15 mai 1891

Indianna avait senti le besoin effréné de soutien qui avait d’instinct poussé le jeune Percy dans ses bras. Elle avait resserré son étreinte, passant une main délicate dans sa tignasse emmêlée et indomptable. C’est en sentant le souffle de son amie, chaud et régulier malgré l’horreur de la situation, que le cadet Mortimer avait repris contenance, et avait trouvé la force soudaine de s’insurger contre la cruelle indifférence des protagonistes envers le malheureux prisonnier suppliant. Il se trouvait donc debout face à la cage, la petite main blanche d’Indy toujours nichée dans la sienne, certain qu’elle approuverait ses dires. D’ailleurs, elle lui lançait un regard quelque peu brillant qu’il n’avait encore jamais eu l’occasion de voir. Mais lorsque la rousse prit la parole, Percy sentit son sang se glacer dans ses veines ; elle semblait acquiescer aux sadiques propositions des inconnus qui partageaient l’aventure avec eux. Le jeune homme n’en crut pas ses oreilles, mais fut néanmoins quelque peu soulagé lorsqu’Indianna décréta qu’elle se refusait à le laisser ici malgré tout s’il était innocent. Pour justifier sa décision, elle expliquait aux membres du groupe qu’ils étaient assez nombreux pour le maîtriser si besoin était. Puis, se tournant vers le malheureux bougre pris au piège des barreaux de fer, elle prit de nouveau la parole, réclamant une corde ou une ceinture, n’importe quel lien destiné à servir d’entrave de fortune au prisonnier. Le soulagement qu’avait ressenti le Mortimer à la fin de la tirade d’Indianna se mua en indignation devant l’image qui se formait dans son esprit ; sa si douce amie traînant en laisse comme un animal ce pauvre rescapé d’un si atroce massacre.

- Indy !!

Lança soudain Percy d’un ton choqué par la triste initiative qu’avait pris la jeune rousse. Pensait-elle sérieusement ce qu’elle disait, ou bien était-ce une ruse afin d’appâter les autres protagonistes, plus nombreux qu’eux et visiblement plus cruels ? Quoiqu’il en soit le jeune garçon n’avait pas réussi à retenir cette exclamation indignée, ni même un regard quelque peu mélancolique sur sa jeune amie qu’il pensait si fragile et si innocente. Encore sous le coup de l’émotion due à la réponse imprévisible d’Indianna, il ne songea pas même à la défendre devant l’ironie de l’homme au long manteau. Ironie bien insolente et à peine voilée, puisque même Percy la comprenait comme telle, lui que son esprit simple cantonnait habituellement au premier degré. Le jeune roux comprit avec tristesse qu’il n’avait pas envie de défendre l’adolescente, ce qui équivaudrait à cautionner ses propos, ce qu’il ne souhaitait pas. Alors il laissa l’homme se moquer ouvertement, avant d’admettre que la réflexion de la jeune fille était plutôt intelligente et que la méfiance était de mise. Le cadet Mortimer se sentit soudain bien seul ; c’était malheureusement une sensation qu’il ne connaissait que trop bien, mais jamais encore il ne l’avait ressenti en compagnie d’Indianna.

Puis l’homme s’adressa à lui, le tançant vertement d’avoir si inconsciemment élevé la voix sur une scène de crime. Il parlait vite, utilisait des mots compliqués. Le cerveau de Percy, embrumé par les émotions, ne comprenait que partiellement le message que son interlocuteur souhaitait lui faire passer. Il lui lança un regard ahuri et un peu stupide en entendant le mot de « policier ». Se pourrait-il qu’il soit un agent de la Reine ? Que viendrait faire un membre des forces de l’ordre ici ? Le jeune roux se radoucit ; même lui savait qu’il fallait mieux s’accommoder avec ces gens plutôt que leur chercher des noises. Et puis l’homme le prit par les sentiments, lui représentant le danger de la libération d’un homme dont on ignorait encore les méfaits pour la jolie Indianna. Le coup fut fatal ; le cœur de Percy se serra à l’idée que le moindre mal soit fait à son amie et, vaincu, il acquiesça doucement de la tête en lançant un regard tristement approbateur à celui qui avait fait flancher sa hardiesse subite d’une seule phrase.

