégagez" et vous tirez immédiatement, sans vous soucier de moi: votre voix me préviendra.
N'hésitez pas: ajustez, criez, tirez... que je sois dans le passage ou pas. Au pire, la balle me traversera pour le frapper et je serai bon pour un séjour à l’hôpital... voyez ça comme une vengeance pour ce que je vous fais subir entre ce soir et les entrainements.
Finit-il avec un petit rire inapproprié à la situation.
Il lui donna un aussi un grappin équipé d'un dévidoir et montra une manette puis un cliquet.
-Frein pour contrôler la descente, cliquet d'arrêt, vous fixez, vous empoignez fort et vous descendez. Juste au cas où ça sentirait le roussi, Jo…
Il la regarda dans les yeux. Le regard du détective n'avait ni peur, ni haine, ni quoi que ce soit d'autre qu'une certaine inquiétude: si ce qui avait fait ce massacre était trop fort pour eux, et l'état des corps semblait aller dans ce sens, il voulait que Joséphine puisse s'échapper et aider les autres à s'enfuir, quitte à se sacrifier, lui, pour leur donner du temps.
-Je vous fais confiance, Jo. Prouvez-moi que j'ai raison.
Il était sincère. Si on lui demandait de choisir parmi tous les présents, un seul coéquipier pour affronter une bande armee jusqu'aux dents. À contrecœur, certes, vis-à-vis de la sécurité de la jeune femme, il choisirait Joséphine. Il la connaissait, il l'avait formée. Il savait ce qu'elle pouvait faire si elle s'en donnait le courage.
Il lui sourit… un sourire sans cynisme, sans mensonge, simple, encourageant, un sourire qui était sa force… force qu'il voulait transmettre.

Devlin se remit à monter, avec la crainte d'aller vers sa mort… avec l'espoir qu'il n'y ait rien là-haut… avec la certitude que sa pupille pouvait y arriver, que ce soit trouver la force de combattre, ou la bonne idée de décamper.

Une fois sur la toit, il respira une grande bouffée d'air frais, ne dégainant aucune arme, mais scrutant la nuit et les alentours.
Lydess avait peur, une peur palpable, et ne trouvait aucun réconfort qu'elle espérait trouver chez Harry, trop enfoncé qu'il était par sa rage sourde, son envie d'en découdre au mépris de toute prudence, ni instinct de protection. Mauvais… très mauvais.
Devlin s'approchât de la cartomancienne, capta son regard. Un regard azur presque terrifié de la jeune femme qui comprenait pleinement la confrontation à la mort, la vraie, né d'une horreur sombre dont on n'a pas idée de la forme.
Il ne mentait pas… Devlin avait peur, mais il ignorait pourquoi: était-ce de la peur pour lui? Pour sa pupille? Pour son amie? Pour les gens présents en général?

Lydess était spéciale pour Devlin… mais elle goutait enfin à un bonheur digne d'un conte de fée… elle ne méritait pas de mourir… comme personne d'autre ici. Pas cette nuit.
D'un certain côté, il l'enviait, mais ce genre de bonheur n'était pas pour lui.
Il était de ceux nés pour que les autres vivent cela tandis que lui demeurerait dans l'ombre, à veiller. Magnifique sacrifice qui avait tendance à rendre insomniaque!
Le fait de ne pas aimer les tisanes n'arrangeait pas l'affaire, d'ailleurs!