Puis l’homme se détourna de Percy, entamant une conversation avec la petite femme rousse aux propos si cruels qui semblait accomplir un rituel étrange. Serait-ce une sorcière, une de ces diseuses de bonne aventure, dont le jeune homme ne connaissait rien, mais qui ressentait une appréhension instinctive à leur égard ? En tout cas, à elle et au détenteur de la carte, l’homme qui s’était adressé à Percy résumait l’ampleur du massacre, en tirait d’un ton placide des conclusions hâtives et atroces, le tout d’un air concentré. Leur compagnon à la carte répondait que les morsures défigurant les cadavres n’avaient rien d’animal. Pourtant, ces plaies béantes, sanguinolentes, ces lambeaux de chair arrachés, pouvaient-ils réellement être l’œuvre d’un être humain ? En tout cas, c’est le seul qui semblait sensé. Percy ne savait pas comment l’exprimer, mais il était évident que si, comme tout le monde le redoutait, le prisonnier était à l’origine du massacre, il n’avait besoin de personne pour se libérer. Il ne faisait aucun doute pour ce garçon empathique que le malheureux aux yeux suppliants et à la voix brisée n’était rien d’autre qu’une victime. Il proposait donc au pauvre bougre de le libérer afin qu’il le conduise jusqu’au véritable monstre qui avait orchestré cette tragédie.

Un bruit de glissement humide, suivi d’un cri de surprise, fit se retourner un Percy affolé et le cœur battant. En descendant la dernière marche, une femme avait glissé dans une mare de sang et était tombée de tout son long dedans. Tétanisé, il ne put rien faire d’autre que regarder, muet d’horreur, la femme se relever, couverte de sang épais des pieds à la tête. Mais, à peine remis de ses émotions, un autre cri alerta le jeune homme, les nerfs déjà à vif : un homme avait sauté sur le dos du propriétaire canin qui tenait la jeune mariée dans ses bras quelques instants auparavant. Son fidèle compagnon s’était jeté sur l’agresseur avec une féroce loyauté, mais on s’aperçut vite qu’il ne s’agissait que d’une personne sans vie tombée sur lui. Percy se détourna vivement de cette scène macabre, le prisonnier s’adressant à celui qui semblait être son jumeau, tant la ressemblance était frappante.

Il avait visiblement quelque chose à avouer, et suppliait encore pour sa libération. Le bâtard Mortimer le regardait avec pitié s’adresser au prénommé Eddy, lorsqu’un fracas terrible le fit une troisième fois sursauter. Et dire qu’on lui avait reproché de parler trop fort !! Un des jeunes garçons de l’aventure s’était approché d’un bouclier accroché au mur, et, la curiosité l’emportant, avait tenté de le toucher. La pièce de fer s’était alors décrochée du mur pour atteindre le sol souillé de sang, de chair putréfiée et de cadavres aux plaies béantes, tout en faisant un bruit assourdissant. Si un monstre sommeillait aux alentours, nul doute que la bévue du jeune garçon l’avait réveillé. D’ailleurs, le prisonnier, pris de panique, hurla contre le fautif de l’accident, tout en acceptant les conditions du détenteur de la carte, voulant à tout prix s’extirper de sa cage. Le pauvre garçon qui s’était fait ainsi réprimandé se couvrit le visage de ses mains, rouge de honte. Quelques larmes coulaient entre ses doigts et Percy eut pitié de ce malheureux, sa légendaire maladresse lui causant souvent ce genre d’incidents.

Lorsqu’il vit la jeune mariée se précipiter vers lui pour le réconforter, il eut un peu honte de s’être emporté ainsi tout à l’heure ; elle lui avait jeté un regard attristé qui l’avait ému et décontenancé ; faire du mal n’était pas de ses habitudes et, au moment où elle l’avait fixé de ses yeux mélancoliques, il regretta d’avoir parlé ainsi. Après tout, c’était une très jeune femme qui avait peur. Il n’aurait pas dû tant la blâmer pour ce qui ne pouvait être que de la méfiance. Et puis c’était surtout les paroles totalement dénuées d’empathie de la femme rousse qui l’avait fait bondir, les autres ayant un discours qu’il désapprouvait, mais qui était plus timoré. Il essaya de lui lancer un léger sourire, crispé, ne sachant comment s’excuser et effrayé à l’idée de se faire envoyer sur les roses. Il l’aurait bien mérité pourtant. De plus, malgré sa frayeur, elle semblait raisonnable, car elle se proposa à partir. Percy admettait en son for intérieur que l’idée était très séduisante. Il avait foncé tête baissée dans cette aventure, mais jamais son esprit simple ne se serait imaginé qu’il se retrouverait au cœur d’un si macabre imbroglio. De plus, elle semblait vouloir que « tout le monde » parte, le prisonnier compris. Elle semblait regretter ses précédentes paroles, et, de fait, Percy regretta plus encore son accès de colère, et, pour se faire pardonner et pour donner son aval à une fuite qui lui paraissait tout à fait raisonnable, il bredouilla :

- Je…je crois qu’elle a…raison…Allons-nous…en.

Tout en disant cela, il jeta un coup d’œil à Indianna, car il était évident, que même si il manquait parfois de courage, Percy ne partirait pas sans elle.

Tour de Londres, 1891.
Beaucoup de mots étaient prononcés dans l’air pour savoir ce que la petite troupe devait faire du prisonnier qui, au grand désespoir de Gerald, ne répondit à aucune de ses questions. Quelque peu vexé mais n’ayant cependant pas oublié de remercier Lydess pour son mouchoir, il regarda simplement les autres tergiverser sur le sort du pauvre garçon qui semblait bien évasif sur le sujet de son emprisonnement. Cela parvint à semer le doute dans l’esprit du barbier. Peut-être avait-il quelque chose à voir avec ce carnage ? Mais ce qui l’intriguait le plus c’était pourquoi le potentiel tueur l’avait laissé en vie. Vraisemblablement, il n’avait eu aucun mal à égorger et éviscérer des criminels qui savaient sûrement se défendre un minimum. Gerald, pour une fois, les laisser discuter sans rien dire, notant la position de chacun par rapport à tout ceci. Les avis divergeaient la plupart du temps sans que personne n’arrive à se mettre d’accord. Même le jeune Percy s’emporta, lui qui était pourtant si discret et silencieux. Cette affaire devait vraiment le prendre à cœur… Mais celle qui proposa la meilleure idée fut la jeune amie du rouquin. Prendre une corde et l’attacher. C’était certes un bon compromis mais un détail taraudait l’esprit du barbier qui fit, pour une fois, preuve de logique :

— Je suis d’accord avec la gamine mais seulement… Où comptez-vous trouver une corde ici ?

Gerald eut alors une pensée très peu ragoûtante en regarda l’un des cadavres dont les intestins sortaient à moitié du ventre ouvert. Il secoua la tête, dégoûté par sa propre idée. Cependant, il y avait bien des chaînes un peu partout dans les cellules mais aucune ne lui semblait avoir la longueur nécessaire. De plus, elles étaient fixées au mur pour la plupart. Mais après, peut-être pouvait-il se tromper. Il soupira doucement avant qu’un bruit fracassant se fasse entendre. D’une part, l’une des personnes les plus discrètes jusqu’à présent avait glissé sur il ne savait quoi et s’était retrouvée par terre. Le mari ou du moins le compagnon de la mariée avait reçu le câlin d’un cadavre et un autre jeune homme avait fait tomber des armoiries sur le sol, source potentielle du bruit. Gerald eut un ricanement moqueur, se rappelant qu’on lui avait fait des critiques surs sa voix forte. Amusé par l’ironie de la situation, il se tourna vers Lydess en conservant son petit sourire taquin, se penchant vers elle.

— Alors, qui c’est qui fait le plus de bruit maintenant ? On critique que je parle fort mais est-ce que je fais un boucan à réveiller les morts ?

La mariée proposa alors de sortir d’ici rapidement, idée que Gerald ne put qu’aquiescer. Cependant, tout le monde semblait oublier un détail, même Percy qui semblait être calmé. Le barbier pointa du pouce par-dessus son épaule le prisonnier.

— Et lui alors ? Hé, vous savez quoi, faites ce que vous voulez avec lui. J’ai pas d’avis sur lui.

Il s’éloigna de la cage, lui qui était l’un des premiers arrivés et tira une des deux épées des armoiries qui étaient au sol. Il posa un doigt délicatement sur la tranche afin d’estimer si la lame était affutée. Il fit une moue dubitative et se retourna vers la petite assemblée.

— Si quelqu’un sait mieux manier le sabre que moi, je lui donnerai volontiers. En attendant, sait-on, jamais. On ne sait pas celui qui a fait ça alors mieux vaut être prudent. Mais je veux bien passer devant si ça rassure quelqu’un.

Il les regarda un instant et attendit qu’une décision se prenne. Cela ne le dérangeait absolument pas de jouer les éclaireurs malgré son côté rentre-dans-le-tas. Si cela pouvait apporter une once de courage à Percy et son amie, il le ferait sans problème.

Tour de Londres, 1891.