Il l'avait accepté depuis longtemps: Il n'aurait jamais une vie tranquille. Son amie avait la chance d'en espérer une… sauf si elle le côtoyait: la vie de Devlin était à la tranquillité ce qu'une chute de 10 étages était au saut en hauteur. Pas la bonne direction et pas la même intensité.
En tout cas, il voyait dans le regard de son amie qu'elle sentait quelque chose... une chose qui lui faisait peur, elle ne voulait pas partir pour rien, elle savait que ce qui traînait ici était dangereux.
Il faisait confiance en l'intuition de Lydess, mais uniquement pour être en garde permanente. Les yeux et le corps prêts à tout, il tenait quand même à la rassurer. Peu importait l'angoisse, il sourit à son amie et lui fit un clin d'œil malicieux.
-Ca va aller, Madame Lydess! Si tu veux, aide-les à descendre et filez.
Moi, je vais protéger le responsable de tout ça contre la colère de Harry.
le plaisantin l'appelait parfois "Madame Lydess" en référence à son ancien métier au cirque, époque désormais révolue, pour le grand plaisir de Devlin, heureux pour cette jeune femme.
Une part de Devlin lui disait, dans ce regard, qu'il n'avait pas le droit de lui faire subir ce monde, malgré ses capacités extraordinaires, elle avait le droit de gouter à une vie enfin normale.
Quant à Harry, il semblait si obnubilé qu'il faudrait peut-être le pousser à dégager d'ici: Il redoutait que le pauvre vétérinaire n'entre en trip de combat... une chose dont il avait parlé à Jo: on rentre dans le tas et on ne sait plus s'arrêter, au mépris de sa propre vie. Très mauvais de tomber en trip de combat, autant pour soi que pour les autres.

Il inspira et s'avança pour guetter dans toutes les directions que pouvait embrasser son regard.
Il n'avait pas envie de risquer sa vie... c'était normal après tout... mais s'il fallait en découdre, même en ayant autant de chance que la Chèvre de Mr Seguin, pour les protéger, Devlin ne reculerait pas.



 

Tour de Londres, 1891.

Indianna était sur le point de craquer, les cadavres reposant tranquillement là, comme s'ils dormaient était plus dérangeant, plus déroutant que ceux en bas. Pas d'odeur nauséabonde dérangeante, juste des hommes pâles ici poser comme reposant dans un sommeil infini. Quand tout cela allait-il s'arrêter ? Qui se jouait d'eux ainsi. Indianna avait suivi aveuglément une pulsion, elle le regrettait en un sens à cet instant. Elle regrettait de n'être qu'une jeune fille écervelée qui n'avait pas assez de réflexion pour s'imaginer tout scénario possible avant de foncer tête baisser dans les ennuis. Elle avait toujours été ainsi, du moins cela semblait être le cas. Sa vie ne lui avait que trop rarement donner l'occasion de sortir de son quotidien charger. Comme une première aventure dans sa jeune vie, elle avait foncé pour protéger un jeune homme qu'elle ne connaissait au fond pas tant que cela, mais qu'elle aimait tant malgré tout ce qu'elle pouvait dire. Le soutenir dans une quête inconnue, le suivre telle une ombre, un ange gardien, un fardeau aussi peut-être. Oui, peut-être, au final, n'était-elle que cela dans cette aventure, un fardeau sur les frêles épaules de celui qu'elle considérait comme un ami. Un poids à trainer aux yeux de toutes autres personnes présente ici sur ce toit à présent. La lueur de ses yeux aguerrit et aventureux avait laissé place à la moiteur et le doute un instant au désespoir de cette situation qui semblait emprisonner là en haut d'une bien trop haute tour pour s'y jeter sans mourir. Sans issue aucune qu'une mort certaine où la prison quand les garde enfin se rendrons compte de présence non désirée ici présent. Si cela n'était d'ailleurs pas déjà le cas au fond. Cette porte close plus bas, qui les avait mené ici précédemment, l'avait été par une personne. Et si ce n'était personne de la joyeuse troupe d'aventurier, c'était une garde, ou même cette chose qui se jouait une nouvelle fois d'eux !