Le regard que Percy lui lança était lourd, tel un poignard dans le coeur. Elle ne suivait pas ses dires même si en un sens s'est pensé était plus proche de celle de Percy que de celle des autres, soi-disant adultes qui jugeaient et condamnaient très, trop hâtivement ce pauvre jeune homme. Indianna avait pris la parole, tentant de couper les deux parties, de trouver un juste milieu entre ceux qui voulait déjà voir le jeune homme mort et ceux qui le voulaient libre de tout mouvement. Mais évidemment son jeune âge et ses mots sûrement maladroits laissèrent quelques âmes la contredire avec joie. L'homme dont elle ignorant toujours le nom, où avait oublié le nom, pour être plus précis. Mais elle se souvenait de son visage, qui avait désapprouvé plutôt encore l'aide d'une autre femme rousse, venue à son secours sur le haut rempart de la tour. Sans broncher elle l'écouta. Serrant des dents pour ne pas lui cracher quelques mots qu'elle avait sur le cœur, ou le giflait. Indianna était douce et patiente, mais elle se rendait compte en grandissant qu'elle avait un côté très impulsif. Elle tenta de se calmer, laissant l'autre beugler à sa guise tout en s'approchant un peu plus de la cage dorée du prisonnier. Faisant abstraction des dires, elle n'entendit même pas qu'on appuyait ses dires alors. Un regard compatissant à son égard. Le fait qu'il soit ici, le seul sans une égratignure alors que la pièce était jonchée de cadavres était fort suspect, Indy ne pouvait le nier. Il pouvait sans soucis chercher à les manipuler, peut-être. Mais sa ressemblance avec un autre des compatriotes, ce regard étrange. Malgré tout Indianna, ne pouvait se résoudre à lui faire du mal.

Elle sursauta, manquant un cri léger. Se retournant elle constata avec horreur une femme tombée. Elle avait glissé dans une mare de sang et sa robe en était à présent couverte. Comme si soudain Indy découvrait ou redécouvrait avec horreur les atrocités qui tenaient de décors à la pièce. Elle manqua un haut-le-cœur. Détournant le regard elle ferma les yeux alors qu'un autre cri retentit. Réfrénant son cœur qui battait trop vite, son dégoût qui surgissait comme s'il avait été en retard. Une main à sa bouche, serrant toujours des dents, elle se concentra afin de tenter de ne pas être malade. Inspirant un grand coup avec elle nez. L'odeur putride lui revenu en pleine narine. Elle grimaça et eut de nouveau un haut-le-cœur. Ouvrant la bouche elle respira rapidement alors. Un bruit la fit de nouveau sursauter, plus puissant et effrayant alors. Une armoiry venait de rencontrer le sol par la bêtise d'un homme. La main sur le cœur, elle lui jeta un regard noir. Au moins la distraction avait réussi à lui faire totalement oublier son mal-être soudain. Ne plus respirer par le nez, une règle à présent à laquelle elle se tiendrait, ne pas regarder la femme couverte de sang, une autre règle. Si elle ne voulait pas tourner de l'œil, elle se devait de les respecter. Un regard vers Percy, d'un regard doux, elle s'excusa de ne pas l'avoir davantage appuyé dans son élan. Mais elle ne le pouvait pas. Son regard tournant vers un homme qui saisit une épée.

« Peu importe, mais nous ne pouvons rester davantage ici. Il faut prendre une décision pour lui. Et je ne pense pas que le laisser ici soit une bonne idée. Mais comme vous l'avez si bien dit, je ne suis qu'une gamine sans cervelle, alors, si vous avez une meilleure idée, faite. Mais je ne veux pas avoir sa mort sur la conscience. »

Indiana avait laissé son regard porter vers l'homme du mur, petit à petit, plus noir qu'il ne l'avait jamais été. Si lui voulait avoir la mort d'un homme sur la conscience alors soit, mais elle non. Son regard toujours sur l'homme, elle laissa ses mains trouver sa tresse. Défaisant le nœud qui la maintenant en place. Le ruban vert dans la main, assez long pour former un nœud papillon tout en laissant deux bouts dépasser, elle le présenta face à elle.

« Si aucun n'est fichu de défaire sa ceinture ou de donner sa chemise pour en faire une corde improviser, je peux offrir cela. C'est maigre, mais si cela peut aider à nous faire TOUS sortir d'ici... »

La troupe était bancale, trop. Entre les déchirures, des uns et des autres, ceux qui ne tenaient pas debout, ceux qui déjà avaient une arme en main pour se défendre. Peut-être, n'était-elle qu'une enfant, mais au moins elle essayait de faire au mieux.

Tour de Londres, 1891

-Nom d'un... !

Devlin tourna la tête dans tous les sens, décontenancé par autant de boucan en si peu de temps ! Qu'est-ce que c'était que ce ramassis d'inconscients ?! Et le pire, dans tout ça, c'est que sa propre pupille faisait partie du lot !

Après avoir dardé un regard glacial sur le fossoyeur bruyant, Devlin s'approcha de Joséphine, le pas assuré des hommes particulièrement en colère ! Il se campa devant la jeune femme avec, dans ses yeux, les éclairs dorés de l'homme que la jouvencelle en culottes courtes avait tout fait pour énerver. Sa voix fut froide, son français acerbe, peu importe que Harry et Maddy comprennent, trop, c'était trop.

-Si une diseuse de bonne aventure mirait une boule de cristal pour me dire qu'une personne proche de moi tenterait d’œuvrer à ma perte, je la penserais incompétente car voyant mon passé au lieu de voir mon avenir mais non : cette personne se tient juste devant moi, de toute évidence ! Et pas que ma seule perte, en l’occurrence, celle de tout le monde ici aussi.
Vous voulez savoir pourquoi je ne vous embarque pas dans mes missions à risques ?!

Il montra d'un geste du bras le foutoir qu'elle avait provoqué, rappelant tout le vacarme qui s'en était suivi.
Sa main alla à une vitesse folle, frottant la joue de la jeune femme. Il mit son pouce, rendu humide par les larmes, à quelques centimètre des yeux de Jo.

-La sensiblerie n'est pas la bienvenue dans une zone de danger ! On fait une bêtise, ok ! Mais on réagit, et vite, au lieu de pleurer son sort comme une princesse inutile ! Ce n'est ni le moment, ni l'endroit pour un cours de renfort du caractère alors je vais faire simple: arrêtez d'être tétanisée, réveillez-vous et concentrez-vous sur votre objectif: votre survie et celle des gens ici!

La situation était simple : même s'il la savait à peu près capable physiquement parlant, il ne faisait pas confiance à Joséphine sur le plan du sang-froid et de la force d'âme ! Et elle venait de lui prouver qu'il avait parfaitement raison : c'était une gosse trop fragile émotionnellement qui passerait son temps à le mettre en danger si elle l'accompagnait.
Il n'avait clairement envie de s'encombrer d'une Princesse Peach se faisant constamment kidnapper par le méchant et qui l'obligerait à faire la tournée des châteaux pour la sauver !
De toute façon, ni le rouge, ni la moustache, ne lui allaient au teint.
Elle n'avait pas encore la solidité nécessaire, psychologiquement parlant, pour affronter le pire. Elle devait s'endurcir, et il ne pourrait pas l'aider à le faire. C'est une chose qu'on ne pouvait apprendre que seul.

Il s'éloigna pour aller vers le mur du fond de la pièce... là où les gardiens rangent habituellement les menottes. Il y en avait quelques paires. Il en prit une qui avait sa clé et se dirigea vers le « Berzerker ».
Au passage, il mit les menottes entre les mains de la jeune Indianna, faisant de nouveau usage de l'anglais :

-C'est une prison, ici, ma chère: on y trouve des menottes. Si vous voulez le sortir de là, essayez avec ça, c'est métallique et solide ! Et... dans le dos, les mains attachées, pas devant !

D'accord, il s'était montré très dur avec Joséphine, et pas plus délicat avec Indianna... et il ne le serait avec personne dont il estime le comportement dangereux pour tous.
Peu importe qu'il passe pour un sans-cœur ou un salaud. Devlin était venu contrer un danger, pas se faire des amis!
Pour l'instant, il n'accordait sa confiance qu'à Lydess, éventuellement Harry et ce gars bati comme un deuxième ligne de rugby. Le reste, c'étaient des gens à protéger tant qu'ils n'auraient pas prouvé qu'ils étaient plus. Peu importe qu'on le considère mal, il faisait son job.
Ils étaient tous en danger ici, ce n'était pas le moment de faire dans la diplomatie et le petit thé servi avec des biscuits.
Il regarda le gars qui avait prit une épée.
Arme somme toute pas si évidente à manier, mais il semblait s'y connaître un peu

-Bonne arme. Moi, ça me va: vous ouvrez, je ferme. Si la chose peu hospitalière qui n'a aucun sens du rangement nous a pris en chasse, les soucis viendront principalement soit de l'avant, soit de l'arrière.
Mieux vaut continuer pour tenter de débusquer notre massacreur, mais faites attention.

Habitude suite à sa rencontre avec Sarah Blackcat ou simple méfiance, Devlin regarda le plafond.
-Le danger sait aussi venir du ciel !
...Surtout quand celui-ci est tangible et constitué d'une surface avec du grip.
Harry était formel : il ne savait pas de quel animal il s'agissait. Quand on ignorait la nature du danger, on voyait large pour les capacités de celui-ci, histoire d'être le moins surpris possible.
-Bon, si nous y allions? J'ai une partie de criquet nocturne à 4h, je ne tiens pas à passer pour un goujat en arrivant en retard.
Fit-il d'un ton subitement jovial.

15 Mai 1891

Pendant quelques secondes, qui parurent une éternité, je plongeai mon regard dans les yeux de celui que je croyais mort depuis des années. C'est à ce moment que je réalisai à quel point mon frère, mon jumeau, m'avait manqué.

Pendant l'éternité de ces quelques secondes, une multitude de souvenirs me revinrent en tête. Notre enfance à Southampton, les cours particuliers, nos explorations du jardin de la propriété de nos parents, les (nombreuses) punitions, mais surtout, le jour où mes parents m'avaient annoncé sa mort. Un mensonge, le pire de tous. Et j'y avais cru.