Ses yeux levés vers le ciel qui doucement devenait capricieux pour ne rien arranger à la situation. Elle sentit quelque chose glisser contre sa hanche, avec douceur et fermenter, sans surprise, comme si la douceur avait alors calmé l'éventuelle surprise de l'étreinte. Elle rabaissa son visage vers Percy qui s'était approché pour l'enlacer et la soutenir. Se laissant gracieusement faire telle une poupée de chiffon, docilement et agréablement surprise par ce geste. Laissant son corps dans un geste simple se poser contre le corps de Percy. Ses yeux se fermant au contact de son frêle corps, comme si soudain plus rien autour ne venait à exister. Comme une bulle se formant alors autour d'eux. Les mots brayer par les uns n'avaient qu'un vague écho lointain. Ses bras ballent enlaça à leur tour le rouquin. Sans le serrer comme il le faisait lui. Se contentant d'une main dans son dos. Ses doigts écartés comme serrant un bébé, son autre main plus proche de sa nuque comme pour qu'il baisse davantage son visage. Sa joue à elle contre son épaule, plus petite que lui, ses yeux clos, toujours, elle eut comme la sensation de respirer de nouveau. Serrant davantage son étreinte alors, son visage glissant plus proche de sa nuque, elle respira on parfum gourmand. Cherchant à imprégner ses narines de cette odeur à la fois familière et encore inconnu. Plus rien n'avait semblé avoir d'importance alors, là dans ses bras bien qu'un peu frêles. Mais la force avec laquelle il la serrait contre lui, semblait presque colossale à la petite rousse qui avait alors oublié le chaos autour d'eux

La tirade enragée que l'homme fit en français à la jeune personne qu'elle venait de consoler braqua la jeune mariée déchue. Le fait qu'il s'emporte contre elle ne servait à rien aux yeux de Melanie, mais plus elle l'écoutait, même si elle ne saisissait pas le sens des mots, plus elle se rendait compte de ce qu'il se déroulait devant elle. Ce n'était pas un homme qui se laissait aller à la colère sans véritable raison. On aurait plutôt dit un père réprimandant son enfant. Mais tout de même, la jeune veuve trouvait ce moment peu opportun... Lorsqu'il eut fini, Melanie posa une main sur l'épaule de la pauvre âme, n'osant rien dire de plus. Après tout, peut-être n'était-elle pas à sa place. Levant les yeux, elle croisa le regard du jeune roux qui semblait embarrassé. À cause de ce qu'il lui avait dit tout à l'heure ? Melanie lui offrit un sourire. Elle ne pouvait pas lui en vouloir, il n'était qu'un enfant à ses yeux. Naïf mais admirable. Ses lèvres semblaient vouloir dire que tout allait bien aller, sans parler. C'est ce qu'elle espérait, en tout cas... elle l'espérait fortement.

L'heure était venue pour le groupe de partir d'ici, et la jeune femme ne se fit pas prier pour suivre la marche. Elle ne se souvenait pas avoir eu envie de sortir d'un endroit plus que dans ce cachot de l'enfer. Melanie posa le pied sur la première marche, mais lorsqu'elle voulut hisser son corps pour monter la prochaine, une douleur électrisante parcourut toute sa jambe. La jeune veuve aspira l'air entre ses dents. Elle avait presque oublié... Puis elle se tourna vers Dick, arborant un sourire navré.

« Je suis désolée, mais je crois que je vais avoir besoin de votre aide une nouvelle fois. »

Elle ne l'aurait vraiment pas fait sans lui... Demander à n'importe qui d'autre dans le groupe lui aurait semblé tellement difficile. Le jugement était toujours un peu difficile à assumer, et elle avait conscience qu'elle, sa grande robe et sa hanche endolorie n'étaient pas les bienvenus dans cette expédition. Mais Dick était là, et ne lui reprochait rien. Melanie lui en était reconnaissante au fond d'elle. Avoir un ami dans une telle situation était bien plus précieux que l'or.
La jeune femme passa son bras autour du cou de son ami, se sentant soulevée lorsque son pied valide ne prenait pas appui. Elle se sentait un peu gênée de devoir être assistée de la sorte, et d'encombrer le fossoyeur... Mais d'un autre côté, ce contact la réconfortait face à l'horreur à laquelle ils étaient confrontés... Dans une telle situation, c'était compréhensible. Et ils n'étaient pas au bout de leurs surprises...