Je fus brusquement ramené à la réalité par une puissante main qui m'écarta de la cellule. Un homme, visiblement très fort, fit pleuvoir sur William, puis sur moi, un torrent de questions. Mais j'étais bien incapable de répondre à quoi que ce soit. J'étais encore sous le choc de cette révélation. Il semblait y avoir du coton dans mes oreilles, de la buée dans mes yeux et de l'air dans mes muscles. Lorsque cet homme aux bras d'acier détourna le regard, je dus lutter pour ne pas me laisser tomber sur le sol glacé recouvert de sang. Je m'aperçus alors que la pièce entière n'était que chaos et désastre. Des corps, du sang, et une odeur indescriptible. J'eus même un semblant de pitié pour cette femme qui tomba de tout son corps dans une flaque de sang.

Je regardais les autres. Tous élevaient plus ou moins la voix pour créer des échanges plus ou moins constructifs. Je n'arrivais plus à comprendre quoi que ce soit. Je m'agenouillai devant la porte de la cellule, prenant les mains de William dans les miennes. Je ne voulais plus le lâcher. Je ne voulais plus le voir disparaître.

- Je vous en supplie ! Libérez-le, c'est mon frère... Je vous en prie, il ne doit pas rester une minute de plus dans cette forteresse... Je vous donnerai tout ce que vous voudrez, mais par pitié, faites-le sortir de là !

Un vacarme infernal. Une explosion. Un hurlement de fer. Cette détonation m'interrompit. Notre excursion prenait un autre tournant. Des gardes de Sa Majesté allaient-ils débarquer et nous arrêter. Probablement, mais nous pouvions encore tous, y compris William, sortir de là.

Voyant les autres improviser pour ouvrir la cellule, je me tins sur le côté, sans pour autant détourner le regard de William. J'étais contre l'idée de le menotter, mais si ça pouvait rassurer tout le monde, alors il fallait s'y plier, d'autant plus que le résultat serait le même : William serait libéré de sa cellule.

Encore fallait-il sortir de la forteresse, ce qui, désormais, paraissait compromis.

Tour de Londres, 1891.

La sucession d'évènements qui s'écoula en un si léger laps de temps eu raison de faire crisser les dents du vétérinaire. Que ce fut ces gosses en culottes courtes qui s'exclamaient pour un peu de sang ou qui faisait tomber des armoires jusqu'à presque pouvoir réveiller ces morceaux de cadavres au sol, d'accord. Il le comprenait, ce n'était visiblement pas des personnes faites pour ce genre de situation. Mais Dick le déçut profondément, ce n'était pas comme si c'était le premier cadavre qu'il touchait, loin de là. Cependant, il ne put dire combien il était fier de Lord Sawyer, qui malgré sa petite taille et son embonpoint certain, faisait preuve d'un courage indéniable pour sauver la vie de son maître adoré. Voilà un brave animal qui irait loin. Si chacun d'entre eux parvenait à sortir vivant. Déjà toutes les voix s'élevaient pour sortir d'ici le plus vite. Peut-être qu'il aurait fallu y penser plus tôt, à essayer d'entrer par effraction dans une Tour gardée d'où s'était échappé tous les plus horribles cris jamais entendu dans la capitale. Au moins certains déjà essayer de mettre la main sur les épées qu'avait lâché l'armoirie. Ceux-ci avaient une once de cervelle, car au milieu de ce carnage ensanglanté, même Harry avec son couteau de boucher se sentait quelque peu fragile.

Beaucoup de voix s'élevèrent au final pour libérer cet être, certainement tristement et malencontreusement enfermé. Le vétérinaire squelettique n'aurait pu répondre à aucune question, n'ayant jamais eu à faire à cette personne auparavant: si quelqu'un l'avait mis derrière les barreaux, ce n'était pas lui. Ce n'était pas Devlin non plus, dans le cas contraire, Harry ne doutait pas qu'il en aurait déjà fait l'étalage vaniteux auprès de tout ceux que la providence avait mis à leurs côtés. Se grattant l'arrière de la tête en attendant que quelqu'un se décide enfin à faire quelque chose, il vit le détective placer des menottes entre les mains de la jeune rouquine qui l'avait pris en grippe plus tôt. Celle-ci avait même retiré son bandeau pour faire office d'attache au prisonnier. Harry n'avait pas même eu le temps de faire sa moue qu'il se saisit au final des menottes sans que ni l'un ni l'autre n'eut quelque chose à en dire. De toute façon, depuis quand la fille pouvait être experte en l'art de ces choses. A moins d'un secret bien gardé, le vétérinaire avait forcément plus d'expérience qu'elle. Bien que ce ne fut jamais en des situations aussi extrêmes... ou plutôt extrêmement dangereuses comme celle-ci.

Rapidement, une donnée phare s'offrit à lui. Si tout le monde parlait de lui ouvrir ou non, personne ne semblait réellement savoir comment et avait davantage hypothéquer sur comment faire par la suite. Se plaçant l'arrête du nez entre ses doigts, il réfléchit quelques secondes avant de demander à Gerald d'utiliser son épée comme pied de biche afin d'ouvrir le cadenas. Chose qui fut aussi vite faite que dite, et qui ne manqua pas d'occasionner un petit bruit supplémentaire. Rapidement, Harry lui passa les menottes dans le dos après avoir récupérer son corps affaibli sans problème. Le pauvre ne semblait vouloir rendre aucune résistance.

- Je t'aurai libéré depuis le début moi personnellement, mais à présent que je tiens, je veux que tu nous conduise à celui qui a fait ça. Ne t'en fais pas, je te libérerai aussitôt pour que tu puisses t'enfuir.

Harry serra bien fortement entre ses paumes les chaînes maintenant les deux mains bien enfermés. Il avait rendu à Gerald aussi  bien son libre arbitre que son épée, restant à présent avec le prisonnier. Il était bien décidé à découvrir qui avait fait un carnage pareil, même si ce n'était pas son idole.

15 mai 1891

Lydess prit une profonde respiration. Dans ses poumons soufflait encore l'odeur de l'encens purificateur qu'elle avait allumé pour se défaire de l'impitoyable sens de cadavre qui trainait encore dans ses narines. A peine avait-elle abandonné son bâton braisé dans un coin des cachots qu'elle commençait déjà à repartir en direction des escaliers. Il n'y avait pas plus de temps à perdre, cette chose n'était pas humaine, et il n'y avait que très peu d'espoir qu'elle ait pu être humaine. Depuis le début, la sorcière y avait humé un air de surnaturel, mais était-ce au final véritablement le cas ? Elle n'osait pas se l'avouer, mais ses veines tremblaient à cette simple idée. Les remords également l'entouraient délicatement, comme une embrassade glacée. Ses envies d'aventures se réfrénaient rapidement à cette vision sanglante, elle dont la vie avait prit une tournure et un sens totalement différent avec ses retrouvailles. Qu'est-ce qu'elle foutait dans un carnage pareil, alors que l'attendait vraisemblablement un mariage et des enfants au delà de ces murs ? La vérité était que la cartomancienne, au delà de découvrir des choses magiques, terrifiantes et surnaturelles, désirait très certainement vivre une dernière aventure avant le confort aigrie de la noblesse.

Cette pensée l'attrista, loin de toutes préoccupations de ses coéquipiers de fortune qui déjà songeaient à également repartir. Une sage idée, au final. Certainement Devlin saurait s'en sortir sans elle, il était un grand garçon avec un gros pistolet. Mais ils ne semblaient pas vouloir sortir sans l'inconnu enfermé, ce qui exaspéra grandement la sorcière. Ils avaient déjà bien à faire sans lui, pourquoi se mettre un poids, bien lourd malgré la faiblesse de sa force épuisée. Surtout qu'elle allait très probablement devoir faire le taxi avec le grappin pour que tous puissent s'en sortir. L'idée la fit soupirer de dépit, quand les bruits provoqués par le maître du chien, puis son ancienne cliente bourgeoise, la firent presque taper du pied avec colère. Impossible d'être aussi stupide, en ce qui concerne la Joséphine, son tirage se révélait d'une justesse cruellement imparable. Ce qui attira plus gentiment son œil fut la jeune personne qui était tombé dans le sang. Aussitôt elle partit récupérer son mouchoir auprès de Gerald à qui on en demandait décidément beaucoup. S'approchant alors de la jeune femme déguisée, elle essuya son visage du sang qui la salissait et tapota son dos quand celle-ci voulut vomir. C'était tout à fait normal, qui pouvait lui en vouloir.

- Chh... ça va aller... courage...

Murmura-t-elle d'un ton maternel tandis qu'elle continuait de taper légèrement dans le dos de la femme, relevant les cheveux qui tombaient de son outillage de tête. Regardant alors les autres qui s'interrogeaient, se fustigeaient du bruit ou autre, elle termina de s'occuper de l'inconnu indisposé pour la rediriger vers l'escalier. Il ne lui fallut pas longtemps pour remonter dans le couloir principal et la laisser mener sa vie de personne libre. L'important était de ne plus se laisser dans l'atmosphère pesante et écœurante de ce cachot. Ceux qui y étaient restés semblaient de toute façon avoir eu ce qu'ils voulaient.