Arrivés au couloir, la lumière était peu présente, ce qui rendit l'incompréhension plus grande lorsque Melanie se rendit compte qu'ils ne pouvaient plus avancer. La porte était fermée... Le corps de la jeune veuve se dressa dans un frisson d'effroi. Non... Ils étaient bien seuls dans cette tour n'est-ce pas ? Des choses comme ça arrivaient dans son manoir... Cependant. Si la bête était bel et bien à l'extérieur... Ils étaient piégés. Il faisait noir, les murs étaient étroits, et l'air était si pesant que Melanie avait du mal à respirer. Elle s'efforçait de garder un souffle calme et constant, mais cela devenait de plus en plus difficile. Seule la présence de Dick à ses côtés l'empêchait de sombrer dans une crise de panique, cependant allait-elle tenir plus longtemps ?
Le prisonnier leur montra un échappatoire, qui était encore un escalier... Ils allaient être piégés en haut. Des voix parlaient, une sommait d'appeler le prisonnier par son prénom. Non, ce n'était pas bon... Pas bon du tout. Mais ils n'avaient pas le choix. Gravissant l'escalier en colimaçon de la même manière que le précédent, Melanie sembla retrouver un peu ses esprits lorsque l'air frais de l'extérieur vint la raviver.

Quel genre de sentiment cela pouvait-il être ? Lorsque le vent frais vous paraissait si salvateur mais vous menait dans une situation presque pire que la précédente ? Melanie remercia le gardien de cimetière pour son aide, mais lorsqu'elle s'avança sur le toit, quelque chose lui fit oublier immédiatement sa douleur. Qu'étaient-ce donc ces masses sombres qui se trouvaient contre le rebord ? Des mains... des jambes... des yeux éteints. La jeune femme plaqua sa main contre sa bouche et recula instinctivement jusqu'à percuter légèrement M. Fusslebottom. Ce petit choc fit tomber ses larmes. Encore... Cela n'allait-il jamais finir ? Des corps, des corps par dizaine, par vingtaine, par... Elle n'en pouvait plus, elle le sentait. Une boule dans sa gorge l'empêchait de respirer correctement, et elle sentait petit à petit un vertige qui allait la faire vaciller. Non... elle ne pouvait pas s'évanouir maintenant, pas ici. Fort heureusement pour elle, la sensation finit par disparaître d'elle-même. Puis elle entendit la jeune femme rousse parler d'évasion. Quelque chose tilta en elle. Elle devrait la suivre. Elle devrait s'en aller d'ici avec Dick, elle devrait partir de ce chaos inhumain.

Mais...

Pourquoi avait-elle fait tout ce chemin, alors ? Qu'allait-il se passer quand elle rentrerait ? Aurait-elle le cran d'assumer d'avoir vu toute cette horreur sans en connaître la cause ? Déjà que ses nuits étaient hantées par tant de tourments, elle n'avait pas besoin d'en ajouter un autre... Non, il fallait qu'elle sache qui avait fait ça. Combattre le mal par le mal pour être en paix avec elle-même. Il était certain que ce qu'il se tramait ici n'avait rien à voir avec ce qu'il se passait chez elle, mais peut-être aurait-elle un peu plus de courage lorsqu'elle passait le pas de cette maison. Il était temps de se donner des raisons plutôt que de tergiverser sur pourquoi elle était ici. Elle était ici, c'était tout ce qui était certain. Et il ne fallait pas qu'elle abandonne. Pour elle-même. Après tout... avait-elle vraiment tant peur que ça de mourir ? Melanie sourit, un sourire désabusé qui n'était destiné à personne, et qui se fana bien vite.
Se retournant vers son ami, la jeune femme lui prit une dernière fois les mains. L'inquiétude et la peur se lisait dans ses yeux noisettes. Le vent d'une tempête imminente secouait ses boucles qui n'étaient plus si soignées et balançait ses jupons dans un bruit de froissement. Elle attendit qu'un grondement de tonnerre lointain se termine pour pouvoir parler.

« Dick... je comprend si vous décidez de partir dès à présent. Vous allez me prendre pour une folle, et peut-être que je le suis après tout, je m'en moque. Je dois savoir ce qu'il se passe ici, je ne peux pas abandonner. Je ne peux pas... »

C'était peut-être la première fois qu'elle l'appelait par son prénom. Bien évidemment, elle aurait préféré qu'il reste auprès d'elle dans cette épreuve, mais elle n'avait pas assez d'égoïsme pour le lui implorer. Il lui donnait de la force, et peut-être la perdrait-elle s'il s'en allait, mais il valait mieux ça plutôt que quelque chose s'en prenne à lui par sa faute. Elle s'en voudrait à vie... Melanie scrutait ses grands yeux noirs. Ils s'étaient embarqués dans une telle folie qu'elle avait presque envie d'en rire. Elle l'aurait fait si elle n'avait pas conscience qu'une créature horrible pouvait bondir sur ce toit à tout moment...

15 Mai 1891

Je ne crois pas en Dieu. Du moins, je n'y crois plus. Personne ne peut être aussi cruel que Lui. Et pourtant, l'homme qui ouvra la porte de la cellule de William me fit presque retrouver la foi. Si ça se trouve, le Seigneur s'était manifesté à travers cet homme. Ma joie fut si grande de pouvoir serrer William dans mes bras, ne fusse que pour un court instant, que j'hésitai un moment à embrasser les mains de cet homme pour le remercier.

À mon grand regret, mais ce fut un mal pour un bien, William fut menotté pour l'emmener avec nous. Qu'importe, au moins, il était délivré de son cachot souterrain. Même s'il était de surcroît maintenu par une chaîne reliée à ses menottes, je passai un de mes bras autour des épaules de William, le serrant aussi fort que possible contre moi. Je ne l'avais pas serré dans mes bras depuis nos huit ans. Cela faisait treize ans, mais il en paraissait mille. Voire un million. Trop longtemps. Ce fut une sensation, je le réalisai alors, qui ne m'avait que trop manquée.

William nous conduisit jusqu'à un autre escalier censé nous emmener jusqu'aux toits, l'autre s'avérant bloqué. Pendant que nous montions ce second escalier, je serrai William encore plus fort. Il me lança un regard rempli de frustration de ne pouvoir faire de même. Pendant une seconde qui parut une éternité, je plongeai mon regard dans le sien. Ses yeux, les mêmes que les miens, se fixèrent dans les miens, tels des morceaux de puzzle s'assemblant et révélant une œuvre. Cette œuvre était la nôtre. Il me tardait de reconstruire tout ce que nous avions perdu.

Je fus stoppé net dans mon élan lorsque nous l'escalier prit fin. L'horreur fit place de nouveau. Des piles de cadavres nous faisaient face. Si la sanglante salle du sous-sol était effectivement effrayante, l'endroit où nous étions était glacial. Aucune trace de sang, aucun instrument de torture. Seulement ces cadavres.

William eut un mouvement de crispation que je ressentis fort. Si lui s'inquiétait, alors nous avions tous des raisons de douter de ce qui se trouvait ici.

Pour la première fois de ma vie, des yeux, autres que ceux du Seigneur tout puissant, nous fixaient. Ceux d'une autre créature. Qui avait non pas le pouvoir de vie, mais celui de mort.

15 mai 1891.

Le ventre de la Bête s'impatiente. Soufflant de plus en plus fort, les embruns de la Tamise vous fouettent les vêtements et les cheveux tandis que tout ce qui vous rester comme flammèche finit par s'évanouir pitoyablement dans leurs bougeoirs. Vous n'espéreriez tout de même pas qu'elles auraient tenu la tempête ? Celle-ci s'avançait d'ailleurs, plus sombre que vous n'auriez pu le prévoir. Bientôt, c'est le tonnerre qui suppute son onde sonique à travers les bruits de Londres endormie. Les éclairs sont haut dans le ciel, d'une blancheur qui vous apportent une lueur de plein jour pour l'espace d'une seconde.

La lueur astrale devient plus filandreuse, comme capturé par le voile des nuages. La fraicheur de l'air rentre dans vos poumons avec une facilité surprenante, oxygénant votre  sang de manière à vous donner plus d'énergie que vous n'auriez pu en sentir dans les entrailles de la Tour. A cette violente brise s'ajoute la pluie, parvenant par minces gouttes à travers l'aspect cotonneux et noir des nuages. Le martelât de cette eau sur les dalles du toit vous paraît un véritable capharnaüm, couplé au son du vent et du tonnerre. Il vous semblerait presque que vous pourriez à présent parler sans baisser la voix par crainte que les soldats ne vous entendent.