15 mai 1891.

Votre décision a été la suivante: vous avez libéré l'individu. De concerts, passant de multiples émotions et choix, le prisionnier est à présent libéré. Ce dernier a écouté vos délibérations avec la sueur au front, serrant dans ses mains les mains de son frère jumeau que la vie a eu trop longtemps séparé. Il ne montra aucune résistance aux mains du vétérinaire qui le saisirent pourtant sans ménagement. Pas un seul de ses regards ne vont aux cadavres qu'il a déjà beaucoup trop vu. L'atmosphère n'est plus aussi putride qu'auparavant grâce au bâton de sauge de la cartomancienne, et quelques uns d'entres vous auront pu reprendre leurs respirations plus correctement. Mais n'en doutez pas, pour poursuivre cette aventure, il vous faudra remonter cet escalier aux marches abruptes. Le courant d'air frais que vous aviez pu sentir à l'aller n'est plus là.

Vous ignorez ce qui a changé entre temps, mais vous sentez que l'atmosphère a changé. De pesante, elle est devenue insupportablement lourde. Les ténèbres du couloir ont augmentés à mesure que la lumière de la Lune peine à entrer dans les rares fenêtres de la Tour. L'heure tourne et les évènements aussi. A tout ceux qui s'engouffreront dans cet endroit connu, un détail ne manquera pas de faire bondir votre coeur. La porte de l'entrepôt par lequel vous êtes entrés, est à présent fermé à clé. Le Loup est arrivé avant vous et vous a pris au piège. Il connait votre position, votre présence, respire à l'odeur de vos pas qui marchent sans but à présent. Le demi-tour n'est plus possible. Les plus claustrophobiques d'entre vous peuvent déjà sentir le sang qui fulgure dans leurs veines, carressant chaudement leurs coeurs et leurs tempes.

Vous sentez que l'air sent à présent le renfermé, et s'il n'eut été les parfums de la sorcière; l'odeur des cadavres auraient peut-être déjà pris possession le long des escaliers pour venir imbiber la moindre de vos effluves. Pas un seul bruit du dehors n'arrive à vos oreilles. Ni les pas des soldats, ni même les ordres. Seul vos pas et vos respirations sont audibles. Oserais-je même dire vos battements de coeur à vos propres oreilles ? Vous avez perdu une porte de sortie, mais vous avez gagner un guide. Celui-ci s'excite déjà, paniqué de connaître votre futur plan de sortie alors qu'il voit sur vos visages se déguiser la peur. Trépignant entre vos chaines, il regarde le détour du couloir d'un air insistant, ne voulant pas donner l'impression de déroger au contrat établi.

⊹ « Par là-bas... il y a un autre escalier... qui mène aux toits... le... la... la chose y est certainement... ne serait-ce que pour pouvoir respirer...»

Vous êtes dubitatif. Mais certains d'entres vos esprits éclairés pourraient voir une sortie adéquate. Au delà de ce couloir, vous verrez en effet un nouvel escalier menant en hauteur. Des traces de sangs séchés sont visibles sur les murs en colimaçon. Une chose est sûre. Votre guide n'est pas un menteur. Les marches sont en meilleurs états que celles menant aux cachots, mais ce n'est qu'un doux apparat alors que vos pérégrinations vous mènent effectivement aux toits de la Tour de Londres.

Ceux-ci sont dallés, offrant autour de vous une belle plateforme rectangulaire. Des remparts vous protègent de la chute, et n'ayez crainte, aucun garde n'y fait de rondes. En tout cas plus à présent. Car jetés tels des déchets sur un trottoir, de nouveaux cadavres. Mal et bien habillés, sans distinction. Alors qu'aux cachots, les cadavres étaient éventrés, ne représentant plus aucun sens commun, disposés presque en pile au centre de la salle; ceux-ci sont propres, comme vidés de toute substance, et reposent tel en sieste, dos aux remparts. Si vous avez le courage ou la patience de les compter, vous en viendrez à une grande trentaine. Pas une seule trace du Loup. Au loin seulement vous pouvez commencer à entendre le tonnerre qui gronde. Pis encore, les nuages noirs se mettent à cacher les éclats de la Pleine Lune. Faites vos jeux.



• Il n'y a pas de minimum de mots pour participer, l'important étant que vous confirmiez votre action et que vous donniez du contenu pour les autres joueurs.

• Vous avez deux semaines pour répondre. Dès à présent, en cas de non-réponses durant ce laps de temps, votre personnage sera un peu plus malmené que le autres.

• Un Topic de Discussion dédié aux membres de l'Event vous est reservé [ICI].

• La prochaine intervention du MJ sera le lundi 21 août.

• Amusez-vous bien, c'est le principal !