Le prisonnier s'agite de plus en plus entre les mains de celui qui le garde. Ses épaules ressautent, il se penche jusqu'au sol. Tout autour de vous, les membres endormis au teint cadavérique semblent effectuer de petits tressauts à leurs tours. Ne vous laissant pas le temps d'atteindre un quelconque rebord, leurs têtes dodelinent de droite à gauche, leurs bouches s’entrouvrent et leurs visages se remplissent de tics. Ceux-ci prennent en intensité jusqu'à ce que finalement les yeux des cadavres finissent par s'ouvrir, dévoilant un œil blanc et sans âme.

D'une force à la simplicité effarante, le prisonnier brise les chaines de ses menottes, reprenant contenance et se redressant lentement. Ses yeux étaient injectés de sang, pleurant presque tout autant de larmes rouges par longues trainés sur ses joues. Ses lèvres craquelés étaient à présent presque violettes et sa peau d'une blancheur pâle à en faire jalouser les cadavres qui n'avaient pour les distinguer que vagues veines verdâtres. D'une main aux griffes sales, il pousse le vétérinaire violemment contre le reste du groupe, faisant tomber tout ceux qui pouvaient être près de lui.

⊹ « Jack l'Éventreur... je ne le connais pas. Mais vous... vous êtes décidément bien trop aimables pour vivre. Vous auriez du être plus méfiant... et toi Eddy... tu aurais du te demander pourquoi j'avais disparu du jour au lendemain... Jamais nos parents n'ont tenté de me soigner, non... oh non, ils ont préféré me jeter comme un chien. »

Se reculant un peu pour les apprécier tous d'un oeil torve et clair, un large sourire fou vous permet de voir ses longues dents, dont deux plus longues que les autres. Ses veines bleuâtres palpitaient dans son cou, le long de ses joues, plus voyantes encore qu'elles ressortaient parfois en bosses tremblantes. D'une poche de son pantalon éliminé, il sort un jeu de clés entouré d'un morceau de tissu pour l'empêcher de faire du bruit dans son vêtement. Si vous aviez penser à le fouiller, peut-être auriez-vous pu deviner la supercherie de cette unique personne surprenamment enfermé. L'ancien prisonnier rit grassement à votre air surpris tout en vous jetant le trousseau.

⊹ « Voyons, faites pas cette tête là ! C'était mille fois plus facile que je l'aurai cru ! Dès que je vous ai entendu entrer, j'ai accouru aux cachots, ayant hâte de jouer avec vous...»

Les cadavres se levèrent laborieusement, la bouche grand ouverte. A certains, ils leurs manquaient des dents là où la décomposition commençait son œuvre. D'autres saignaient encore, remplissant leurs propres gorges d'un gargouillis incompréhensible. Quand ils eurent atteint leurs points d'équilibres, ils commencèrent à marcher vers vous. C'est alors que vous remarquèrent l'inéluctable. La terrible. Glaciale. Vérité. Que ce fut au nord, au sud. A l'est, ou à l'ouest. L'un d'eux attrapa même la cheville de l'individu qui avait fait tomber les armoiries plus tôt, et commença à tirer. Vous êtes à présent entièrement entouré par les esclaves sans vie de Williams. Il n'y a plus aucune échappatoire.



• TRES IMPORTANT: Si vous n'avez pas indiqué porter une arme dans vos réponses des deux premiers tours de l'Event, ou n'avez pas indiqué récupérer une arme dans la Tour (quelconque dans les entrepôt ou/et les armoiries dans les cachot), vous êtes considéré sans défense.

• Il n'y a pas de minimum de mots pour participer, l'important étant que vous confirmiez votre action et que vous donniez du contenu pour les autres joueurs.

• Vous avez deux semaines pour répondre. Dès à présent, en cas de non-réponses durant ce laps de temps, votre personnage sera un peu plus malmené que le autres.

• Un Topic de Discussion dédié aux membres de l'Event vous est réservé [ICI].

• La prochaine intervention du MJ sera le lundi 4 Septembre.

• Amusez-vous bien, c'est le principal !

• (Désolée pour le petit retard. Amy va me tuer. )